cosmos

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec kosmos, « ordre », « ornement », « ordre du monde », « univers ».

Philosophie Antique

Partie précise de l'univers ou même l'univers dans son ensemble.

Le cosmos peut signifier le ciel, la terre, l'homme lui-même ou, de manière plus large, le Tout, l'ensemble ordonné et harmonieux que forment le ciel et la terre, les dieux et les hommes(1). Pythagore fut le premier, semble-t-il, à appeler le ciel « cosmos »(2). Le terme désigne par la suite, chez les présocratiques, le monde conçu comme un système. Conformément à son sens initial, le cosmos s'oppose au désordre (akosmia), il constitue un système fini, limité, même s'il peut exister, selon les atomistes notamment, une infinité de cosmos(3). Cette conception du cosmos ne reflète cependant qu'un aspect de la notion dont le sens – esthétique, moral, politique – dépasse le domaine de la physique. Le terme kosmos, en grec, signifie la parure des femmes(4), mais aussi l'ordre militaire(5) et l'ordre de l'État ou du gouvernement(6). Le terme est fréquemment assimilé à la notion de convenance, ce qui est fait kata kosmon est fait « comme il convient »(7).

La richesse sémantique du terme se manifeste sans nul doute dans la conception platonicienne du cosmos, décrit comme une œuvre belle, dotée par le démiurge d'une âme et d'un corps, divinité bienheureuse vivant en parfaite autarcie(8) ; ainsi que dans la perspective des stoïciens, pour qui le cosmos est Dieu(9), et qui assimilent le monde à une cité dont tous les hommes sont citoyens(10). Le cosmos peut aussi parfois désigner, dans la tradition biblique, le monde ou l'humanité dans son opposition à Dieu(11), ou même être considéré, notamment par les gnostiques, comme l'œuvre mauvaise d'un démiurge ignorant(12).

C'est sans doute la conception aristotélicienne du cosmos, ensemble clos et hiérarchisé, géocentrique, mû par un premier moteur qui lui est extérieur, qui est la plus représentative du cosmos des Anciens. Cette conception précisément devait être remise en cause, à partir du Moyen Âge, par de Cues, puis par les héritiers de la pensée de Copernic, tel Bruno et sa thèse de l'infinité de l'univers(13).

Annie Hourcade

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Platon, Gorgias, 508 a.
  • 2 ↑ Diogène Laërce, VIII, 48.
  • 3 ↑ Diels-Kranz 67 A 21.
  • 4 ↑ Homère, l'Iliade, 14, 187.
  • 5 ↑ Homère, l'Odyssée, 13, 77.
  • 6 ↑ Hérodote, I, 99.
  • 7 ↑ Homère, l'Iliade, 10, 472.
  • 8 ↑ Platon, Timée, 28 b sq.
  • 9 ↑ Diogène Laërce, VII, 137.
  • 10 ↑ Long, Sedley, les Philosophes hellénistiques, Paris, 2001, 67 A.
  • 11 ↑ Évangile selon st Jean, 12.31.
  • 12 ↑ Irénée, Contre les hérésies, I, V.
  • 13 ↑ Bruno, G., La Cena de le Ceneri, Premier Dialogue.
  • Voir aussi : Brisson, L., Meyerstein, F. W., Inventer l'univers : le problème de la connaissance et les modèles cosmologiques, Les Belles Lettres, Paris, 1991.
  • Duhem, P., le Système du monde : histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic, 10 vol., Hermann, Paris, 1958-1995.
  • Koyré, A., Du monde clos à l'univers infini, trad. R. Tarr, Gallimard, Paris, 1973.
  • Lerner, M., le Monde des sphères, 2 vol., Les Belles Lettres, Paris, 1996-1997.

→ cosmologie, démiurge, logos, microcosme / macrocosme, monde, nomos

Épistémologie, Esthétique, Métaphysique, Philosophie Cognitive

Totalité englobante, bien ordonnée, constituée de parties symétriquement disposées, où viennent s'équilibrer les éléments opposés selon un jeu de combinaisons systématiques et périodiquement alternées.

L'objet de la pensée cosmologique, qui est le Tout de la réalité, les anciens Grecs le nommaient : to pan, to holon en faisant ressortir son caractère de totalité englobante. Le calque latin de ce terme est l'universum, qui désigne l'ensemble unifié du réel, par opposition au diversum, qui souligne, au contraire, les différences et disparités dont est composée la réalité. Par ailleurs, le terme même de cosmos, dont fut tardivement tiré celui de cosmologie, évoque l'idée d'un ordre universel, d'un bon ordre, où chaque chose est à sa place en raison des fonctions qui lui sont assignées, selon des limites strictes, au sein de la totalité. Selon l'historien Ch. H. Kahn, l'idée de beauté est venue se surajouter à celle de bon ordre plus tard, aux alentours du ive s. av. J.-C.(1) : ce dont la « cosmétologie » se souviendra ultérieurement. Le vocable mundus, qui est le calque latin du cosmos grec, vient renforcer tout particulièrement le caractère esthétique ou ornemental de tout agencement régulier. Le français conserve certaines de ses connotations, puisque monder, mondifier ou émonder signifient purifier, assainir et remettre en ordre. Ces remarques sémantiques et étymologiques font manifestement ressortir à quel point les idées de monde et d'univers sont empreintes de significations d'ordre esthétique, éthique, théologique et architectonique. Tout se passe comme si la contemplation des phénomènes célestes avait fourni à l'homme le paradigme d'un ordre légal de coappartenance auquel il est absolument impossible de se soustraire, contrairement aux lois que font les hommes eux-mêmes. Le kosmos grec était considéré comme un « en soi », un grand vivant, une belle totalité bien liée et finalisée, englobant tous les étants, dans laquelle l'homme prend place comme spectateur, mais à laquelle il participe également, car il doit y assumer pleinement son rôle, conformément à une nécessité implacable.

Cette idée de « cosmos » s'est maintenue jusqu'à la fin du Moyen Âge, mais elle fut réactivée au sein des philosophies de la Renaissance (avant de connaître ses dernières heures de gloire dans la Naturphilosophie, au début du xixe s.). Les philosophes de la Renaissance concevaient l'unitotalité cosmique comme un organisme unique, où se succèdent alternativement (c'est le thème de la vicissitude) les phénomènes multiples produits par une impulsion intérieure et se dirigeant vers une fin commune dans laquelle ils trouvent leur unité. D'où l'idée d'une dépendance réciproque de tous les membres de la totalité cosmique, participant à la vie universelle, où chacun des membres du Tout est en relation réciproque avec tous les autres membres, et sous la dépendance directe de l'unique principe recteur qui anime la totalité cosmique : l'âme du monde. Celle-ci constituait le nexus spirituel, assurant non seulement la cohésion interne des êtres composés, mais aussi celle de la totalité cosmique. Tant que la science naissante n'avait pas formé le concept de loi physique, elle n'avait d'autre moyen que de recourir à l'idée d'âme du monde et à l'animisme pour expliquer la vie organique de la totalité cosmique.

Jean Seidengart

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Kahn, Ch. H., Anaximander, 1960.
  • Voir aussi : Aristote, Traité du ciel, Belles Lettres, Paris, 1965.
  • Cassirer, E., Individu et Cosmos dans la philosophie de la Renaissance, Minuit, Paris, 1983.
  • Duhem, P., le Système du monde, t. 1 à X, Hermann, Paris, 1913-1959.
  • Koyré, A., Du monde clos à l'Univers infini, Gallimard, « Tel », Paris, 1988.
  • Kuhn, T. S., la Révolution copernicienne, Fayard, Paris, 1973.
  • Lerner, M. P., le Monde des sphères, 2 vol., Les Belles Lettres, Paris, 1996-1997.
  • Lloyd, G., les Débuts de la science grecque, 2 vol., La Découverte, Paris, 1990.
  • Platon, Timée, Les Belles Lettres, Paris, 1963.
  • Collectif, Avant, avec, après Copernic. La représentation de l'Univers et ses conséquences épistémologiques, Blanchard, Paris, 1975.

→ cosmologie, espace, matière, monde, temps, univers