Journal de l'année Édition 2000

Du 01 janvier 1999 au 31 décembre 1999

Sommaire

  • Dossiers chronologie
    • Le lancement de l'euro : une opération réussie

      C'est le 31 décembre 1998 que les ministres européens des Finances réunis à Bruxelles ont fixé de manière irrévocable le taux de conversion entre la monnaie unique et chacune des onze devises européennes concernées. Le vieux rêve de monnaie unique européenne est devenu réalité.

    • Pakistan : la spirale de la violence

      1999 commence au Pakistan de la même façon que s'est achevé 1998 : dans la violence. Le 3 janvier, la cible était le Premier ministre lui-même. Une bombe a explosé sur un pont que le cortège de Nawaz Sharif emprunte chaque dimanche, à Lahore, dans la province du Pendjab, tuant 4 personnes. À la fin du mois, deux extrémistes sunnites appartenant au mouvement Kashkar-i-Jhangvi reconnaîtront être les auteurs de l'attentat. Le 4 janvier, quatre jeunes gens se déplaçant à moto ont ouvert le feu sur des fidèles chiites qui priaient dans la mosquée de Karamdad Koreshi, près de Multan, toujours dans le Pendjab. Le bilan de l'attentat s'est élevé à 16 morts.

    • La droite empêtrée en Rhône-Alpes

      « Les paroles s'envolent, les écrits restent »... Pour ne pas avoir su évaluer toutes les nuances de ce proverbe rapporté aux us électoraux rhônalpins, Charles Millon a dû remettre en jeu la présidence du Conseil régional de Rhône-Alpes qu'il assumait depuis son élection controversée du 20 mars 1998 avec l'appui du FN. Le Conseil d'État annonçait le 11 décembre l'annulation de cette élection, au motif que le second tour avait été précédé par un débat oral susceptible d'influencer les électeurs, en violation de la loi du 7 mars 1998 relative au fonctionnement des conseils régionaux. C'est en effet au cours de ce débat à l'initiative du doyen d'âge, Pierre Gascon (UDF), que le candidat FN Bruno Golnisch s'était entendu avec le candidat UDF-RPR Charles Millon pour lui apporter ses voix sur la base d'un programme commun minimal. Strictement verbal, et de ce fait supposé idéologiquement et stratégiquement moins contraignant, ce contrat d'alliance avec le FN – qui lui vaudra de la part de la classe politique un ostracisme aussi sévère que s'il avait été couché sur le papier – se retourne désormais contre M. Millon avec toute la force de la loi. Confirmant sa marginalisation, l'invalidation de M. Millon se présente comme une aubaine pour ses anciens amis de l'opposition, soucieux de le déloger au plus vite de sa citadelle rhônalpine d'où il avait enclenché une inquiétante dynamique de rapprochement avec une extrême droite presque « normalisée », rapprochement déjà à l'œuvre dans d'autres Régions et risquant de faire des émules parmi les élus de droite lors des municipales de 2001.

    • Les « cent-jours » de Schröder

      La coalition rouge-verte est une coalition inédite en Allemagne, non seulement par ses couleurs mais par son enjeu politique : l'intégration d'un nouveau parti, en l'occurrence les Verts, au plus haut niveau des responsabilités publiques, celui du gouvernement fédéral. Une entrée d'autant plus difficile pour le chancelier Gerhard Schröder que le parti des écologistes est difficilement gérable par ses propres dirigeants.

    • La commission Mattéoli sur la spoliation des Juifs

      La mission sur la spoliation « des personnes considérées comme juives par les autorités de Vichy » revient sur le contexte historique et juridique des années 1940-1944. Entre 1940 et 1941, le gouvernement de Vichy établit les lois antijuives (109 lois et décrets). Dans ce corpus de textes discriminatoires, la loi du 22 juillet 1941 vise à « éliminer l'influence des juifs de l'économie nationale » et à déployer tous les ressorts administratifs pour dépouiller les Juifs de leurs biens. Les institutions financières devanceront parfois les gouvernants, puisqu'une circulaire bancaire datée de mai 1941 organise le blocage des comptes des clients juifs.

    • Jordanie : la mort du « petit » roi

      Le roi Hussein de Jordanie est mort le 7 février, à Amman, des suites d'un cancer des ganglions lymphatiques. Deux jours plus tôt, il était rentré des États-Unis, où il était hospitalisé depuis juillet 1998, après l'échec des dernières tentatives de freiner le développement de sa maladie. (Le souverain avait déjà subi l'ablation d'un rein, en 1992, à la suite d'un premier cancer.)

    • Stanley Kubrick, un cinéaste rare

      Si le talent d'un cinéaste se mesure à l'attente que ses films suscitent chez les cinéphiles, à la force de leurs images à jamais imprimées dans l'esprit des spectateurs (la loufoquerie de Peter Sellers dans Docteur Folamour, l'ironique valse viennoise des sphères de 2001, la pitoyable violence faite à Malcom McDowell dans Orange mécanique, le sourire dément de Jack Nicholson dans Shining), Stanley Kubrick, qui est mort le 7 mars à l'âge de soixante-dix ans, est, sans nul doute, un génie. Cette attente, Kubrick a su l'organiser en système jusqu'à sa disparition brutale, à la veille de présenter Eyes Wide Shut (d'après une nouvelle d'Arthur Schnitzler, avec Nicole Kidman et Tom Cruise), le film qu'il venait de terminer, après douze ans de silence. Une mort qui ponctue sa vie comme un symbole : l'œuvre achevée, son créateur s'efface. Comme il s'était effacé derrière tous ses films précédents, depuis 1961, choisissant de vivre reclus dans un manoir de la banlieue de Londres. Invisible du reste du monde, il en écoutait la rumeur, travaillant la nuit dans une salle de montage-laboratoire en sous-sol, entouré d'écrans, de magnétoscopes et d'ordinateurs, dormant le jour pour vivre à l'heure américaine, à l'affût d'une nouvelle histoire. Quand il l'a enfin trouvée, il écrit le scénario, puis c'est la période du tournage, forcément épique – l'exigence, le perfectionnisme de Kubrick, qui lui font recommencer des dizaines de fois les mêmes prises et qui fâchent les acteurs, qu'il faut domestiquer – et secret, le montage, la sortie : il voulait connaître les résultats et vérifier la qualité des copies de toutes les salles de la planète, la traduction en anglais de tous les sous-titres... À chaque étape, Kubrick manifestait le besoin – le délire faustien – de tout contrôler lui-même, sans relâche, pour la plus grande gloire de l'œuvre. Une œuvre incroyablement diverse, les grands genres du septième art étant quasiment tous abordés, en treize films seulement, répartis sur près d'un demi-siècle, qui n'ont qu'un thème unique : le chaos, qui ordonne la totalité de l'entreprise humaine, et ses corollaires, la violence et la folie, la perversité et la peur, qui affectent l'être humain, ballotté dans un monde à la dérive, car « l'homme naît avec quantité de faiblesses et, souvent, la société le rend pire qu'il n'est ».

    • L'affaire du sang contaminé : trois ministres en accusation

      La France détient le triste record d'Europe des contaminations post-transfusionnelles depuis l'apparition de l'épidémie de sida au début des années 80. Si, pour ce qui est des hémophiles, elle se situe dans la moyenne des pays européens, avec près de 600 malades ayant développé un sida cliniquement établi après avoir été traités avec des produits contaminés, elle fournit à elle seule, avec 2 000 malades, la moitié des cas recensés en Europe de contamination à la suite d'une transfusion : 4 fois plus qu'en Italie, 5 fois plus qu'en Espagne, 6 fois plus qu'en Allemagne, 13 fois plus qu'en Grande-Bretagne. Les trois quarts de ces personnes sont décédées, 2 000 séropositifs ainsi contaminés n'ayant à ce jour pas développé la maladie. Ces chiffres, accablants pour les services sanitaires français, posent la question, lancinante depuis que le scandale a éclaté, il y a dix ans, des responsabilités à l'origine de ce drame. Comment cette déplorable « exception française » a-t-elle été possible, alors que la France s'enorgueillit d'être le pays où a été mis en évidence, dès 1983, le virus de l'immunodéficience acquise, découverte dont la paternité est reconnue en 1994 à l'équipe française du professeur Luc Montagnier de l'Institut Pasteur, au terme d'une longue controverse avec l'équipe de l'Américain Robert Gallo ? Au-delà des funestes négligences de médecins transfuseurs, qui ont ignoré les mesures de sélection chez les donneurs de sang préconisées par une circulaire dès juin 1983, était-ce là le terrible prix à payer des rivalités scientifiques et économiques entre chercheurs américains et français, engagés dans une course au brevet et au profit pour la découverte d'un test de dépistage du sida, avec l'arbitrage complice des pouvoirs publics ? Car c'est notamment par cette fameuse réunion interministérielle du 9 mai 1985 à l'hôtel Matignon, sous la présidence du professeur François Gros, conseiller de Laurent Fabius, que le scandale est arrivé : alors que les incidences des lots de sang contaminés sur la mortalité des transfusés et hémophiles étaient assez prouvées pour que l'OMS recommande en avril la pratique du dépistage chez les donneurs de sang, le cabinet du Premier ministre aurait demandé de « retenir encore quelque temps » le dossier des tests de dépistage de la firme américaine Abbott, en concurrence avec Diagnostics Pasteur, dont le brevet sera accepté le 21 juin – quelques semaines avant le test américain –, ouvrant la voie à cet arrêté qui fixait au 1er août le début du dépistage obligatoire.

    • Crise à Bruxelles

      Le 15 mars, le Comité d'experts indépendants chargés d'enquêter sur les cas de « fraude, de mauvaise gestion ou de népotisme » au sein de la Commission européenne publie un rapport accablant pour celle-ci. Quelques heures plus tard, le Luxembourgeois Jacques Santer annonce la démission collective de la Commission qu'il présidait depuis janvier 1995.

    • Renault et Nissan : un mariage de raison

      À son tour, l'industrie automobile française est gagnée par la logique d'un marché qui lui impose de mettre son compteur à l'heure de la mondialisation et des fusions. Dans le sillage de l'américain Ford, qui a inauguré cette année de toutes les fusions en achetant, le 28 janvier, la division automobile de Volvo, Renault annonce, le 27 mars, son mariage avec le constructeur japonais Nissan. Une belle revanche pour le constructeur français, dont la toute première expérience fusionnelle, remontant à 1990, avec Volvo justement, s'était soldée par un échec, le constructeur suédois s'étant désengagé progressivement jusqu'à divorcer d'avec Renault après sa privatisation, en 1994.

    • Élections en Algérie

      En annonçant sa démission en septembre 1998 – alors que son mandat devait l'emmener jusqu'à la mi-novembre 2000 –, le président Liamine Zeroual avait pris de court les milieux politiques algériens, l'opinion publique et la communauté internationale. Dans un pays où l'opacité politique est de rigueur, on en était réduit à former plusieurs hypothèses.

    • L'état se salit les mains en Corse

      Dans la nuit du 19 au 20 avril, un incendie criminel réduit en cendres la paillote Chez Francis sur la plage de Cale D'Orzu, au sud d'Ajaccio. Un fait divers banal dans cette Corse qui a connu tant de « nuits bleues » en vingt-cinq ans... N'étaient les indices troublants laissés par les pyromanes sur les lieux du sinistre, trahissant leur appartenance au camp des gendarmes plutôt qu'à celui des voleurs, comme voudrait le faire croire pourtant ce tract négligemment abandonné, désignant le propriétaire du restaurant, Yves Féraud, comme « une balance des flics », n'étaient aussi ces brûlures, qui accusent sans équivoque l'un des incendiaires et avec ceux-ci le GPS (Groupe peloton sécurité), unité spéciale de la gendarmerie constituée pour contribuer à la restauration de l'État de droit en Corse au lendemain de l'assassinat du préfet Claude Erignac le 6 février 1998. Mettant l'« île de Beauté » à l'heure de la prohibition, le scénario conçu par ces gendarmes très spéciaux est digne des « Incorruptibles » : dans le rôle d'Eliot Ness, le chef du GPS en personne, le colonel Mazères, investissant de nuit, à la tête d'un commando d'élite de la gendarmerie, un coin de plage pour mettre le feu à la paillote coupable d'y avoir planté ses parasols en infraction à la loi sur le littoral. Franchement rocambolesque avec cette accumulation de maladresses qui sont autant de preuves accablantes, l'équipée nocturne prêterait à rire par son amateurisme si elle ne traduisait une inquiétante dérive dans la gestion des affaires corses. Comment ne pas voir dans ce fiasco une « affaire d'État », comme le demandera à chaud Lionel Jospin, préférant parler d'une « affaire de l'État » devant l'opposition qui en appelle à la démission de son gouvernement quand, au fil des révélations des gendarmes, se confirme l'implication de l'État, à travers son plus haut représentant en Corse, le préfet Bernard Bonnet ? Ce dernier, arrêté le 6 mai en même temps que son directeur de cabinet Gérard Pardini, apparaît vite comme l'ultime fusible protégeant le gouvernement de l'accusation de compromission dans la pitoyable mise en scène. Après l'assassinat du préfet Erignac, Matignon avait pris sous sa coupe le dossier corse, « domaine réservé » jusque-là du ministre de l'Intérieur, ce qui lui vaut aujourd'hui de pesants soupçons. Homme de terrain ayant une réputation de fermeté, M. Bonnet avait orchestré une reprise en main servie par un arsenal de mesures – au nombre desquelles la création du GPS, peu apprécié des gendarmes locaux et désormais dissous. Depuis la Santé, l'ex-préfet Bonnet mis en examen pour « complicité de destruction de biens par incendie en bande organisée » devait assumer la responsabilité de cette opération que le colonel Mazères affirmait, le 7 mai, avoir menée sous ses ordres et qui s'inscrirait dans une stratégie de destruction des paillotes illégales, inaugurée dès le 7 mars contre un autre de ces établissements. Difficile, dans ces conditions, de limiter la responsabilité à l'instauration d'un climat propice à de telles bavures... Si la position de M. Bonnet tend à dédouaner ses supérieurs hiérarchiques, la question se pose malgré tout de leur degré de responsabilité, y compris pour le Premier ministre. Alternant indignation et ironie, M. Jospin soulignera l'absurdité de spéculations qui feraient de Matignon le centre de commandement de l'opération. Sans doute, mais cela l'exonère-t-il à son tour du reproche d'avoir laissé se développer une situation d'exception dans l'île, autorisant les « croisés de l'État de droit » à recourir aux méthodes « terroristes » de ceux-là mêmes qu'ils prétendaient combattre, à savoir les nationalistes et les clans mafieux, quand la justice se montre trop lente ou inefficace ? Tranchant avec la politique de dialogue de C. Erignac, B. Bonnet avait choisi la manière forte pour rétablir l'ordre républicain et retrouver les assassins de son prédécesseur, menant à cet effet une enquête parallèle, aux procédés souvent contestables. Si elles avaient d'abord été approuvées par une majorité de Corses traumatisés par cet assassinat, ses méthodes musclées lui vaudront une inimitié croissante dans l'opinion insulaire, où elles renforceront les nationalistes au lieu de les marginaliser, comme en témoignent les élections pour l'Assemblée territoriale en mars. B. Bonnet avait été appelé pour éteindre l'incendie annoncé en Corse, il s'y est brûlé les doigts ; pour avoir joué les pompiers-pyromanes, ses gendarmes se retrouvent dans la posture de justiciers justiciables. Bavure, ou « excès de zèle » à en croire M. Chevènement, l'affaire de la paillote expose en tout cas la République à un dangereux retour de flamme. Plus que jamais, les Corses ont le sentiment d'être floués par un État qui ferait peu de cas de leur identité, en réduisant la question corse à un problème sécuritaire. Il revient au nouveau préfet Jean-Pierre Lacroix de rétablir la confiance chancelante des Corses envers les mécanismes d'un État aujourd'hui ouvertement « bafoué », alors même que B. Bonnet avait cherché à en combattre les dérives mafieuses gangrenant les administrations locales. M. Lacroix s'y est engagé en prenant ses fonctions le 10 mai au palais Lantivy d'Ajaccio, se disant prêt à associer les Corses au redressement de leur île et de ses institutions. M. Jospin devait déclarer pour sa part que cette affaire était un « coup dur », mais nullement un « coup d'arrêt » de la politique menée en Corse. Mais ses ondes de choc frappent en plein cœur la République, qui s'est sali les mains dans une opération mains propres annoncée en fanfare. Agitant le spectre du Rainbow Warrior, elles éprouvent durement le gouvernement de la gauche plurielle, qui se faisait fort de rompre avec l'héritage mitterrandien et ses affaires. Au-delà, la « guerre des paillotes » n'est pas du meilleur effet pour l'image de la France et de ses armées, engagées avec l'OTAN dans la guerre contre la Yougoslavie pour sauver les Albanais du Kosovo des griffes de l'armée serbe ; d'où le silence pesant observé par le ministre de la Défense Alain Richard. L'incendie de la paillote Chez Francis serait-il un « dommage collatéral » de la guerre contre les nationalistes corses.

    • Le rapport Charpin sur la retraite

      La retraite est devenue l'un des principaux sujets de préoccupation des Français. Leur inquiétude porte à la fois sur la situation des retraités et sur l'avenir du système de retraite lui-même. Quel est l'impact de l'évolution démographique sur les différents régimes de retraite ? Le nombre d'actifs sera-t-il suffisant pour financer les retraites ? Autant de questions que les Français posent aujourd'hui aux gouvernants. Le diagnostic établi par le commissaire au Plan Jean-Michel Charpin livre un début de réponse.

    • Atmosphère de fin de règne en Russie

      Installé depuis à peine trois mois à la tête du gouvernement par Boris Eltsine pour y remplacer Evgueni Primakov, Sergueï Stepachine est limogé le 9 août à son retour du Daghestan, où les troupes russes sont engagées dans de violents combats contre des soldats islamistes infiltrés de Tchétchénie. L'air des montagnes du Caucase ne réussit décidément pas à l'éphémère Premier ministre qui avait déjà été écarté de la scène politique en 1996 au lendemain de la guerre de Tchétchénie dans la conduite désastreuse de laquelle il portait une lourde part de responsabilité. À moins que ce ne soit le climat général d'une Russie devenue ingérable qui ne convienne franchement pas à la fonction de Premier ministre, un peu plus fragilisée par ce limogeage, le quatrième en l'espace de dix-huit mois... Mais si la valse des Premiers ministres se poursuit, c'est le maître de ballet, un président Eltsine amoindri par la maladie et rattrapé par les affaires de corruption, qui s'essouffle, dans cette Russie qui distille un climat de fin de règne. Assis sur un siège que l'on savait éjectable, Stepachine a été remercié plus tôt que prévu et sans autre forme de procès par le président russe, qui ne pouvait reprocher à ce fidèle de toujours de lui faire de l'ombre, contrairement à Primakov dont la popularité croissante était devenue gênante. Son successeur désigné, Vladimir Poutine, est le dernier en date de ces Premiers ministres qui se suivent et se ressemblent de plus en plus pour avoir fait leurs classes au KGB puis au FSB, les services de sécurité russes qui en sont issus : mais, alors qu'Eltsine n'a toujours eu qu'une confiance très limitée en Primakov, un Premier ministre imposé par la Douma et qui ne tardera pas à se présenter comme un dangereux rival, la loyauté – apprise à l'école de l'ex-KGB – de ses deux successeurs ne peut être mise en doute. C'est là la seule qualité qu'exige désormais de ses Premiers ministres le tsar Boris isolé, retranché derrière les murailles du Kremlin qui ne sont plus guère en mesure de garder les secrets de la « famille », le cercle étroit des proches du président, éclaboussée par les scandales de corruption. Tout autant dénué de charisme que son prédécesseur, ce qui lui vaut d'ailleurs sans doute d'être désigné aussitôt comme le dauphin du président, Vladimir Poutine a été tout aussi facilement approuvé dans ses fonctions par une Douma nettement moins combative qu'en septembre 1998, lors du bras de fer avec le Kremlin pour la nomination de Primakov ; acceptant en mai le renvoi de ce dernier sans mettre à exécution ses menaces de destitution contre le président, elle semble s'être résignée à accompagner cette fin de règne jusqu'aux prochaines échéances électorales – les législatives de décembre et la présidentielle de l'an 2000 – en laissant Eltsine terminer un mandat que la Constitution lui interdit de renouveler une troisième fois. Mais le nouveau Premier ministre ne devrait guère profiter de la lassitude d'une classe politique qui, si elle a renoncé à l'épreuve de force directe avec le président, n'en prépare pas moins activement sa succession et s'est réorganisée dans cette perspective. Appelé à Moscou en 1996 par le père des privatisations, AnatolyTchoubaïs, après la défaite de l'ancien maire de Saint-Pétersbourg Anatoly Sobtchak, son mentor, Vladimir Poutine a certes une réputation de fermeté acquise dans l'administration présidentielle, où il dirigeait le Département du contrôle, en charge des difficiles relations du Kremlin avec les gouverneurs des 89 régions de Russie, avant d'être nommé à la tête du FSB puis au Conseil de sécurité de la présidence. L'expérience de ce défenseur du centralisme ne sera sans doute pas suffisante pour renforcer le clan présidentiel, qui doit faire face désormais à une puissante coalition autrement plus menaçante que les communistes : considéré comme l'un des rares hommes politiques intègres du pays et le successeur le plus probable d'Eltsine, Primakov renforçait ce front en août en apportant son soutien à la toute nouvelle et puissante alliance « La Patrie-Toute la Russie » constituée autour du maire de Moscou, Iouri Loujkov, qui oubliait ses propres ambitions présidentielles, et de plusieurs barons régionaux.

    • Israël : le retour des travaillistes

      Le 17 mai, 4 285 428 Israéliens sont appelés à voter, le même jour, pour renouveler leur représentation au Parlement et désigner le Premier ministre. En effet, depuis le scrutin de 1996, l'élection à la proportionnelle des 120 députés de la Knesset (Parlement) se déroule en même temps que celle du Premier ministre élu au scrutin majoritaire pour un mandat de quatre ans. Ce changement de scrutin (choix de la proportionnelle pour le Parlement), mode qui avait pour but de réduire l'émiettement des votes, n'a pas porté ses fruits : désormais, 33 listes s'affrontent à la Knesset, un record historique.

    • Inde-Pakistan : de nouveau le Cachemire

      Au cours du mois qui marquait le premier anniversaire de leur accession conjointe au statut de puissance nucléaire, l'Inde et le Pakistan ont repris les combats au Cachemire, l'une des régions les plus sensibles du sous-continent. Le climat entre les deux pays avait pourtant paru se détendre en février à l'occasion de la visite historique effectuée à Lahore par le Premier ministre indien, Atal Bihari Vajpayee.

    • Les élections en Afrique du Sud

      L'élection du président Mbeki à une forte majorité confirme le poids de l'ANC. Le parti de Mandela obtient 266 sièges sur 400 à l'Assemblée et manque d'un siège la majorité des deux tiers. La seconde place revient au Parti démocrate (DP, opposition) avec 38 sièges, le nouveau Parti national n'arrivant qu'en quatrième place avec 28 sièges. En Afrique du Sud, on élit d'abord le Parlement, qui investit ensuite le président de la République. Cette fois-ci, le vote n'a même pas été nécessaire. L'ANC disposant d'une large majorité, l'élection du chef du parti était jouée d'avance et devait simplement être entérinée. Là encore l'événement était plutôt solennel. Pour la dernière fois, Nelson Mandela apparaissait en public.

    • Kosovo : le prix de la paix

      Le 28 juin 1989 à Kosovo Pole, site de la bataille du Champ des Merles où l'armée serbe avait été défaite six cents ans plus tôt par les Ottomans, un million de Serbes communiaient à une grand'messe nationaliste, répondant à l'appel de Slobodan Milosevic qui sonnait le tocsin de la revanche sur l'air de la grandeur retrouvée d'un peuple serbe « opprimé » par les Albanais, majoritaires dans cette province dès lors privée de son autonomie. C'est là que Milosevic gagnera ses galons de chef nationaliste, c'est là qu'est enclenché l'engrenage infernal qui précipitera dans la guerre les peuples de l'ex-Yougoslavie. Dix ans plus tard, et après 11 semaines de bombardements de l'OTAN qui ont contraint l'armée yougoslave à se retirer, il n'y avait guère qu'une poignée de Serbes apeurés pour marquer le 610e anniversaire de cette bataille historique qui vaut à cette province du Kosovo d'être considérée comme le berceau du peuple serbe ; renvoyant faiblement l'écho de la liturgie orthodoxe psalmodiée dans l'intimité de l'un des nombreux monastères que compte la région, une simple messe, ou plutôt un requiem pour une « grande Serbie » défunte, officiée par des prêtres qui refusent désormais, comme l'ensemble du haut clergé serbe, de soutenir Milosevic. Ce changement de décor en dit assez sur l'ampleur de cette autre défaite au Champ des Merles, qui résonne comme le chant du cygne d'un nationalisme serbe stigmatisé comme l'expression de la barbarie au cœur de l'Europe et combattu comme tel par les forces de l'OTAN.

    • Indonésie : changement de régime

      Lors des élections législatives organisées sous la présidence de Suharto, la victoire du Golkar, le parti gouvernemental, était annoncée avant même la fin du dépouillement. Il aura fallu, cette fois-ci, attendre près de deux mois – le scrutin a eu lieu le 7 juin et les résultats définitifs ont été proclamés le 3 août – pour avoir la confirmation de la défaite du parti au pouvoir depuis plus d'un quart de siècle.

    • Les élections européennes

      Volonté politique de mettre fin à l'intolérable à ses portes au Kosovo, règles de sécurité alimentaire, création de l'euro le 1er janvier, renforcement des pouvoirs du Parlement de Strasbourg : l'Europe n'est plus en cause. Le vote des citoyens de l'UE a clairement exprimé leur volonté de voir s'approfondir la construction européenne.

    • TotalFina-Elf : une fusion amicale

      Dans la saga de ces géants de l'économie mondiale qui se livrent une guerre féroce dont la seule loi est celle du plus fort, condamnant les plus faibles à se laisser avaler par les ogres, on retiendra sans doute le caractère « amical » de la fusion qui a donné naissance à TotalFina-Elf, un certain dimanche 12 septembre. Accueilli avec soulagement après dix semaines d'âpres batailles boursières, l'accord intervenu entre les dirigeants des deux grands de la pétrochimie française, Thierry Desmarest, pour TotalFina, et Philippe Jaffré, pour Elf, sauve en effet les apparences d'une « fusion amicale » qui hissera le groupe ainsi créé au quatrième rang mondial sans bafouer l'honneur et l'intégrité du perdant. Un climat consensuel entretenu par le concert de satisfecit qui a salué la fusion, depuis le gouvernement, ouvertement favorable dès le début des hostilités à TotalFina, jusqu'aux acteurs sociaux, habituellement plus sévères à l'égard des grandes manœuvres d'un capitalisme français s'adaptant aux exigences de la mondialisation et qui attendent de juger la direction du nouveau groupe sur ses actes. Mais, au-delà des apparences de « fair-play », le choc des deux titans français, de force à peu près égale, s'est bel et bien conclu par l'absorption d'Elf par TotalFina, un scénario que l'on n'aurait jamais envisagé, dans ce sens du moins, quelques années plus tôt. Si Philippe Jaffré a rendu les armes pour signer la « paix des braves » après quelques heures seulement d'une négociation menée par les médiateurs nommés par chacun des deux groupes, c'est bien parce qu'il avait épuisé toutes les ressources en son pouvoir pour résister à la pression boursière exercée sur les marchés depuis le 4 juillet. Le conseil d'administration de TotalFina avait alors décidé de lancer son offre publique d'échange (OPE) sur Elf, qui riposte deux semaines plus tard par une contre-OPE sur son agresseur. S'ensuit dès lors un feuilleton boursier qui tient en haleine pendant tout l'été la communauté financière mais aussi, ce qui est plus rare, une opinion publique dont l'intérêt avait déjà été aiguisé, il est vrai, par la gestion au parfum de scandale de Loïk Le Floch-Prigent, le prédécesseur de M. Jaffré à la tête d'Elf. Alourdi par les incohérences stratégiques de l'État actionnaire de l'entreprise jusqu'à sa privatisation en 1993, à l'initiative d'Edouard Balladur, et menée de main de maître depuis par M. Jaffré, ce passif pèsera sans doute dans le dénouement du conflit en faveur de Total. Le dirigeant d'Elf a certes redressé la barre, mais il doit quitter aujourd'hui le navire à la dérive qu'il avait su renflouer et assainir, en préservant, au mieux, toujours les intérêts des actionnaires, grands gagnants de cette opération. Opposant une résistance inattendue à l'offensive de M. Desmarest, M. Jaffré a manœuvré de telle sorte qu'il obtiendra au bout du compte pour ses actionnaires une surenchère de 26 % par rapport au cours de clôture d'Elf avant le lancement de l'OPE de TotalFina, et de 9,6 % par rapport à l'offre initiale de son rival. Le relèvement de cette offre, d'un montant total de 52,6 milliards d'euros (345 milliards de francs), figurait d'ailleurs au cœur des négociations menées dans la plus grande discrétion par les quatre administrateurs désignés, deux pour Elf – le P-DG de Lafarge, Bertrand Collomb, et celui de la BNP, Michel Pébereau –, deux pour TotalFina – le P-DG d'Alcatel, Serge Tchuruk, et le président du conseil de surveillance de Suez-Lyonnaise des eaux, Jérôme Monod –, sous l'égide de l'ancien président d'Air Liquide, Édouard de Royère, grand médiateur dont le protocole d'accord établi une semaine auparavant avait servi de base de discussions.

    • Guerre agricole entre les États-Unis et l'Europe

      Le bœuf américain n'a plus la cote en Europe, surtout quand il est accommodé aux hormones, ingrédient dont les consommateurs européens, échaudés par le « poulet à la dioxine » et autres farines animales ayant transité par des boues d'épuration avant de nourrir le bétail, sont en droit de se méfier.

    • La mort de Hassan II

      Homme de l'arbitraire et du secret, de la répression, mais aussi de la lutte contre l'islamisme, il laisse à « Mohammed, fils de Hassan », futur Mohammed VI, un vaste chantier où les défis ne manquent pas, qu'il s'agisse d'assurer le développement économique, de mettre un terme au conflit du Sahara occidental, de poursuivre l'ouverture politique dans le respect des droits de l'homme. Pour cela, il détient tout de même des armes : les réformes entreprises depuis dix ans, une marche déjà engagée vers la démocratisation et la modernité, une voix écoutée sur la scène internationale.

    • La Russie et le FMI

      C'est par l'intermédiaire d'un enquêteur russe en charge du dossier Mabetex, Gueorgui Tchouglazov, et de l'ancien procureur de Russie, Iouri Skouratov, que le scandale a éclaté. Personne n'ignorait la corruption des milieux financiers russes ni même le blanchiment d'argent par les banques occidentales, mais les deux hommes ont parlé. Et c'est ainsi qu'il a été question du détournement par une douzaine de responsables russes d'une quinzaine de milliards de dollars, dont dix en provenance du FMI, via des comptes aux États-Unis. Sur la seule tranche de crédit de juillet 1998, 3,9 milliards sur les 4,8 prêtés par le FMI ne sont jamais parvenus en Russie, et 471 millions seulement ont été utilisés pour soutenir le rouble.

    • Séisme en Turquie

      Sept morts, quarante-cinq secondes après la première secousse, 10 000 trois jours plus tard, 40 000 selon un responsable humanitaire de l'ONU, qui, en plus des victimes, prend en compte dans son calcul les disparus : la Turquie se trouve vite dépassée par la catastrophe. Incapable de dresser un bilan exact, la cellule de crise du gouvernement d'Ankara parle simplement de « chiffres effroyables, et de dizaines de milliers d'immeubles effondrés ».

    • BNP-Paribas : une fusion sans effusions

      Les fusions, devenues monnaie courante outre-Atlantique et entrées timidement dans les mœurs économiques de l'Europe, sont toujours des mariages d'argent, plus rarement des mariages d'amour... Novice en ce domaine, le monde bancaire français en a fait l'amère expérience avec la fusion annoncée sans enthousiasme de la BNP et de Paribas, après six mois d'une violente guérilla financière et boursière qui a évincé la Société générale, à l'initiative, pourtant, de la procédure de mariage. Le feuilleton bancaire au scénario chaotique, qui a tenu la France en haleine pendant tout l'été, connaîtra un dénouement pour le moins imprévu et bien en deçà des espérances qu'il avait pu susciter. Ce qui devait être un roman à l'eau de rose virera au conte cruel, riche en intrigues et en trahisons, en rêves et amours déçus, laissant sur leur faim les protagonistes comme le public. Au départ, un couple bancaire sans histoire et promis à une relative prospérité, la Société générale et Paribas, très vite entraînés dans une tentative avortée de ménage à trois par un soupirant impromptu, la BNP ; à l'arrivée, un nouveau couple, un peu bancal et peu passionné, la BNP et Paribas. La morale est peut-être sauve, mais le monde bancaire français, durement éprouvé par des règlements de comptes arbitrés par les marchés financiers et accessoirement par les autorités bancaires, n'y aura sans doute pas gagné en efficacité comme en crédibilité. Au début de l'année, quand le président de la Société générale, Daniel Bouton, approche le président du directoire de Paribas, André Lévy-Lang, c'est pour lui proposer une alliance amicale, conforme à son ambition, qu'il admet mesurée, de pouvoir participer à la recomposition d'un paysage bancaire européen en pleine mutation tout en évitant d'imposer à sa banque, de taille modeste, un mariage forcé avec un établissement étranger. Bien que soucieux de son indépendance, menacée depuis quelque temps par les pressions de certains de ses gros actionnaires, comme Axa, partisan d'un rapprochement avec la BNP en raison de son insuffisante rentabilité, Paribas se résout le 1er février à accepter l'offre de mariage de la Société générale, plus respectueuse de son identité. C'est là qu'intervient la BNP, dont le président, Michel Pébereau, n'a jamais caché pour sa part son ambition de devenir le numéro un de la banque française. Déjà contrariée par plusieurs tentatives infructueuses en ce sens, l'ambition de la BNP est exacerbée par les projets d'alliance de la Société générale, avec laquelle M. Pébereau était en négociations avancées en vue d'un rapprochement.

    • Les Algériens disent oui à la paix

      Encore faut-il que les belles paroles soient suivies d'actes. À cet égard, la façon dont les islamistes répondront à son offre d'amnistie, qui est le pivot de cette concorde civile, sera un test du succès de l'ouverture annoncée.

    • Timor : l'indépendance dans la terreur

      C'est dans la violence que le Timor-Oriental a quitté le giron portugais, en 1975 ; c'est dans la violence qu'il a été occupé par l'armée indonésienne, la même année, avant d'être annexé par Djakarta l'année suivante et soumis à une politique de terreur qui devait causer la disparition du quart de sa population ; c'est encore la violence, celle d'un massacre d'étudiants à Dili en 1991, qui a fait resurgir le dossier timorais sur le devant de la scène internationale. Les résultats du référendum sur le futur statut du territoire, organisé par l'ONU le 30 août, pouvaient-ils être accueillis dans le calme ?

    • L'opposition serbe se cherche toujours

      Le dénouement de la guerre du Kosovo, qui s'est soldée par la défaite des forces yougoslaves face à l'armada de l'OTAN, a pu donner l'impression que les jours du régime de Belgrade étaient comptés. Inculpé avec ses proches collaborateurs de crimes contre l'humanité par le TPI et interdit de séjour hors des frontières de la Yougoslavie, Slobodan Milosevic règne sur un pays dont l'économie a été détruite à 50 % par les bombardements, humilié par l'amputation d'une province considérée comme le berceau de la nation serbe, et rendu exsangue en raison de l'embargo pétrolier et aérien imposé par la communauté internationale. Malgré tous les efforts de la propagande, les autorités de Belgrade sont bien en peine de présenter comme une victoire le retrait à partir du 11 juin des troupes serbes du Kosovo où elles sont remplacées par celles de l'OTAN au lendemain de l'armistice signé par les généraux de Milosevic, un armistice qui ressemble fort à une capitulation. Mis au ban de la communauté internationale, Milosevic ne peut guère compter que sur le soutien symbolique de la Russie et de la Chine, tandis que les États-Unis et l'Union européenne, à l'initiative d'un programme de reconstruction des Balkans, conditionnent à son départ toute aide à la Yougoslavie. Lâché par l'Église serbe orthodoxe depuis le 15 juin, défié par le Monténégro qui veut quitter la Fédération yougoslave, contesté par certains officiers, le régime de Milosevic est apparemment à genoux et pourrait, à en croire certains pronostics occidentaux, conclure son cycle de guerres et de défaites inauguré dix ans plus tôt par une dernière guerre, civile celle-là, qui le contraindrait à céder sa place à des personnalités plus soucieuses de démocratie.

    • Eltsine joue son va-tout au Caucase

      Le 7 août, des milliers de combattants islamistes puissamment armés investissent les régions montagneuses du Daguestan frontalières de la Tchétchénie, par où ils se seraient infiltrés. L'armée russe envoie aussitôt l'artillerie lourde et l'aviation pour déloger les combattants qui proclament une « république islamique » dans les territoires « libérés » de l'occupant russe, leur ambition affichée étant de jeter les fondations d'une fédération des musulmans du Caucase.

    • Pékin célèbre 50 années de communisme

      C'est dans une débauche d'armements sophistiqués et de feux d'artifice que Pékin a célébré, le 1er octobre, le 50e anniversaire de la fondation de la Chine communiste. Grand maître des cérémonies, le président Jiang Zemin, revêtu du costume immortalisé par le « grand timonier » Mao, a passé en revue les troupes puissamment armées, suivies du défilé, moins martial, de chars sur lesquels des figurants illustraient les différents aspects de la modernisation économique du pays, tandis que les avions de combat laissaient la place aux fusées multicolores dans le ciel pékinois.

    • La guerre du bœuf britannique

      C'est un rapport de la toute nouvelle Agence française de sécurité sanitaire des aliments, créée en mars 1999 (AFSSA), qui met le feu aux poudres. Ce document, daté de septembre 1999, est rédigé sous la responsabilité de Dominique Dormont, spécialiste des maladie à prions (du nom du vecteur de l'infection, le prion, protéine difficilement détectable) et membre du « groupe ad hoc » sur l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB, nom scientifique de la maladie de la vache folle). Il souligne que « le risque que le Royaume Uni exporte des viandes de bovins contaminées ne peut être totalement maîtrisé ».

    • L'Argentine tourne la page Menem

      À la veille du scrutin, seuls deux « tickets » sur les 10 en compétition sont donnés favoris des sondages. Le premier est formé par Fernando de la Rua et Carlos « Chacho » Álvarez pour l'Alliance (coalition de centre gauche regroupant l'Union civique radicale [UCR] et le Front pour un pays solidaire Frepaso]) créditée de 44 % d'intentions de vote. Le second est celui d'Eduardo Duhalde (vice-président de Menem de 1989 à 1991) et Ramón « Palito » Ortega, pour le Parti justicialiste (péroniste, du nom de son fondateur Juan Perón), avec 32 %.

    • La démission de Dominique Strauss-Kahn

      Dominique Strauss-Kahn est en voyage au Viêt Nam quand il est rattrapé le 28 octobre par l'affaire de la MNEF, qui le contraint à écourter la partie privée de sa visite et à rentrer en France pour y faire face aux accusations d'« emploi fictif » dont il est l'objet. Lionel Jospin est lui-même en tournée aux Antilles quand le parquet délivre aux deux juges d'instruction parisiens chargés d'enquêter sur les dérives de gestion de la Mutuelle nationale des étudiants de France un réquisitoire supplétif pour « faux et usage de faux » visant le ministre de l'Économie et des Finances.

    • L'OMC, ou les dures lois de la concurrence mondiale

      Maîtriser le flux croissant des échanges internationaux, en accompagner la libéralisation tout en y mettant de l'ordre, tels sont les ambitieux défis qu'a la charge de relever la toute jeune Organisation mondiale du commerce (OMC). Corollaire de ce « nouvel ordre mondial » dont les vainqueurs de la guerre froide avaient jeté les fondations quelques années avant dans les sables fumants du désert irakien, ce pari d'un nouvel ordre commercial ne paraît pas moins risqué. Transformant la planète en un vaste champ de bataille économique, la mondialisation s'impose en effet à coup de guerres dont les enjeux sont certes moins martiaux – comme la vente de bananes ou de bœuf aux hormones qui opposent Européens et Américains –, mais appellent des solutions pacifiques d'une définition tout aussi complexe. Très attendue, la réunion de l'OMC à Seattle, du 30 novembre au 3 décembre, n'a à cet égard pas vraiment fait progresser la cause de la paix commerciale, qui prend l'allure d'un vœu pieux. Les 135 pays membres de l'OMC étaient venus communier à la grand-messe d'un capitalisme triomphant auquel même la Chine semble s'être rendue, Pékin ayant obtenu deux semaines auparavant le feu vert américain pour son adhésion à l'organisation ; ils offrirent au monde le spectacle de leurs querelles, amplifiées par le tumulte de la rue, qui saluait par de violentes manifestations l'ouverture de la réunion, traduisant la méfiance de l'opinion publique envers une organisation suspectée d'être le bras armé d'une nébuleuse de multinationales soumettant le monde à la loi du profit et de la concurrence, dissimulés derrière les mots d'ordre de libre-change et de partage des fruits de la croissance. Choisie pour illustrer les ambitions planétaires, à l'aube du prochain millénaire, d'une organisation à vocation initialement transatlantique, Seattle, cité industrielle de la côte ouest des États-Unis ouverte sur le Pacifique et l'Asie, s'est brusquement rappelée au monde comme la ville du désenchantement capitaliste, qui vit naître le « grunge », un mouvement musical du début des années 90, dont Curt Cobain fut le héros. Retrouvant les accents de la rébellion, Seattle devient, le temps de la conférence, le centre nerveux mondial de la résistance à la mondialisation, qui s'est trouvé d'autres figures emblématiques, comme le Français José Bové, pourfendeur de la « mal-bouffe » et bonne conscience d'un monde agricole au service de consommateurs menacés par les dérives technologiques de l'industrie agroalimentaire, illustrées par les fameux organismes génétiquement modifiés (OGM), autre objet de contentieux entre Européens et Américains. Les grands décideurs du commerce mondial s'étaient pourtant préparés à une telle salve ; empêtrés dans leurs propres contradictions, ils ne furent pas en mesure d'opposer une riposte concertée, leur échec contribuant à la décrédibilisation de l'OMC.

    • L'Amérique entre en campagne

      La vie politique américaine a repris son cours normal, déterminé par un calendrier électoral qui retrouve ses droits après l'échec en février au Sénat de la procédure d'impeachment engagée par la majorité républicaine du Congrès contre le président Bill Clinton. Celui-ci devrait donc poursuivre son second et dernier mandat jusqu'à son terme, renvoyant à novembre 2000 les espoirs d'alternance des républicains, qui avaient cru pouvoir utiliser le scandale du « Monicagate » pour déloger avant l'échéance le locataire de la Maison-Blanche dont la popularité aura été à peine affectée par le déballage public de ses frasques amoureuses. Signe de ce retour à la normale sur une scène politique relativement pacifiée, le départ en octobre du procureur Kenneth Starr, qui avait mené la croisade contre le président, semble tourner définitivement la page de ce long feuilleton judiciaire, alors que républicains et démocrates préparent déjà la campagne électorale pour désigner un successeur à Bill Clinton. Pourtant, le scandale, s'il n'a pas provoqué dans l'opinion le sursaut puritain escompté, devrait laisser des traces durables dans des mœurs politiques américaines aspirant désormais à davantage de simplicité et de transparence.

    • L'état français parle aux Corses

      Le 31 octobre, les bulldozers débarrassaient la plage de la Cale d'Orzu, au sud d'Ajaccio, de la paillote illégale « Chez Francis », terminant ainsi le travail commencé en avril, dans une clandestinité vite démasquée, par les gendarmes spéciaux au service du préfet Bonnet, remercié et mis en examen depuis pour cet exercice très abusif du pouvoir. Exécutée sous l'œil de son propriétaire et des caméras, la destruction en bonne et due forme cette fois de ce modeste établissement par qui le scandale d'État était arrivé mettait certes un terme à la “guerre des paillotes” ; mais si le littoral insulaire se mettait de la sorte un peu plus en conformité avec les exigences de la législation, on aurait tort de voir dans le dénouement de cette affaire une métaphore de la pacification des relations tourmentées entre l'État français et la Corse. Les rapports accablants de deux commissions d'enquête parlementaires sur la politique de sécurité en Corse auront d'ailleurs vite fait de reléguer l'événement au rang d'anecdote : rendus publics le 17 novembre, les travaux de la commission du Sénat, dominée par l'opposition, et de la commission de l'Assemblée nationale, dominée par la majorité, s'accordent pour confirmer la gravité du problème corse qui se mesure à l'ampleur des « dysfonctionnements des services de l'État » dans l'île. Dans cet état des lieux sans concession, les parlementaires des deux bords avaient mis en lumière l'impuissance de l'État, entravé par une compétition féroce entre une gendarmerie aux effectifs insuffisants et une police inefficace car elle-même en butte à des querelles intestines, une justice tout aussi divisée et enfin une préfecture échappant à son contrôle. Comment s'étonner d'un tel tableau, quand près de deux ans après l'assassinat d'un préfet de la République, Claude Erignac, le 6 février 1998, son meurtrier présumé, Yvan Colona, court toujours, narguant les moyens exceptionnels mis en œuvre par l'État qui a mobilisé sans compter magistrats, policiers et gendarmes pour mener à bien cette enquête ? Si les conclusions des parlementaires n'ont fait finalement que confirmer les sentiments d'une opinion largement sceptique, elles auront le mérite d'avoir produit l'effet d'un détonateur sur le gouvernement, invité à tirer au plus vite les conséquences de leur sévère verdict. Travail de longue haleine, le rétablissement de l'État de droit en Corse ne peut plus se satisfaire de formules incantatoires et de professions de foi qui se sont avérées autant de vœux pieux depuis que l'État a admis l'existence d'un « problème corse ».

    • Naissance de la « République bolivarienne de Venezuela »

      « Nous avons accouché de la nouvelle République bolivarienne, mais nous l'avons fait dans la douleur », déclarait le président vénézuélien Hugo Chavez à l'annonce des premiers résultats du référendum du 15 décembre sur une nouvelle Constitution renforçant les pouvoirs présidentiels et jetant les fondations d'une nouvelle république se réclamant du Libertador. Le pays n'avait alors pas encore évalué l'ampleur de la catastrophe provoquée par les pluies diluviennes qui s'abattent sans discontinuer sur les régions centrales, gâchant – jusqu'à les annuler – les festivités prévues pour marquer l'entrée du Venezuela dans une nouvelle ère, celle notamment d'un partage plus équitable des richesses nationales. Le deuil national éclipse la victoire du président Chavez, dont 70 % des électeurs avaient approuvé le projet constitutionnel, qui consolide son emprise sur le pouvoir, juste un an après son élection. Les trombes d'eau qui se déversent notamment sur l'État de Vargas, le plus touché, entre la cordillère de l'Ávila et la mer des Caraïbes, sont à l'origine de glissements de terrain et d'inondations catastrophiques qui font au moins 40 000 morts et 400 000 sinistrés, un bilan humain encore imprécis que les risques d'épidémies menacent d'alourdir.

    • La Douma se met au service du Kremlin

      Une bonne Douma « doit voter les lois et ne pas faire de la politique », déclarait Boris Eltsine en jetant son bulletin dans l'urne le 19 décembre. Nul doute que la chambre basse du Parlement, dont 107 millions d'électeurs russes étaient appelés à renouveler les 450 sièges, sera désormais mieux à même de répondre à cette conception plutôt étroite du pouvoir législatif formulée par un président habitué à gouverner par oukases. Le Parti communiste de Guennady Ziouganov, avec 24,5 % des suffrages, reste certes la première formation de la Douma, mais ses positions se trouvent fragilisées par la promotion soudaine d'Unité, une formation hâtivement mise sur pied quelques semaines avant le scrutin par le clan eltsinien, qui le talonne avec 23,8 % des voix. Privés par les urnes de leurs alliés de la nébuleuse national-communiste, qui les avaient assistés dans leur stratégie d'obstruction, les communistes ne pourront plus faire la loi dans la nouvelle assemblée qui bascule aujourd'hui à droite : recueillant 8,6 % des voix, la formation de l'éphémère Premier ministre Sergueï Kiryenko, l'Union des forces de droite, confirme cette tendance saluée avec son opportunisme habituel par le leader d'extrême droite Vladimir Jirinovski, dont le Parti libéral-démocrate se maintient dans la nouvelle Douma avec un score d'un peu plus de 6 %, juste devant le parti social-démocrate Iabloko de l'économiste libéral Grigori Iavlinski.

    • La Côte d'Ivoire en quête d'un nouveau « miracle »

      Dans un communiqué commun signé le 6 décembre avec son homologue guinéen Conté, le président ivoirien Henri Konan Bédié, en butte à des pressions internationales croissantes en raison du traitement réservé aux opposants dans son pays, appelait au respect du principe de « non-ingérence dans les affaires intérieures des États ».

  • Le bilan mondial
    • De sales petites guerres

      Les attentats ne sont pas moins spectaculaires. En 1999, la menace terroriste est surtout islamiste : les Algériens, qui sont arrêtés à la frontière canadienne en décembre, comptaient faire sauter des objectifs dans plusieurs villes des États-Unis. En 1900, les terroristes étaient des anarchistes : à quelques mois de distance, ils assassinent le président américain William McKinley et le roi d'Italie Humbert Ier.

    • Actualité mondiale

      Profondément attaché à sa région d'origine, la Sarre, Lafontaine a fait une ascension rapide dans le parti de Willy Brandt. Né en 1943, Oskar Lafontaine n'entre en social-démocratie qu'à l'âge de vingt-trois ans, en 1966. Il remporte après dix ans d'activité la mairie de Sarrebruck, puis, en 1985, l'élection à la tête du Land de Sarre. De petite taille, préférant les vins rouges de France aux bières de son pays, volant de victoire en victoire, sortant son Land de sa marginalité géographique – au sud-ouest de l'Allemagne –, Lafontaine devient le « Napoléon sarrois ». Fort de son pouvoir local, Lafontaine, figure de premier plan, éprouve quelque difficulté à s'imposer à Bonn. D'autant que sa lucidité devant les difficultés prévisibles d'une unification menée à la hussarde par Helmut Kohl ne l'aide pas à se faire le héraut d'une nouvelle Allemagne, lorsqu'il mène, en décembre 1990, le parti lors des premières élections pan-allemandes. Malgré le capital de sympathie dont il dispose à la suite de l'attentat dont il est victime, l'échec est retentissant. Lafontaine abandonne ses fonctions à la tête du parti et à celle de la représentation parlementaire. Cette mesure ne suffit pas à jouer un rôle d'électrochoc : les personnalités capables de diriger le parti sont nombreuses – Rudolph Scharping, Gerhard Schröder et Oskar Lafontaine –, mais aucune ne s'impose. Pour mener le parti lors de la campagne électorale en 1994, les problèmes de personne passent avant le programme et les alliances. Une nouvelle fois, la défaite est au rendez-vous. La troïka mise au point par Scharping, le candidat du parti, éclate dès l'année suivante. À l'occasion du congrès du parti de Mannheim, en 1995, Lafontaine dénonce les faiblesses du leader et expose sa stratégie de reprise du pouvoir. L'électrochoc est cette fois efficace, Scharping est évincé. Lafontaine, tenant de l'aile gauche du parti, propose l'alliance avec les Verts. En mars 1998, la victoire de Schröder aux élections législatives en Basse-Saxe est décisive. À l'alliance avec la gauche qu'il peut promouvoir, la montée en puissance de Schröder est pour Lafontaine une aubaine : la possibilité d'élargir la coalition vers le centre. Il propose Schröder comme candidat du parti aux élections de septembre. Le duo est convaincant, la social-démocratie peut s'adresser à un électorat beaucoup plus large. La victoire de septembre est partagée avec le Vert Joshka Fischer. Une nouvelle troïka accède au pouvoir fin octobre. Lafontaine a obtenu un ministère clé, celui des Finances : il va pouvoir appliquer le programme qu'il a en partie rédigé et s'attaquer aux grands déséquilibres laissés par la gestion de Kohl. En mars, alors que les échecs électoraux se multiplient, le cœur à gauche d'Oskar Lafontaine flanche.

  • Le bilan français
    • La vie et rien d'autre

      Puis, soudain, patatras : survient une échéance électorale, improvisée en 1997, attendue les deux années suivantes, dont les droites françaises ne sortent pas seulement battues, le plus souvent d'une courte tête, mais disloquées. Tout alors semble échapper au chef d'État. Sous l'œil impavide, quoique légèrement exorbité, du Premier ministre, chef unique d'une gauche plurielle, la droite entre en convulsions, le président, déconcerté, ballotté, contesté, paraît régner sur des décombres qu'il ne gouverne plus : après le pays, c'est son propre camp qui semble lui échapper. Sérieusement mis à mal, le héros ploie mais ne rompt pas et la fin de l'année lui apporte un peu plus qu'un sursis et un peu moins qu'une victoire. Les convulsions de la droite prenant une allure brownienne et ne débouchant sur rien cessent par là-même de le menacer tandis que les invariants du système politique se remettent à fonctionner : légitimité du chef de l'État comme leader naturel de la droite, rôle central du RPR dans le système de l'opposition, révérence obligée de tous les responsables du parti envers le président fondateur.

    • Actualité française

      Depuis le 24 janvier, la France compte deux partis d'extrême droite : au terme d'un congrès fondateur à Marignane, Bruno Mégret annonçait devant 2 500 délégués la création d'un Front national - Mouvement national (FN-MN) dont il est élu président par 86 % des voix. Il aura suffi d'un mois pour que l'ancien second de Jean-Marie Le Pen, après son exclusion du bureau national le 22 décembre 1998, dernier épisode de la guerre des chefs au sein du parti d'extrême droite, rassemble ses partisans et devienne le numéro un d'un parti qui n'a d'autre vocation que de se substituer au FN. Le divorce est consommé, mais la guerre ne fait que commencer entre les deux partis qui se disputent la propriété juridique, politique et économique du FN. Après avoir dénoncé la trahison de son lieutenant félon qui minait son parti de l'intérieur. Le Pen crie aujourd'hui au complot, téléguidé depuis l'Élysée à seule fin de torpiller la « droite nationale ». Récusant toute velléité putschiste et dissidente, Mégret se réclame de la légitimité d'un parti qui aurait tout simplement déménagé, faute de pouvoir en changer les meubles et le propriétaire en titre, lequel se voit complaisamment attribuer le poste de président honoraire de ce FN « rénové » que Mégret prétend mettre en chantier. Mais cet éclatement de l'extrême droite ne signifie nullement qu'elle tendrait à devenir, à son tour, plurielle. Tel Janus, l'extrême droite montre le double visage de ses chefs dont l'ambition n'est autre que d'en prendre la tête, et qui ne différeraient l'un de l'autre, à les entendre, que par la taille – Le Pen dénigrant le « petit » chef – ou par l'âge – Mégret invitant le « vieux » à prendre sa retraite.

  • Dossiers de l'année
    • 18 Brumaire : le sauvetage de la Révolution ?

      En 1799, dix ans après le soulèvement populaire de 1789, la France accouche d'un pouvoir aux réminiscences romaines, le Consulat, mais aux prétentions en fait dictatoriales. Comment en est-on arrivé à cet abandon des principes révolutionnaires ? Depuis 1794, les conventionnels thermidoriens ont balayé le régime centralisateur tenu responsable de la terreur, ont imposé une constitution complexe et resserré le corps électoral. Clairement dirigée contre la gauche républicaine, la Constitution de l'an V a instauré un régime de notables et ouvert la possibilité aux royalistes de reconquérir une influence croissante dans les deux assemblées. Les mécontentements sociaux, le rejet par une partie du pays de la constitution civile du clergé et du régime, le climat de défaite instillé par des armées vaincues et le renforcement des forces coalisées laissent augurer en septembre 1799 des jours sombres. Dans un premier temps, plusieurs ministres, les directeurs Barras et Sieyès, des personnalités comme Talleyrand, Volney, Roederer, etc. évoquent de plus en plus ouvertement la possibilité de mettre à la tête de l'État un général. Dans un premier temps, ils approchent le général Bernadotte, nommé récemment ministre de la guerre. Mais celui-ci est soupçonné d'être trop proche des républicains. Inquiet, le pouvoir obtient même la démission du futur roi de Suède. Si d'autres généraux sont évoqués, comme Jourdan, c'est parce que l'armée est l'unique corps social homogène, qui a l'avantage de bien tenir en main les instruments de sa fonction, à savoir le maintien de l'ordre. Le retour d'Égypte surprise du général Bonaparte à la mi-octobre fournit aux comploteurs l'homme de la situation.

    • Weimar : le difficile apprentissage de la démocratie

      La république est proclamée à Berlin le 9 novembre 1918 sur deux places de la capitale devant des milliers de manifestants, civils et soldats : sur l'une d'elle, Karl Liebknecht, le chef des spartakistes, un groupe d'extrême gauche favorable aux conseils d'ouvriers et de soldats qui se formaient dans les unités militaires en état d'insurrection dans les ports et dans les villes de garnison, décrète une République socialiste libre ; sur l'autre place, Philip Scheidemann, un des principaux dirigeants du parti social-démocrate majoritaire, proclame la République allemande et annonce que le chef de son parti, Friedrich Ebert, en devient le président. La social-démocratie est en effet le parti le plus important du pays bien qu'il se soit divisé en 1916 entre les partisans de la poursuite de la guerre et de l'union sacrée, le parti social-démocrate majoritaire SPD, et les pacifistes regroupés autour des figures historiques du socialisme allemand, Karl Kautsky et Eduard Bernstein, au sein du le parti social-démocrate indépendant (USPD).

    • La résistance contre les OGM devient générale

      En France, le vrai coup d'arrêt fut donné un peu plus tôt. Le 11 décembre 1998, le Conseil d'État décidait de ne pas répondre sur le fond à la requête des écologistes qui lui demandaient, au nom du principe de précaution, d'interdire la commercialisation du maïs transgénique de la société suisse Novartis. La haute juridiction préféra renvoyer le problème à la Cour de justice des Communautés européennes, chargée de lui indiquer l'étendue de ses propres compétences en la matière. Conséquence concrète : la suspension de la mise sur le marché de ce maïs, ordonnée provisoirement par le même Conseil d'État quelques semaines plus tôt, resterait en vigueur jusqu'à ce que la Cour de Luxembourg rende sa sentence. Soit dans un délai de un à trois ans. Cette décision, qui reçut l'approbation des mouvements « anti-OGM », eut un autre intérêt : elle permit de resituer le débat à sa juste place. Depuis l'arrivée en Europe, en 1996, des premières plantes transgéniques commercialisées, leur développement dans les pays de l'Union avait été d'autant plus chaotique qu'il s'appuyait sur une réglementation quasiment inapplicable. Parce qu'il était le premier sur les rangs, mais aussi parce qu'il concerne une espèce de très grande culture, c'est sur le maïs transgénique de Novartis que s'était concentré l'essentiel de la crise. Un maïs contenant plusieurs gènes étrangers, parmi lesquels un gène insecticide extrait de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt) et dirigé contre la pyrale, principal ravageur des cultures de maïs.

    • Sida, une pandémie en expansion

      Le dernier bilan épidémiologique rendu public conjointement, à la fin du mois de novembre 1999, par l'Organisation mondiale de la santé et l'agence Onusida est à bien des égards désespérant. Il situe à 5,6 millions le nombre de personnes qui, à travers le monde, auront contracté une infection par le virus du sida au cours de la seule année 1999. Parmi elles, on compte 2,3 millions de femmes et 570 000 enfants de moins de quinze ans.

    • Le bogue de l'an 2000 : plus de peur que de mal

      La civilisation de l'informatique a affronté sa première crise majeure. Le paradoxe est que la crainte qu'elle a suscitée (éviter l'avion, les ascenseurs, des accidents dans les hôpitaux, la peur atomique, un krach boursier mondial, une menace terroriste...), à l'aube d'un siècle que l'on annonce religieux, se fonde sur un fait, la programmation fautive d'une date dans les ordinateurs, et dans un domaine, la technologie informatique qui régit la vie quotidienne, où le spirituel n'est, a priori, pas directement impliqué.

    • L'éclipse de Soleil du 11 août

      C'est dans l'océan Atlantique, à 300 km au sud de la Nouvelle-Écosse, que l'ombre de la Lune commence à balayer la surface terrestre. Après avoir traversé l'Atlantique nord, elle recouvre les îles Scilly, puis la Cornouailles anglaise. Abordant la France à 12 h 16 (heure légale), au cap de la Hague, elle la traverse en dix-huit minutes, de la Normandie à l'Alsace, de part et d'autre d'une ligne Fécamp-Noyon-Sarreguemines, en effleurant l'extrême sud de la Belgique et en touchant le sud du Luxembourg. Sa trajectoire coupe ensuite l'Allemagne, l'Autriche, la Hongrie, la Roumanie, la Yougoslavie, la Bulgarie, la Turquie, l'Irak, l'Iran, l'Afghanistan, le Pakistan et l'Inde. Son passage coïncide avec la disparition complète du Soleil derrière la Lune, pendant une durée variable selon les endroits, mais qui n'excède pas 2 min 23 s (en Roumanie). L'éclipse totale s'achève à la tombée du jour sur le golfe du Bengale. De part et d'autre de la bande de totalité, l'éclipse est vue comme partielle dans une zone bien plus vaste qui couvre pratiquement toute l'Europe et le nord de l'Afrique.

    • Les nouveaux grands télescopes

      Il y a une trentaine d'années, beaucoup pensaient que le développement des observatoires spatiaux allait sonner le glas de l'astronomie au sol. En effet, non seulement l'espace ouvre de nouvelles fenêtres d'observation sur l'Univers en donnant accès à des rayonnements que l'atmosphère terrestre arrête ou absorbe (rayons g et X, ultraviolet, infrarouge lointain) ; mais, dans le domaine visible lui-même, il semblait techniquement impossible d'accroître encore la dimension des télescopes et de s'affranchir des perturbations engendrées par l'atmosphère. Hormis la construction – laborieuse – du télescope soviétique de 6 m de Zelentchouk, la mode était plutôt aux instruments de 3,5 à 4 m de diamètre, avec une attention particulière portée à l'amélioration des récepteurs.

    • Le recensement de la population 1999

      Le but d'un recensement est d'obtenir un ensemble de renseignements statistiques auprès de tous les membres d'une population. Périodiquement organisé, le recensement est l'occasion unique de disposer d'une photographie précise et actualisée de la population de la France et de ses logements. Neuf ans se sont écoulés depuis le dernier recensement, et, bien entendu, le visage de la France a changé. Effectué par le soin des maires, il est organisé par l'INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques). Dernier recensement du siècle, il est le premier à faire l'objet d'une saisie par lecture automatique de documents. Les évolutions de la technique d'acquisition des données ont permis d'augmenter le nombre des renseignements recueillis et d'en affiner l'exploitation. Elles ont fait des recensements des bases d'informations, qui éclairent les choix et l'action des agents économiques, des gouvernements, des partenaires sociaux, en matière de rénovation urbaine, de politique de l'emploi, de la famille, de la protection sanitaire. Elles en ont fait aussi des mines de renseignements pour les démographes, sociologues, économistes et historiens.

    • L'illettrisme

      Au mot « analphabétisme » le dictionnaire nous dit : « État de quelqu'un qui ne sait ni lire ni écrire. » En France, les lois de Jules Ferry sur l'enseignement primaire gratuit et obligatoire ont permis à tous l'accès aux apprentissages : savoir lire, écrire et compter. Le taux d'analphabètes est passé de 40 % en 1850, à 3 % en 1945. Mais apprendre à lire n'est qu'une étape, encore faut-il conserver les acquis et les compléter. Il faut aussi que cela soit utilisable dans les relations sociales et la qualification professionnelle. Vers 1970, l'association ATD Quart Monde (Aide à Toute Détresse) est la première à avoir introduit la notion d'illettrisme, qui concerne à la fois les personnes n'ayant eu aucune formation en France (immigrés, nomades) et celles qui, quoique scolarisées, ont les mêmes types de difficultés.

    • CIO, le scandale de la corruption

      La trahison est venue du cœur même du cénacle. De l'un des fidèles du dernier carré. D'un frère – certes ennemi autrefois – de Juan Antonio Samaranch. En lançant le signal de la procédure d'autodestruction du CIO, Marc Hodler, ancien candidat à la présidence du Comité, a-t-il voulu régler des comptes avec son vieux rival ? Dépoussiérer sa conscience ? Ou a-t-il révélé par sincère écœurement certaines pratiques devenues trop courantes ? L'intéressé lui-même n'a jamais fourni de réponse.

    • La sécurité en montagne

      Si l'on se fie aux chiffres froids et bruts, la saison 1998-1999 en haute montagne n'a été ni pire ni meilleure que les précédentes. Une quinzaine de morts dans le massif du Mont-Blanc. Un peu plus de 100 blessés. Telles sont les données, stables, communiquées par le peloton de gendarmerie de haute montagne de la zone. Mais, du côté de la police des cimes, on s'inquiète de nouveaux phénomènes : « Désormais, on fait le mont Blanc comme on va pique-niquer. Et puis, lorsqu'on se retrouve en difficulté, on sort son téléphone portable », dénonce un gendarme spécialisé. En cet hiver record où l'on a enregistré les plus fortes chutes de neige depuis vingt-neuf ans, l'imprévisible est venu s'ajouter au bilan déjà lourd de l'inconscience : de dramatiques avalanches ont notamment tué 12 personnes à Chamonix le 9 février, et plus de 50 en Autriche quelques jours plus tard.

    • L'année littéraire

      Un grand nombre de romans témoignent, plus que jamais, d'un sentiment de discontinuité, soit par leur intrigue, soit par leur style, souvent conjuguant les deux approches. L'information, torrentielle et éphémère, charriant dans son flot boueux ses épaves de guerres et de désastres, la technique même de l'image toujours plus présente, fondée sur les ruptures brutales de plan à plan, sans compter la tentative de renouvellement constant des désirs, tout cela entretient la sensation d'un temps morcelé, de même que celle d'un monde chaotique, dépourvu de logique, où nous sommes contraints de vivre.

    • Le tricentenaire de la mort de Racine

      La tragédie n'a connu, dans l'histoire humaine, que de brèves floraisons : Athènes, au ve siècle avant Jésus-Christ, avec Eschyle, Sophocle et Euripide ; sur la frange occidentale de l'Europe, entre la fin du xvie siècle et celle du xviie, des élisabéthains à Racine ; en Allemagne, de 1790 à 1840, avec Büchner, Kleist ; et peut-être dans le nord de l'Europe à la fin du xixe siècle et au cours du xxe, si l'on considère comme des tragédies les pièces de Strindberg ou de Beckett. En dehors de ces floraisons n'ont surgi que des isolés : Sénèque ou Pirandello. Il semble que les grands « moments tragiques » soient tous liés à l'existence, dans le contexte historique, d'un intense débat sur les pouvoirs de l'homme, sur l'autonomie de la volonté. Ce fut le cas en Grèce ancienne, où la tragédie est née de l'hésitation d'une société entre les valeurs mythiques d'un passé soumis au Destin et les idéaux nouveaux du citoyen : décisions démocratiques, importance de la raison, liberté. Un trouble analogue assaille l'Europe moderne lorsque se heurtent deux conceptions fondamentalement opposées de l'homme : d'un côté, le christianisme augustinien, qui affirme la corruption presque totale des enfants d'Adam, leur radicale impuissance à s'établir durablement dans le bien ; de l'autre, l'optimisme de la Renaissance, toute nourrie des sagesses antiques, persuadée d'une relative bonté originelle de l'homme, de sa liberté, de sa perfectibilité, de son aptitude à un certain bonheur ici-bas. En France, le conflit atteignit son paroxysme au milieu du xviie siècle. L'un des hauts lieux où il se manifesta avec le plus de violence fut le monastère de Port-Royal, où Racine fut en grande partie formé et auquel – en dépit d'une crise de quelques années – il demeura profondément attaché.

    • Honoré de Balzac

      En 1999, on a célébré à Paris et ailleurs le bicentenaire de la naissance de Balzac. Il a vu le jour, en effet, à Tours le 20 mai 1799, ou, selon le calendrier révolutionnaire encore en usage au temps du Directoire, le 1er prairial de l'an VII de la République. Bonaparte faisait la guerre en Égypte. On dira de Balzac qu'il a été le « Napoléon des lettres ». Mais pour cela il fallait une autre naissance, celle, en lui, de l'écrivain.

    • Johann Wolfgang von Goethe

      Goethe ne se montra pas autrement surpris d'un tel honneur auquel aspiraient cependant tant d'autres écrivains et penseurs issus des milieux universitaires, et notamment pastoraux. Au fidèle Johann Peter Eckermann, compagnon des dernières décennies de sa vie, Goethe devait confier plus tard que le fait d'avoir vu le jour le 28 août 1749 à Francfort-sur-le-Main, ville libre d'Empire dans un milieu patricien, faisait naturellement de lui l'égal des aristocrates.

    • Cent ans de théâtre en une seule année

      Partout on en retrouve la trace. Partout on en décèle les signes. Nombreux sont ceux qui s'en réclament, en tant qu'institution ou non. À commencer par Matthias Langhoff, Allemand naturalisé français formé à l'école du théâtre du Berlin-Est des années 60. Cette année, il présentait au Théâtre national de Bretagne, à Rennes, le Revizor de Gogol.

    • Le journal du cinéma

      L'année 1999 voit la sortie d'un grand nombre de films de femmes qui apportent une vision souvent différente, en tout cas « décalée », par rapport à celle des hommes sur des sujets comme la sexualité, la solitude, la peur de la mort. Deux films à l'aspect antinomique : Romance de Catherine Breillat et la Puce de la débutante Emmanuelle Bercot, abordent, sans détour, le désir féminin.

    • L'année de la musique

      Année Poulenc oblige, Dialogues des carmélites a ouvert et conclu l'année lyrique française. Pour cet opéra, créé à la Scala de Milan en 1957, le compositeur a repris le texte de Georges Bernanos, lui-même adapté d'une nouvelle de Gertrud von Le Fort et d'un scénario du révérend père Bruckberger, tiré d'un fait réel s'étant déroulé sous la Révolution française. Début janvier, l'Opéra du Rhin confiait sa production à la comédienne Marthe Keller, qui découvrait à la fois l'œuvre et le métier de metteur en scène. Cette rencontre s'est révélée riche en promesses, Keller inspirant à sa troupe un jeu confondant de naturel. Déception cependant côté orchestral, la grâce, la transparence instrumentale voulues par Poulenc, qui souhaitait un texte constamment compréhensible, n'ont pas été préservées, l'orchestre s'avérant trop gras. Ce spectacle de qualité a été repris par la chaîne de télévision franco-allemande Arte ainsi qu'au Festival de Savonlinna, en Finlande, et aux Prom's de Londres.

    • Le centenaire de Francis Poulenc

      « Les Biches sont le portrait de Francis Poulenc », s'écriait Jean Cocteau en 1924 en appendice à son Coq et l'Arlequin : « L'œil de Poulenc chante comme une mélodie. » Pour Poulenc, renchérissait Paul Collaer, le musicologue chef d'orchestre belge ; « il n'existe pas de problème formel à résoudre ni de langage à trouver. Doué d'un sens mélodique exceptionnellement riche, il chante comme Monsieur Jourdain fait de la prose, sans y penser. Mais sa mélodie est toujours trouvée, inventée, spécialement bien conçue pour la voix ; elle est naturelle et originale. À côté de la voix humaine, l'instrument favori de Poulenc est le piano. Son écriture pianistique est aisée et éblouissante comme celle de Chopin... »

    • Mark Rothko

      L'exposition rassemble, pour la première fois à Paris depuis la rétrospective posthume de 1972, 70 œuvres de Rothko de 1935 à 1969, provenant des collections publiques et privées américaines et européennes. Heureuse surprise, donc, inattendue si l'on en croit notamment le faible pari que les éditeurs avaient pu faire sur cet événement (peu de publications françaises, hormis le catalogue). À quoi est due cette réussite ? Pourquoi le public est-il venu en si grand nombre approcher les grandes compositions de cet « expressionniste abstrait », ce Juif d'origine russe émigré à l'âge de dix ans aux États-Unis, l'un des grands protagonistes du triomphe de l'abstraction américaine de l'après-guerre ? Plusieurs réponses peuvent être avancées.

    • David Hockney : « Espace-Paysage »

      Le musée national d'Art moderne présentait une cinquantaine de toiles retraçant le parcours du peintre depuis le début des années 60, des premiers paysages pop aux œuvres plus abstraites des années 80. À quelques pas, le musée Picasso, installé somptueusement dans l'hôtel Salé, évoquait les liens d'influences et d'affinités entre le peintre anglais et le génie catalan. C'est alors qu'il est encore étudiant à la School of Arts de Bradford que Hockney découvre Picasso. En 1960, la Tate Gallery organise une grande rétrospective qu'il dévore littéralement : il ne la visitera pas moins de huit fois, le choc tournant à la révélation. Le jeune peintre se confronte à son aîné, revisite ses portraits destructurés. Enfin, toujours à quelques pas, dans le Marais, la Maison européenne de la photographie rassemblait une importante série de clichés de Hockney photographe, travaux réalisés de 1968 à 1997 où se retrouvent pêle-mêle son journal intime, ses images souvenirs et ses recherches plastiques sur le démantèlement de la perspective.

    • Le fauvisme ou « l'épreuve du feu »

      Au terme de deux siècles qui ont vu lutter partisans « classiques » du dessin contre défenseurs « romantiques » de la couleur, le fauvisme est, quand il apparaît publiquement au Salon d'automne de 1905, un moment d'apogée, brûlant et virulent. L'embrasement de couleurs arbitraires, affranchies des limites rationnelles du dessin, était un sérieux défi aux canons classiques de la représentation. Le fauvisme est né d'une révolte : au commencement est un scandale soigneusement organisé. C'est au critique Louis Vauxcelles que l'on doit le vocable de « fauves ». Commentant la présence d'un buste très « classique » d'Albert Marque au centre de la salle VII du Salon d'automne de 1905 regroupant un groupe de jeunes peintres autour de Matisse, il s'exclame sous la forme d'une boutade qui fera école : « Donatello chez les fauves ! » Le terme « fauvisme » se forge rapidement sur cette déclaration, labélisant l'un des nombreux mouvements avant-gardistes que le xxe siècle verra fleurir. En réunissant des toiles issues de différents foyers européens, l'exposition souhaitait montrer, œuvres à l'appui, l'étendue de ce phénomène en proposant le vocable de « fauves d'Europe ».

    • « Monet, le cycle des Nymphéas »

      La rénovation de ce musée était devenue nécessaire depuis plusieurs années. L'usure du bâtiment l'imposait, mais aussi la nécessité de repenser l'articulation muséographique entre la collection Walter-Guillaume et la rotonde des Nymphéas de Monet. Les espaces réservés à la collection permanente, trop à l'étroit, n'offraient pas la possibilité d'une présentation pédagogique suffisante, permettant de comprendre notamment le montage historique de la réunion de ces œuvres par les deux collectionneurs. Plus encore, la réforme réalisée au cours des années 1960 pour accueillir les œuvres de la donation Walter-Guillaume avait détruit en partie le dispositif voulu par Monet pour ses Nymphéas, condamnant notamment les nénuphars à un éclairage artificiel. On avait ainsi détruit le vestibule elliptique dessiné par Monet, avec ses deux baies donnant l'une sur les berges de la Seine, l'autre sur les allées du jardin des Tuileries. Les Nymphéas prévus pour baigner dans l'atmosphère vivante et fugitive des vibrations solaires, entre ciel, terre et eau, se retrouvaient en sous-sol, sous éclairage artificiel.

    • Itinéraire vietnamien

      Terre d'expérimentation sociale originale et terre de spiritualité bouddhiste et animiste, le Viêt Nam mérite de devenir une prochaine destination du grand tourisme international. Le pays aux deux deltas s'étire du nord au sud sur 1 650 km, offrant près de 3 260 km de côtes du golfe du Tonkin à la mer de Chine. Trois journées de train séparent Hanoi de Hô Chi Minh-Ville, vétusté de la voie ferrée oblige ! Mais qui se plaindra d'avancer à petite vitesse à travers la multitude de paysages où rizières, montagnes et forêts ne cessent de se refléter dans les eaux de majestueux fleuves nés de la fonte des neiges de l'Himalaya.

    • Mode 1999 : les tendances

      L'inauguration de la grand-messe de la mode semble placée sous le signe de la réduction : moins d'invités, moins de journalistes, moins de caméras, grève des images, moins de temps pour préparer les collections, moins de patience chez les repreneurs, moins de modèles... On se prend à désirer que le droit à l'individualité et l'imagination soient épargnés, que la volonté, la pureté des créateurs continuent de s'affirmer dans le flou, dans l'inachèvement, dans la promesse d'une mode à venir quand l'époque s'achève – on en a le sentiment – en balayant une infinité de portraits, de rêves, de mirages.

  • Sports
    • 80 minutes de bonheur

      En l'espace d'une semaine, la France se prit à rêver. « Et s'ils nous refaisaient le coup ? » Et si, un an après les footballeurs, les rugbymen tricolores devenaient à leur tour champions du monde ? Si Dominici, Ibanez, Benazzi, N'Tamack, Skrela et toute leur équipe, elle aussi bariolée, se faisaient une petite place à côté des Zidane, Thuram, Djorkaeff et Jacquet au panthéon du sport français, dans le cœur d'un pays soudain supporter ?

    • Rugby

      Trop long. Trop prévisible. À mi-parcours des six semaines de compétition, le bilan de la Coupe du monde à vingt équipes s'annonce morose. À trop vouloir rendre leur sport universel, les responsables du rugby mondial semblent avoir oublié l'intérêt du spectacle. Qui, en effet, peut applaudir à une rencontre entre la Nouvelle-Zélande et l'Italie conclue sur un score de 101 à 3 ?

    • Disciplines

      Le 21 août, les VIIes Championnats du monde s'ouvrent à Séville dans une ambiance délétère. Jamais, en effet, l'athlétisme n'a connu une telle série noire en matière de dopage et les pessimistes prévoient une cascade de contrôles positifs et de scandales lors de ces Mondiaux andalous.

  • Statistiques
  • Nécrologie

    ALBERTI (Rafael)poète espagnol Puerto de Santa Maria, Cadix. 1902 id., 28 octobre 1999 D'origine andalouse et italienne, il se lance dans la poésie à l'âge de vingt ans. Ami de Lorca et de Buñuel, il prône une poésie refusant un régionalisme facile. Se plaçant sous l'égide du poète baroque Góngora, il constitue le groupe de la « génération de 1927 » (année du tricentenaire de la mort du poète espagnol Luis de Góngora y Argote). Marqué par le surréalisme, il pratique à la fois une poésie accessible au grand public, une poésie reprenant plusieurs grands thèmes de la littérature et de la tradition mystique espagnoles, et une poésie engagée pour la transformation de la société. Inscrit au Parti communiste, il participe activement à la guerre civile puis s'exile en 1938, en France, en Argentine et en Italie. Élu triomphalement député de Cadix après la mort de Franco, il n'occupe son siège que quelques mois et continue son œuvre poétique pratiquement jusqu'à sa disparition.