Journal de l'année Édition 2000 2000Éd. 2000

Les Algériens disent oui à la paix

Consultés le 16 septembre par un référendum sur la « concorde civie », les électeurs algériens se sont prononcés massivement en faveur de la politique de paix promise par le président Bouteflika. Ce dernier, dont l'élection en avril avait prêté à controverse, trouve dans cette victoire une légitimité qui lui donne les coudées plus franches pour mener sa politique de réconciliation nationale.

Encore faut-il que les belles paroles soient suivies d'actes. À cet égard, la façon dont les islamistes répondront à son offre d'amnistie, qui est le pivot de cette concorde civile, sera un test du succès de l'ouverture annoncée.

Les Algériens sont las d'une guerre civile qui a fait des dizaines de milliers de morts en presque dix ans, paralysé les institutions de leur pays et pris en otage leurs espoirs de démocratisation. Le constat n'a certes rien de nouveau, mais encore fallait-il donner aux Algériens l'occasion d'exprimer leur lassitude, qui n'a d'égale que leur désir de paix. C'est chose faite depuis le référendum organisé le 16 septembre à l'initiative du président Abdelaziz Bouteflika. Dans le secret d'un isoloir-défouloir, les électeurs algériens ont répondu massivement « oui » à la question : « Approuvez-vous la démarche générale du président de la République visant à la réalisation de la concorde civile et de la paix » ? Les résultats officiels, même s'ils ont été contestés par une opposition dont aucune composante n'a d'ailleurs appelé à voter « non », donnent la mesure de l'exigence de paix des Algériens : avec un score sans appel de 98,8 % des suffrages, aucun référendum depuis celui pour l'indépendance de l'Algérie en 1962 n'aura remporté une aussi large adhésion de la part de la population, s'empressera de faire remarquer M. Bouteflika à l'issue du scrutin. Toute l'habileté du nouveau président algérien aura consisté à mettre cette exigence de paix largement consensuelle au service de sa politique, à travers l'approbation de cette législation dite de « concorde civile » qui accorde une assez large amnistie aux islamistes. Au-delà de sa vocation d'exutoire, ce vote donne les coudées plus franches à ce président mal élu en avril dernier pour mettre en œuvre ses promesses de réconciliation nationale et de paix servies, depuis, par de belles paroles contre la violence et la corruption et pour la démocratie et la prospérité. Les circonstances d'une victoire électorale sans grand mérite, les six autres candidats en lice s'étant retirés à la veille du scrutin, avaient en effet pu faire douter de la légitimité populaire du chef de l'État, qui passe pour être le favori des militaires.

Un référendum-plébiscite

Le succès du référendum est à cet égard d'autant plus remarquable que les Algériens se seraient davantage déplacés pour ce scrutin que lors de l'élection du 15 avril. Après ce référendum-plébiscite, qui a toutes les allures d'un vote de confirmation pour M. Bouteflika, en asseyant sa légitimité et en lui permettant donc de s'émanciper de la tutelle pesante des militaires, la société algérienne, qui a su apprécier ses discours, attend le président au tournant de ses actes. L'amnistie conditionnelle accordée aux islamistes qui n'auraient commis ni crimes de sang, ni viols, est un préalable à cette réconciliation que la société algérienne appelle de ses vœux, un souffle d'air frais aussi dans un paysage politique où la censure et l'esprit de revanche règnent en maître. Déjà approuvée par le Parlement algérien en juillet, cette législation du pardon donne jusqu'au 13 janvier 2000 aux islamistes pour qu'ils quittent le maquis et déposent les armes ; quant aux islamistes emprisonnés, ils peuvent espérer des réductions de peines en qualité de « repentis ».

Le pardon présidentiel s'est enfin élargi, à la dernière minute, aux jeunes conscrits toujours plus nombreux à échapper à leurs obligations militaires, qu'ils soient islamistes ou tout simplement hostiles à l'idée d'être envoyés sur le front d'une guerre civile particulièrement cruelle.