Honoré de Balzac

Plus de deux pages ont été consacrées, dans le numéro spécial « Balzac » du Magazine littéraire, en février 1999, à annoncer les manifestations du bicentenaire de sa naissance. Les comptes rendus d'ouvrages récents, les articles des meilleurs spécialistes, d'Anne-Marie Baron à Lucien Dällenbach, de Nicole Mozet à Roland Chollet et à André Lorant, témoignent de l'importance de l'événement. Celle de l'auteur de la Comédie humaine n'est plus à démontrer. Reste le mystère de la naissance d'un écrivain et de la genèse d'un immense chef-d'œuvre inachevé.

En 1999, on a célébré à Paris et ailleurs le bicentenaire de la naissance de Balzac. Il a vu le jour, en effet, à Tours le 20 mai 1799, ou, selon le calendrier révolutionnaire encore en usage au temps du Directoire, le 1er prairial de l'an VII de la République. Bonaparte faisait la guerre en Égypte. On dira de Balzac qu'il a été le « Napoléon des lettres ». Mais pour cela il fallait une autre naissance, celle, en lui, de l'écrivain.

Quand situer cette seconde naissance ? Il est délicat de répondre à une semblable question, et on se trouve étrangement confronté au mystère du nom. Les Balzac étaient autrefois Balssa, et Bernard-François Balzac, le père d'Honoré, avait adopté ce second nom pour se distinguer d'une autre branche de la famille. Il ne s'en tint pas là. Quand il quitta ses fonctions d'administrateur de l'hospice de Tours, le 11 février 1814, il huma le vent nouveau : la veille, il exaltait Napoléon et l'Empire ; maintenant, il était séduit par le retour à l'Ancien Régime et l'arrivée de Louis XVIII, pris, comme Félix de Vandenesse dans le Lys dans la vallée, par « cette débâcle d'enthousiasme où chacun s'efforçait de se surpasser dans le féroce empressement de courir au soleil levant des Bourbons ». Toujours est-il qu'il se fit appeler « de Balzac » quand son fils n'était encore qu'Honoré Balzac.

Instruit, comme son Louis Lambert, au collège des oratoriens de Vendôme, le jeune Balzac eut-il à souffrir d'une absence de particule, comme Lucien Chardon désireux de devenir Lucien de Rubempré ? A-t-il transposé quelque chose de sa situation personnelle dans Illusions perdues (1837) ? Lucien prend le nom aristocratique de sa mère quand il veut devenir un homme de lettres à Paris. Honoré signera « de Balzac » à partir de 1830 quand, imprimeur ruiné, pressuré lui aussi dans l'enfer du journalisme parisien, il décidera de devenir, à part entière, écrivain.

Biographies

En prime des Premiers Romans de Balzac, la collection « Bouquins » de Robert Laffont offre cette année la réédition de Prométhée ou la Vie de Balzac (1965) d'André Maurois, avec une préface de Robert Kopp qui conclut : « Le portrait que Maurois nous restitue n'a d'équivalent que la statue de Rodin : son Balzac regorge de vitalité, d'appétit de vie, de puissance créatrice. »

1999 a vu aussi la publication de nouvelles biographies, écrites avec un souci louable de précision : Balzac ou la Fureur d'écrire, de Nadine Satiat, Hachette ; Honoré de Balzac 1700-1850, du regretté Pierre Sipriot, éd. de l'Archipel. Roger Pierrot, l'éditeur rigoureux et savant de la correspondance de Balzac, a donné la première biographie de Mme Hanska, Ève de Balzac, Stock.

Rappelons aussi l'utile chronologie du spécialiste québécois Stéphane Vachon, les Travaux et les Jours d'Honoré de Balzac, éditions du CNRS, 1992.

La naissance d'un écrivain

Écrivain, peut-on dire à cette date qu'il l'a déjà été ? Depuis 1820, il a mis la main à la plume pour toute une série de romans dont on hésite à le dire l'auteur. Les éditions Robert Laffont, qui ont entrepris, en cette année du bicentenaire, de publier deux tomes des Premiers Romans de Balzac dans l'excellente présentation d'André Lorant, rendent à Balzac ce qu'il n'avait sans doute pas voulu qu'on lui prêtât. En 1822, l'Héritière de Birague, fruit de sa collaboration avec un certain Auguste Lepoitevin dit « de l'Égreville », était signé « A. de Villerglé et lord R'hoone ». Le jeu de l'anagramme s'y conjuguait avec l'anglomanie. La même année, Jean-Louis et Clotilde de Lusignan sont attribués à lord R'hoone seul. Le Centenaire, le Vicaire des Ardennes, la Dernière Fée, Annette et le Criminel reviennent à Horace de Saint-Aubin, le pseudonyme le plus fréquent de Balzac : l'éditeur Souverain publiera même, en 1836, les Œuvres complètes d'Horace de Saint-Aubin !