quasi-cristal
Solide métallique constitué d’un assemblage d’atomes ordonné mais non périodique (les positions des atomes ne se répètent pas de la même manière dans tout le matériau).
On dit que les atomes présentent un agencement quasi-périodique, mode d’organisation plus général que celui de la périodicité qui régit la structure des cristaux.
1. Découverte des quasi-cristaux
Les quasi-cristaux ont été découverts en 1982 par Daniel Shechtman de l’Institut israélien de technologie (Technion), à Haïfa, en Israël. C'est en étudiant un alliage d’aluminium et de manganèse refroidi rapidement (trempe ultrarapide) qu'il réalise sa découverte. Grâce aux méthodes de diffraction classiques (électrons, rayons X), qui permettent de révéler la structure interne de l’échantillon sous la forme de figures de diffraction (une succession de points lumineux bien localisés), il observe une image typique des cristaux mais présentant une symétrie d’ordre 5. Or, cette configuration est totalement interdite par la théorie cristallographique : les cristaux ne peuvent présenter que des symétries d’ordres 2, 3, 4 et 6.
Cette découverte révolutionnaire a été vivement controversée et combattue en particulier par Linus Carl Pauling (lauréat du prix Nobel de physique en 1954). Mais finalement, l’expérience l'emportera sur la théorie et en 1984, Daniel Shechtman et ses collègues Ilan Blech, Denis Gratias et John Werner Cahn, signent dans la prestigieuse Physical Review Letter un article qui fera date : les quasi-cristaux sont nés.
Cette découverte vaudra à Daniel Shechtman le prix Nobel de chimie en 2011 et obligera les chimistes à réviser la définition du cristal. En effet, la notion de cristal était basée sur le caractère ordonné et périodique du solide et ne pouvait donc pas inclure les quasi-cristaux dans la catégorie des solides cristallins. Il fallait pour cela supprimer l’aspect « périodique » de cette définition. Celle-ci fut révisée de manière plus générale par l’Union internationale de cristallographie en 1992 : un cristal est un solide qui produit une figure discrète de diffraction des rayons X..
2. Quasi-périodicité et pavages
Après leur découverte, il restait toutefois à comprendre comment étaient organisés les atomes dans les quasi-cristaux. La solution est venue du côté des mathématiciens tel que le Français Yves Meyer (prix Abel 2017) et le Britannique Roger Penrose qui étudiaient la façon de paver le plan avec des figures régulières mais non périodiques (quasi-périodique). Ces mathématiciens remarquables ont montré, indépendamment, dans les années 1960, que de telles structures étaient possibles, ouvrant ainsi la voie aux chimistes pour la fabrication de quasi-cristaux.
L’une des solutions de pavages quasi-périodiques la plus connue est celle proposée par Roger Penrose consistant en l'assemblage de deux losanges, l'un fin (d'angle aigu de 36°), l'autre large (de 72°), qui se distribuent régulièrement dans le plan en formant de nombreuses figures pentagonales. Ces solutions mathématiques sont à l’origine de l’interprétation des figures de diffraction des quasi-cristaux : un quasi-cristal est donc bien un assemblage d’atomes ordonné à grande distance, mais non périodique.
À la surprise générale, on s’est aperçu que certaines mosaïques (pavage du plan) de l’art islamique médiéval, par exemple celles du palais de l’Alhambra à Grenade (Espagne), présentent cette structure régulière mais non répétitive typique des quasi-cristaux.
3. Propriétés et applications des quasi-cristaux
Depuis la première découverte de quasi-cristal, les chimistes ont trouvé une centaine de phases dans les composés intermétalliques (la plupart à base d'aluminium), qui présentent des structures quasi-cristallines à l'équilibre. Ainsi les quasi-cristaux constituent un état de la matière à part entière, au même titre que les cristaux ou les verres. Les alliages quasi-cristallins ont des propriétés physiques et chimiques atypiques et très différentes de celles des métaux qui les constituent.
• Ils ont notamment une résistance électrique à basse température de plusieurs ordres de grandeur supérieure à celle des métaux qui les composent : par exemple, le quasi-cristal aluminium-palladium-rhénium possède une résistivité électrique un million de fois supérieure à celle de l’aluminium.
• Ils ont une grande dureté, environ cinq fois celle des meilleurs aciers spéciaux.
• Alors qu'ils sont très fragiles à la température ambiante, ils se déforment très facilement à haute température sans perdre leurs propriétés structurales quasi-périodiques (comportement similaire à celui des matériaux superplastiques).
• Ils présentent une non-mouillabilité importante, c’est-à-dire qu’une goutte de liquide déposée à leur surface ne s’étale pas en un film mince.
• Ils présentent également une résistance à l’oxydation et à la corrosion supérieure à celle des métaux.
• Enfin, le coefficient de frottement sur la surface d’un quasi-cristal peut être jusqu’à dix fois plus faible que sur celle d’un acier.
Pour ces différentes propriétés, ces alliages quasi-cristallins sont prédestinés à être utilisés comme revêtements protecteurs antiadhésifs d'ustensiles de cuisine, ainsi que comme pièces mécaniques dans les moteurs d’avions, de fusées, d’automobiles, etc. Ils font toujours l'objet d'intenses recherches dans différents domaines de la physique du solide et de la métallurgie.
S’il est possible de fabriquer des quasi-cristaux en laboratoire, ce n’est qu’en 2009 que l’on a découvert le premier quasi-cristal « naturel » (appelé khatyrkite) dans les montagnes de Koriakie, en Russie. Il s’agit d’un alliage d’aluminium, de cuivre et de fer, de composition Al63Cu24Fe13, dont on ne connaît toujours pas le processus de formation naturelle.
Pour en savoir plus, voir l'article matière.