Disciplines
Athlétisme
L'empire éclaté
Powell et son fabuleux saut de 8,95 m, Lewis roi du sprint, Krabbe superstar... Mais aussi Bubka, Johnson, Tanui, O'Brien, Morceli, Taniguchi, McColgan, Boulmarka, Panfil. Les championnats du monde d'athlétisme qui se sont disputés à Tokyo ont rappelé à quel niveau se gagnaient désormais les médailles. Dans le sport le plus universel qui soit avec 168 nations engagées, dont les forces émergentes de l'Afrique et de l'Asie, une place sur le podium tient aujourd'hui de l'exploit. Ainsi en est-il du triomphe de Marie-José Pérec sur 400 m plat et de la médaille d'argent obtenue par le relais 4 × 100 m français.
Ces huit jours de compétition ont été dominés, dans l'ensemble par l'équipe des États-Unis. Forte de ses dix victoires et de ses trois records du monde (100 m, longueur, 4 × 100 m), elle a maintenu sa prédominance sur l'URSS, qui a sans doute concouru pour la dernière fois sous son ancienne entité géographique. Mais, au-delà de la confirmation américaine et de la réussite soviétique, le fait majeur de ce troisième mondial restera l'internationalisation de l'athlétisme, qui s'est notamment traduite par un élargissement de la distribution des médailles à 16 pays, dont certains ne figuraient pas jusqu'alors parmi les candidats aux honneurs. L'Asie a ainsi enlevé ses premiers titres, deux pour la Chine (poids et javelot féminin) et un pour le Japon (marathon masculin). L'Afrique surtout a prouvé qu'elle ne se limitait plus au Kenya et à ses coureurs des hauts plateaux, mais qu'elle s'étendait également à des puissances telles que l'Algérie (médailles d'or des 1 500 mètres masculin et féminin), la Zambie (Samuel Matete, champion du monde du 400 mètres haies) ou la Namibie (Frankie Fredericks, deuxième du 200 mètres). Des États aux ressources humaines illimitées, où les athlètes étaient encore en jachère dans un passé récent.
Dans ce contexte ô combien relevé, le déclin de l'Europe, sans l'Union soviétique, s'est accentué comme prévu. Treize titres seulement au total à se partager, répartis entre l'Allemagne (5), la Grande-Bretagne (2), la Bulgarie (1), la Finlande (1), la France (1), l'Italie (1), la Pologne (1) et la Suisse (1). Un recul qui s'explique certes par une opposition plus forte, mais aussi par l'intensification de la lutte contre le dopage, dont les femmes des anciens pays communistes semblent avoir été les principales victimes. Ce n'est que justice. Là encore, il faudra sans doute du temps aux championnes de l'Est pour s'adapter à leur changement précipité de mode de vie ainsi qu'aux nouvelles méthodes d'entraînement. En ce sens, les championnats du monde de Tokyo constituaient pour l'Allemagne une épreuve de transition plutôt qu'un vrai test. Contraint de suivre les cours de l'histoire et d'en subir les soubresauts, l'athlétisme est devenu, à la veille des jeux Olympiques de Barcelone, un empire éclaté. Pour son plus grand bien.
Deux médailles, 11 finalistes, le bilan de l'équipe de France, qui a fini sixième au classement par nations, a été conforme aux prévisions. Ni plus ni moins. Les réussites se sont limitées à deux performances de choix : la victoire de Marie-José Pérec sur 400 m plat et la deuxième place des relayeurs du 4 × 100 m. La déception la plus notable est venue du champion d'Europe du décathlon, Christian Plaziat, qui, malgré un comportement hâbleur, s'est effondré dès son entrée en scène.
Mais le plus préoccupant dans le comportement des Français à Tokyo a concerné la fragilité mentale d'un grand nombre, la préparation insuffisante de certains sélectionnés, la consternante situation du demi-fond d'élite, les absences notoires dans de trop nombreuses disciplines. Après les brillants résultats de Split, la saison 1990 avait suscité des espoirs que 1991 n'a pas confirmés.
L'homme oiseau
Homme de fer au moral d'acier, Sergueï Bubka a aussi les qualités de vitesse et de puissance d'un décathlonien qui lui ont permis de gagner la plupart des compétitions auxquelles il s'est présenté. De celles qui font d'un champion d'exception un authentique dieu du stade. Depuis son premier titre mondial obtenu en 1985 à Helsinki, le Soviétique a ainsi vécu comme dans un rêve son impériale domination sur la perche internationale. En règle générale, Bubka commence ses concours là où ses adversaires sont sur le point de le terminer, soit à 5,70 m. Son prochain objectif est de franchir 6,20 m. Parions sans risque sur sa réussite, puisque, à Tokyo, un ordinateur a calculé, au regard de ses meilleurs sauts, qu'il avait d'ores et déjà le potentiel pour atteindre les 6,40 m. Le bond de l'an 2000 !
Né le 4 décembre 1963 à Vorochilovgrad.