Avec un nouveau navire plus perfectionné que le Glomar Challenger, le SEDCO/BP 471, les campagnes de forages commenceront en janvier 1985.

Autre sujet d'étude des grands fonds océaniques, les fossés qui bordent la côte pacifique du Japon. La première phase de la campagne franco-japonaise Kaïko (fossé en japonais) s'est déroulée du 1er juin au 30 juillet. Elle a permis de faire faire par le Jean-Charcot les levés bathymétriques, sismiques et gravimétriques extrêmement précis de diverses portions des fossés japonais de façon à sélectionner les zones qui seront explorées directement en 1985 avec le petit sous-marin français SM-97 (ainsi nommé parce qu'il pourra plonger à 6 000 m et donc explorer 97 % des fonds océaniques) qui est en finition.

L'enjeu économique

Du 13 août au 5 septembre, la Commission préparatoire de l'Autorité internationale des fonds marins et du Tribunal international du droit de la mer — créée après la signature, en 1982, de la convention sur le droit de la mer — s'est réunie officieusement à Genève.

La réunion a été agitée par les remous soulevés par l'arrangement provisoire conclu le 3 août par l'Allemagne fédérale, la Belgique, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, le Japon et les Pays-Bas de façon à éviter que se chevauchent les sites d'exploration des nodules polymétalliques demandés par eux à la Commission préparatoire.

Selon la résolution no 2 qui est partie intégrante de la convention, la France, l'Inde, le Japon et l'URSS, ainsi que quatre consortiums internationaux, dont les chefs de file sont des sociétés américaines, ont la qualité d'investisseurs pionniers, ce qui leur garantit la priorité pour l'attribution de sites d'exploration ou d'exploitation des nodules polymétalliques. Encore faut-il que les investisseurs pionniers aient signé la convention. La France, l'Inde, le Japon, les Pays-Bas et l'URSS sont dans ce cas. Les États-Unis, qui ont voté contre la convention, n'étaient même pas représentés à Genève, comme ils sont absents de toutes les sessions de la Commission préparatoire. Ils n'ont même pas signé l'acte final de la conférence sur le droit de la mer, signature qui leur aurait donné un siège d'observateur à la Commission préparatoire.

Tous les investisseurs pionniers ont travaillé dans la même zone du Pacifique oriental, sauf l'Inde, qui se consacre exclusivement aux fonds de l'Océan indien, et sauf l'URSS, dont tout le monde sait qu'elle n'a jamais étudié les nodules polymétalliques et qu'elle a tiré très probablement ses informations sur les zones intéressantes des données recueillies par ses satellites espions.

La France et le Japon se sont mis d'accord pour éviter tout chevauchement de leurs sites respectifs. Mais l'URSS a refusé tout arrangement bipartite ou tripartite.

À Genève, grâce à l'activité de Joseph Warioba (Tanzanie), président de la Commission préparatoire, l'accord s'est fait. D'abord sur le calendrier des dépôts de demandes de sites : 9 décembre (qui est aussi la date limite de la signature de la convention), enregistrement de toutes les demandes ; avant le 17 décembre, échange des coordonnées géographiques ; 4 mars 1985, fin des négociations sur les chevauchements éventuels (sans précision sur les processus propres à régler ces différends) ; ensuite discussion en mars prochain, à la Jamaïque, pour l'attribution du statut d'investisseur-pionnier à l'Allemagne fédérale (si celle-ci signe à temps la convention). Cette demande a d'ailleurs immédiatement fait réclamer par les pays de l'Europe de l'Est l'attribution d'un deuxième site d'investisseur pionnier !

Le rêve des nodules

Face à tous ces appétits, il ne faut pas oublier que signer la convention n'est pas la ratifier. La ratification d'un traité international par un État nécessite, en général, une loi spéciale. Treize pays — tous en voie de développement — ont ratifié la convention et celle-ci n'entrera en vigueur qu'un an après la soixantième ratification.

Il ne faut pas oublier non plus que l'Autorité internationale des fonds marins — l'organisme qui gérera l'exploitation des ressources de ces fonds lorsque la convention sera entrée en vigueur — coûtera très cher et que son budget sera alimenté exclusivement par les pays qui en seront membres.