Dans une saison sans éclat, Vienne se distingue par Karl V, de Krenek, une rareté. Trois nouvelles productions retentissantes à Londres, au Covent Garden : les Capulets et les Montaigus, certes (Muti, Pizzi, Gruberova et Baltsa), mais aussi Andrea Chénier en février avec le fougueux José Carreras et Rosalind Plowright, jeune cantatrice qui monte en flèche, et Turandot pour l'ouverture de la nouvelle saison (Colin Davis, Serban, Jones et Domingo). New York poursuit sa saison du Centenaire, mais, si, en février, Marilyn Horne prouve une fois encore, dans une somptueuse production de Rinaldo, qu'elle est sans rivale dans le domaine du chant orné, le retour de Francesca de Rimini de Zandonai est loin de provoquer l'enthousiasme malgré Renata Scotto et Placido Domingo, ce même Domingo qui ouvre avec Lohengrin la nouvelle saison d'un Met que les stars ont de plus en plus tendance à déserter.
La palme de la qualité, on peut cependant la décerner sans la moindre hésitation à la Monnaie de Bruxelles qui, sous la direction de Gérard Mortier, poursuit sans tapage inutile une politique exigeante et d'une rare intelligence. Tout serait à citer dans une saison modèle dont il est question par ailleurs. Rappelons le Trouvère, dans la mise en scène de Pierre Constant (février), et le nouveau Don Giovanni, ouvrant en octobre dernier la saison 1984-85 dans une production signée par Karl-Ernst Herrmann, qui disent bien la place prépondérante tenue par ce théâtre sur l'échiquier lyrique international.
Michel Parouty
Chanson
Rythme d'enfer
Le vidéo clip au secours de la chanson : le monde du disque, un peu amer sur ses chiffres de vente malgré la multiplication des radios et la lutte contre le piratage, caresse un nouvel espoir. Certes, ce n'est guère une nouveauté et les États-Unis ont élevé depuis plusieurs années cette technique au niveau d'un art original. Et la visualisation des chansons enregistrées sur un scénario fantastique ou surréaliste, à la fois spectacle et publicité, a marqué quelques bons résultats : l'exemple du Thriller de Michaël Jackson fait faire de beaux rêves à plus d'un éditeur.
La télévision accueille ces mini-programmes dans ses grilles d'autant plus volontiers qu'ils sont gratuits : clips internationaux sur Antenne 2, chanson française sur TF1. Le tout rehaussé de deux festivals, l'un à Antibes au mois d'août (parrainé par A2), l'autre à Saint-Tropez début octobre (sous la bannière de TF1). De cette nouvelle compétition sortent vainqueurs quelques titres privilégiés : Marie-Claire Buzy fait triompher Adrian, Louis Chedid Hold-up, France Gall Débranche, Bernard Lavilliers Idées noires...
De l'Olympia à Bobino
C'est dire que l'année 1984 a bien du mal à régler son diapason et que, malgré les anniversaires, les retours ou toute autre occasion fournie par l'actualité, il sera difficile de qualifier d'original le répertoire de ces douze mois.
Temple du music-hall traditionnel où sont nées bien des gloires, l'Olympia fête ses trente ans d'existence. Mais les programmes de naguère qui restaient à l'affiche trois semaines, voire un mois et plus, ne sont plus monnaie courante. C'est sur un rythme crépitant que la salle du boulevard des Capucines fait se succéder Francis Cabrel, Pierre Bachelet, Alice Dona, Catherine Lara, Gilles Vigneault, Jean-Jacques Goldmann, Linda de Suza, pour terminer par Bernard Lavilliers et le groupe chilien Quilapayun. Du solide, mais du rapide.
Bobino, l'autre pôle de la chanson, abrite, sur un rythme plus lent, sans doute parce qu'il s'agit de sa dernière saison avant de longs travaux, Fabienne Thibault, Pierre Perret, le fantaisiste québécois Jean Lapointe. À la mi-avril, le retour de Graeme Allwright fait sensation : Néo-Zélandais d'origine, Français d'adoption, Graeme Allwright a consacré plusieurs années aux enfants déshérités du tiers monde. Il a pu constater que ses premières chansons, Jusqu'à la ceinture, Jolie Bouteille, le Jour de clarté, avaient gardé toute la faveur du public.
Femmes
C'est peut-être du côté du Théâtre de la Ville, à Paris, dans le cadre des spectacles de 18 h 30, que les surprises sont les plus nombreuses : de janvier à fin février, les quatre plus belles voix de la Méditerranée se produisent dans un répertoire que le grand public découvre avec plaisir : la Grecque Angélique Ionatos y donne Marie des brumes, un poème d'Odysseus Elytis qu'elle a mis en musique ; sa compatriote Maria Farandouri, qui fut longtemps l'interprète de Mikis Theodorakis ; la Sarde Maria Carta, à la voix profonde et puissante, et la Catalane Maria del Mar Bonet.