Les accrochages qui se poursuivent ici ou là sont d'ailleurs souvent le fait de nationalistes du même parti, mais appartenant à des factions différentes, qui règlent leurs comptes. C'est ainsi que Josiah Tongogara, principal chef de la guérilla, est tué le 27 décembre au Mozambique dans un accident de la circulation dont les circonstances restent mal éclaircies. D'autre part, partisans de R. Mugabe et de J. Nkomo refusent toute formule d'union électorale avant le scrutin législatif de février 1980.
J. Nkomo et R. Mugabe reportent la date de leur retour d'exil, tandis que leur principal rival, l'évêque Abel Muzorewa, ancien Premier ministre, entame le premier la campagne électorale au nom de son parti, le Conseil national africain unifié (UANC). Le banditisme remplaçant la guérilla en certains points du territoire, de nombreux incidents opposent l'armée (que lord Soames a autorisée à assister la police pour maintenir l'ordre) et certains guérilleros indisciplinés. À la fin de la première quinzaine de janvier 1980, Joshua Nkomo regagne Salisbury, où il est triomphalement accueilli par ses partisans, au moment où le Kenya, mécontent du maintien de la présence de militaires sud-africains en Rhodésie, menace de quitter la force du Commonwealth, si ces derniers ne regagnent pas l'Afrique du Sud.
Élections
Mugabe, dont lord Soames accuse les partisans de violer le cessez-le-feu, retarde son retour au pays jusqu'au 27 janvier. Plus de 200 000 personnes font une fête à Salisbury à l'homme qui est resté volontairement plus de 5 ans en exil. L'assassinat d'un candidat modéré aux élections a pourtant créé un climat de tension si grave dans la capitale que le groupe des pays africains de l'ONU a, quelques heures plus tôt, demandé la convocation d'urgence du Conseil de sécurité pour examiner « la situation explosive créée en Rhodésie ».
À la veille des élections en février, les troupes sud-africaines regagnent leur pays ; Ian Smith se rallie à Joshua Nkomo, qui, selon lui, « représente le moindre mal » pour gouverner le futur Zimbabwe, tandis que les attentats et actes de guérilla se poursuivent. Devant la montée des violences, l'énergique lord Soames se dote de pouvoirs spéciaux, allant, par exemple, jusqu'à la disqualification d'un parti dans un district administratif. De son côté, Robert Mugabe, qui a échappé à deux attentats successifs, accuse ouvertement les autorités d'avoir cherché à le faire assassiner. Le climat se détériore dans de telles proportions que, pour tenter d'enrayer la violence, le gouverneur britannique interdit à Robert Mugabe de faire campagne dans deux régions du pays et ordonne la mobilisation de 40 000 Blancs pour doubler les effectifs des forces de l'ordre.
Avant même l'issue d'un scrutin de 3 jours, ouvert le 27 février 1980, pour l'élection des 80 députés noirs du futur Parlement, Robert Mugabe s'engage à respecter les résultats du vote et proclame que, même au cas où il remporterait la victoire, il formerait un gouvernement de coalition avec Joshua Nkomo. Or, c'est effectivement l'aile radicale du mouvement nationaliste qui obtient, avec 62,99 % des suffrages exprimés, 57 sièges — soit la majorité absolue. Joshua Nkomo arrive en deuxième position avec 24,11 % des voix et 20 députés. Abel Muzorewa (8,28 % des voix et 3 sièges) est le grand vaincu.
Dans un premier temps, ces résultats provoquent, à la Bourse de Londres, une baisse brutale des fonds d'État rhodésiens et des valeurs des sociétés britanniques ayant des intérêts en Rhodésie et en Afrique du Sud.
Réconciliation nationale
Mais à la panique succède rapidement l'espoir R. Mugabe lève le couvre-feu et la loi martiale, Ian Smith lance un appel à la réconciliation nationale. J. Nkomo accepte de faire partie du nouveau gouvernement. L'armée rhodésienne démobilise ses réservistes rappelés. Deux ministres européens figurent dans la liste du cabinet que Robert Mugabe soumet le 11 mars à lord Soames. Cabinet au sein duquel, « Premier ministre désigné », il a conservé le portefeuille de la Défense nationale, confiant à Joshua Nkomo celui de l'Intérieur.