La fin du régime séparatiste de Ian Smith et l'entrée du Zimbabwe dans le concert des nations sont l'aboutissement de 8 années de guérilla et le résultat d'un lent processus de règlement négocié dont le terme fut la conférence constitutionnelle de Lancaster House. Ouverte le 10 septembre 1979, cette rencontre ne devait s'achever que le 5 décembre, avec la conclusion d'un accord sur le cessez-le-feu, signé deux semaines plus tard.
Les assises de Lancaster House donnent aux Britanniques l'occasion de déployer leurs talents de diplomates, les controverses entre les divers participants ayant, à plusieurs reprises, risqué d'entraîner une rupture. Lord Carrington, chef de la délégation britannique, fait face à la fois à l'intransigeance de Ian Smith et à celles de Joshua Nkomo et Robert Mugabe, leaders du Front patriotique. Le premier ne cesse de chercher à gagner du temps, retardant les discussions en suscitant des incidents divers. Quant aux autres, ils veulent obtenir que l'ONU supervise la période de transition précédant la proclamation de l'indépendance.
Londres, qui a décidé la mise sur pied d'une force du Commonwealth pour superviser le cessez-le-feu, a les plus grandes difficultés à convaincre ses interlocuteurs du bien-fondé de son point de vue. Il en est de même lorsque les Britanniques manifestent le désir d'associer Pretoria à l'application du cessez-le-feu, Pretoria ayant reconnu, en novembre, son intervention en Rhodésie. Parmi les moyens de pression envisagés par la Grande-Bretagne figure, un moment, la menace d'appliquer la nouvelle Constitution sans l'accord du Front patriotique.
Accords signés
Margaret Thatcher se rend dès le 17 décembre à Washington, pour expliquer au président Carter les modalités de l'accord : le Sénat américain vote la levée des sanctions économiques contre le gouvernement de Salisbury. La Grande-Bretagne doit assumer les pleins pouvoirs pendant la période des deux mois précédant la proclamation de l'indépendance. Lord Soames arrive le 12 décembre en Rhodésie comme gouverneur et y prépare avec succès les élections générales.
C'est le 21 décembre qu'ont été signés, à Lancaster House également, les accords de paix entre la Grande-Bretagne en tant que puissance coloniale, le régime minoritaire blanc de Ian Smith et les chefs du Front patriotique, en présence de Mme Thatcher. Tandis que lord Soames autorise la reprise immédiate des activités politiques du Front patriotique en Rhodésie, le conseil de sécurité de l'ONU demande la levée des sanctions qu'il avait décrétées contre Ian Smith. Cette cérémonie coïncide, jour pour jour, avec le 7e anniversaire du déclenchement de la guerre. C'est en effet le 21 décembre 1972 qu'à Centenary, petite localité du nord-est de la Rhodésie, des guérilleros nationalistes noirs attaquèrent à la roquette une ferme tenue par des Blancs, la famille Borghgrave. Débutait alors un conflit qui, officiellement, allait faire 19 500 morts, dont 10 300 guérilleros et 7 500 civils noirs.
Une des caractéristiques essentielles de la guerre de libération nationale en Rhodésie est que l'écrasante majorité des victimes est noire et que plus de 40 % de celles-ci appartiennent à la population civile. Près des trois quarts des victimes sont mortes au cours de la période 1976-1979, durant laquelle les combats s'intensifièrent beaucoup. Si l'on s'en tient aux statistiques officielles, les pertes des forces de l'ordre restent peu importantes : 480 combattants, Noirs et Blancs. La population blanche aurait eu 473 morts.
En réalité, la guerre a eu des effets considérables, dont il est difficile de mesurer la gravité : déplacements de populations dans des pays voisins (Mozambique et Zambie), où les raids rhodésiens aériens ont fait d'innombrables victimes ; afflux dans les villes de ruraux fuyant les villages protégés ; récoltes détruites et troupeaux exterminés ; dégradation de l'état sanitaire général par suite de la sous-alimentation consécutive à la politique de la terre brûlée systématiquement pratiquée par les deux camps.
Retour triomphal
Parmi les modalités d'application du cessez-le-feu figurent « la fin de tous les mouvements militaires au-delà des frontières rhodésiennes », la cessation totale des hostilités le 28 décembre, le déploiement sur l'ensemble du territoire de la forme de surveillance du Commonwealth, le rassemblement en 16 « points de rendez-vous » des combattants du Front patriotique. C'est sans doute cette dernière modalité qui soulève les difficultés de réalisation les plus épineuses, encore que le respect du cessez-le-feu soit loin d'être total.