Les socialistes, qui reviennent au gouvernement après un an de cabinet Andreotti, reçoivent le Budget et la planification avec Antonio Giolitti, la Justice avec Mario Zagari, le Travail avec Bertoldi. L'orientation politique de la majorité voit l'axe du centre gauche se déplacer assez sensiblement sur la gauche par rapport au cabinet Colombo de 1970 (dernière expérience de ce type), ce qui s'exprime plus par le choix des personnes que par le programme et par l'absence totale de représentants des courants de droite de la démocratie chrétienne.

Investiture

« Nous ne sommes pas sur le dernier rivage de la démocratie, mais il pourrait être irréparable de décevoir les attentes raisonnables », déclare Mariano Rumor dans la séance d'investiture au Sénat le 16 juillet. Son programme est axé sur la gravité de la situation économique : il se donne pour objectif la stabilisation de la lire, le développement du dialogue avec les syndicats « sur les grands thèmes du travail, de l'économie, des réformes et des conditions essentielles qui doivent les garantir ».

« On a parlé de centre gauche sans illusions, conclut-il. Nous pouvons adopter cette définition... Le problème dominant de ce gouvernement comme de ceux qui l'ont précédé, c'est celui d'un pays entré dans l'ère industrielle en portant en soi, dans une dichotomie dramatique, les aspects d'un progrès prodigieux et de retards archaïques. »

M. Rumor obtient successivement la confiance au Sénat, puis à la Chambre le 20 juillet, à une large majorité : 371 voix contre 242. Il n'enregistre aucune défection parmi les députés des partis de la majorité.

Le voilà immédiatement aux prises avec des mouvements populaires importants, à Naples et à Palerme où le renchérissement du prix du pain provoque des cortèges de femmes et d'enfants. Les accapareurs de blé, minotiers ou boulangers, spéculent sur le relèvement des prix du grain, dont les tarifs n'ont cessé de monter depuis un an, indépendamment du déficit mondial en céréales. Les livraisons d'urgence de farine par camions militaires suffisent à apaiser l'agitation en quelques jours.

Mais cette spéculation sur quelques produits de première nécessité ne va pas cesser de tout l'été, dans la mesure où les producteurs (et les pétroliers également) cherchent à anticiper le probable blocage des prix, en raréfiant les livraisons et en haussant leurs prix de vente.

C'est assez dire que la lutte contre l'inflation n'est pas soutenue par l'argument psychologique, malgré une certaine tendance à la baisse ou au coup d'arrêt qui se constate à la fin d'août.

Budget

Le 31 juillet, le gouvernement approuve le budget prévisionnel pour 1974 : 17 286 milliards de lires de recettes, 25 892 milliards de lires de dépenses. Ce déficit de 8 000 milliards, V. La Malfa entend le réduire de 200 milliards et, d'autre part, garder le pouvoir de contrôle ultime des dépenses auxquelles devraient aboutir les conversations que Mariano Rumor a déjà amorcées avec les syndicats.

La suspension de toute activité politique réelle pendant l'été s'accompagne, comme de coutume, d'une certaine indifférence de l'opinion dans son ensemble. Pourtant, au début septembre, quelques cas de choléra à Naples suffisent à déclencher une véritable psychose qui, une fois de plus, met en relief les multiples carences de l'administration de cette ville.

Mariano Rumor semble alors avoir la main heureuse, car de tels phénomènes d'affolement restent limités à une zone. L'impression prévaut en octobre que, tout compte fait, les cent jours pour réussir qui lui avaient été donnés sont marqués par une réussite relative : il a acquis une crédibilité psychologique, grâce notamment à la cohérence de l'équipe des ministres chargés de l'économie : Giolitti (socialiste) au Budget et au Plan, La Malfa (républicain) aux Finances et Emilio Colombo (démocrate-chrétien) au Trésor.

La majorité gouvernementale demeure solide et, d'autre part, Amintore Fanfani, secrétaire général de la démocratie chrétienne, a vigoureusement repris en main ce parti, parcourant toute l'Italie, intervenant dans les situations locales les plus scabreuses, et refaisant l'unité autour de lui.