Claude Debussy

Léon Bakst, projet de décor pour Prélude à l'après-midi d'un faune
Léon Bakst, projet de décor pour Prélude à l'après-midi d'un faune

Compositeur français (Saint-Germain-en-Laye 1862-Paris 1918).

Nul compositeur, au xxe siècle, n'a plus que Claude Debussy changé la manière d'entendre et de penser la musique. Musicien de la liberté, il développa dans les registres les plus variés une écriture d'une éloquence et d'un raffinement incomparables.

Jeunesse et années de bohème

Né dans une famille de petits commerçants, Claude Debussy apprend le piano et entre en 1872 au Conservatoire de Paris, où il passera douze années. Lauréat du prix de Rome en 1884, avec l'Enfant prodigue, il s'installe à Paris en 1887. Revenu « follement wagnérien » de ses séjours à Bayreuth (1888-1889), il découvre aussi le Boris Godounov de Moussorgski, en même temps que la musique d'Extrême-Orient à l'Exposition universelle. Après celle du Quatuor à cordes (1893), la première audition du Prélude à l'après-midi d'un faune (1894), d'après Mallarmé, marque la fin de sa période bohème.

Le début de la notoriété

En 1893, Debussy assiste à la création parisienne de la pièce Pelléas et Mélisande de Maeterlinck et décide d'en tirer un opéra, auquel il travaillera pendant dix ans. Au cours de cette période naissent des chefs-d'œuvre comme Pour le piano (1896-1901), les Trois Chansons de Bilitis, sur des poèmes de Pierre Louÿs (1897-1898), ou encore les trois Nocturnes (Nuages, Fêtes, Sirènes) pour orchestre (1897-1899), qui triomphent aux concerts Lamoureux en décembre 1900. Debussy commence alors à être admiré ; il fréquente les cafés élégants, il rencontre peintres et écrivains (tel Marcel Proust). Monsieur Croche, antidilettante, recueil de ses articles qui paraîtra en 1921, témoigne de son anticonformisme absolu et de sa verve impitoyable.

La création tumultueuse de Pelléas et Mélisande

La création de Pelléas et Mélisande , le 30 avril 1902, qui sera ensuite acclamé sur les plus grandes scènes du monde, marque dans la carrière de Debussy un tournant décisif, même si elle a lieu dans le tumulte. En effet, lorsque l'opéra est inscrit au répertoire de l'Opéra-Comique, Maeterlinck veut que le rôle de Mélisande revienne à sa femme, la cantatrice Georgette Leblanc. Mais Debussy lui préfère la jeune Écossaise Mary Garden : « C'était, dit-il, la même voix douce que j'avais entendue au plus profond de mon âme. » Maeterlinck retire alors son autorisation, intente une action en justice, mais Debussy a gain de cause. Le jour de la création, Maeterlinck et ses amis fomentent une cabale et, à l'entracte, les partisans des deux hommes en viennent aux mains ; la police doit intervenir.

Grâce à André Messager, au pupitre de direction, la première est menée à son terme. Les critiques font preuve, dans leur majorité, d'une totale incompréhension. Toutefois, la deuxième représentation est triomphale, et l'opéra est joué pendant trois mois à guichets fermés.

Une vaste œuvre pour piano

Le compositeur devient chef d'école malgré lui – ce qui le conduit à railler, et même à maudire, les « debussystes ». Entre 1903 et 1908, il écrit une part importante de son œuvre pour piano (la plus vaste de la musique française avec celle de Fauré) : Estampes (1903), Masques et l'Isle joyeuse (1904), les deux recueils des Images (1905-1908), Children's Corner (1906-1908). En 1905 a eu lieu la première audition de la Mer, poème symphonique en trois parties, que suivent les Trois Images pour orchestre (1905-1912) et les deux livres de douze Préludes chacun (1909-1912).

Un musicien « français »

Dès 1910, Diaghilev invite Debussy à collaborer avec D'Annunzio sur le thème du Martyre de saint Sébastien, œuvre en forme d'oratorio que créent les Ballets russes en 1911, puis il lui commande le ballet Jeux (1913), chorégraphié par Nijinski. La Première Guerre mondiale éveille en Debussy des sentiments nationalistes violents. On peut y voir la raison de l'hostilité qu'il témoigne à Schoenberg, et de sa décision de signer ses œuvres, en particulier les trois Sonates de 1915-1917, « Claude Debussy, musicien français ». De 1915 datent les Douze Études pour piano, dédiées à Chopin, et la suite En blanc et noir pour deux pianos, œuvres visionnaires d'un homme sur sa fin.

La modernité « debussyste »

Créateur de formes inédites pour chaque nouvelle œuvre, Debussy anticipe d'un demi-siècle sur son temps. Sa trajectoire, qui bouleverse les notions de temps et d'espace en musique, est d'une remarquable unité. Au dynamisme dramatique issu de Beethoven, il oppose le statisme de ses formes ouvertes, fragments d'éternité sans commencement ni fin, et de ses harmonies non fonctionnelles, qui sont les juxtapositions d'agrégats autonomes. Par-delà toute technique, il se réclame des « concordances mystérieuses entre la nature et l'imagination ».

Debussy est un maître de l'osmose panthéiste, des paysages sans hommes. Dans Pelléas et Mélisande, dont les personnages apparaissent comme des silhouettes sans visage, on trouve à profusion ces mots, ces parfums et ces images – clarté, obscurité, mer, forêt, nuit, brume, ombre, vent, eau, soleil, lumière –, qui sa vie durant le frappèrent tant. Ses héritiers se nomment Varèse, Messiaen, Boulez.

Répertoire des autres œuvres

Il s'agit d'œuvres de musique instrumentale et de musique vocale.
– Musique pour piano : Petite Suite à 4 mains (1888-1889), Deux Arabesques (1888-1891), Suite bergamasque, avec le célèbre Clair de lune (1890-1905), Hommage à Haydn (1909), Six Épigraphes antiques à 4 mains (1914).
– Musique de chambre : Danse sacrée et Danse profane pour harpe et cordes (1904), Syrinx pour flûte seule (1913), Sonate n° 1 pour violoncelle et piano (1915), Sonate n° 2 pour flûte, alto et harpe (1915), Sonate n° 3 pour violon et piano (1916-1917).
– Musique orchestrale : Printemps (1887), Fantaisie pour piano et orchestre (1889-1890), trois Images (Gigues, Iberia, Rondes de printemps) [1905-1912].
– Musique vocale : la Damoiselle élue, cantate (1887-1888) ; mélodies, dont Ariettes oubliées (1887-1888), Cinq Poèmes de Baudelaire (1887-1889), Fêtes galantes I (1891-1892) et II (1904) ; Rhapsodie pour clarinette et orchestre (1909-1910) ; Khamma, ballet (1912-1913).

Citations

« Il fallait désormais chercher après Wagner et non d'après Wagner. »

Claude Debussy, à l'époque de Pelléas et Mélisande.

« L'art est le plus beau des mensonges. »

Claude Debussy, Monsieur Croche, antidilettante.

« De tout temps la beauté a été ressentie par certains comme une secrète insulte. »

Claude Debussy, Monsieur Croche, antidilettante.

Claude Debussy, Jeux
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Claude Debussy, la Mer (2e mouvement : Jeux de Vagues)
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Claude Debussy, Pelléas et Mélisande : introduction
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Claude Debussy, Prélude à l'après-midi d'un faune
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Claude Debussy, Premier Quatuor en sol mineur, op. 10, (2e mouvement, assez vif et bien rythmé)
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Léon Bakst, projet de décor pour Prélude à l'après-midi d'un faune
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Voir plus
  • 1888 Arabesques, œuvre de C. Debussy.
  • 1894 Prélude à l'après-midi d'un faune, par C. Debussy, d'après S. Mallarmé.
  • 1902 Pelléas et Mélisande, opéra de C. Debussy d'après Maeterlinck.
  • 1905 La Mer, ensemble de trois esquisses symphoniques de C. Debussy.