Vaslav Fomitch Nijinski
Danseur et chorégraphe russe d'origine polonaise (Kiev 1889-Londres 1950).
Bronislava Nijinska ou Nijinskaïa (Minsk 1891-Pacific Palisades, Los Angeles, 1972) est la sœur du précédent.
Vaslav Nijinski
Danseur étoile des Ballets russes de Serge de Diaghilev, Vaslav Nijinski fut, avec Michel Fokine, le brillant maître d'œuvre de la rénovation du ballet classique. La maladie mentale qui le frappa ajoute la dimension du drame à la destinée d'un artiste qui avait été sur scène l'incarnation même de l'élan vital.
Le nouveau dieu de la danse
Descendant d'une lignée de danseurs d'origine polonaise, Vaslav Nijinski est le deuxième d'une famille de trois enfants, que le père abandonne alors qu'il est âgé d'à peine 7 ans. Parti avec sa mère à Saint-Pétersbourg, il entre en 1898 à l'École impériale de danse ; sa taille est au-dessous de la moyenne, mais il se distingue déjà par l'exceptionnelle envolée de ses sauts. Engagé au Ballet du théâtre Mariinski dès 1905, il y devient le partenaire des premières ballerines du moment – telles Anna Pavlova et Tamara Karsavina –, puis il obtient très vite des rôles solistes.
Introduit dans la haute société de Saint-Pétersbourg, Nijinski fait une rencontre décisive pour sa carrière, celle de Serge de Diaghilev, qui l'entraîne dans l'entreprise des Ballets russes à partir de 1909. Créateur à Paris des œuvres de Fokine (les Sylphides, le Carnaval, Schéhérazade), il subjugue le public tant par sa virtuosité que par la vérité qui se dégage de ses personnages. Lorsqu'en 1911 il est licencié par le théâtre Mariinski – en raison de son costume de scène, jugé indécent, dans Giselle –, Diaghilev lui signe un contrat permanent de soliste.
Avec deux autres ballets de Fokine, le Spectre de la rose et Petrouchka, inscrits au programme des Ballets russes de 1911, Nijinski parvient au faîte de sa carrière de danseur. Le 29 mai 1912, il fait lui-même ses débuts de chorégraphe avec l'Après-midi d'un faune, dont les postures hardies provoquent un premier scandale. Refusant le brio technique, qui a fait sa gloire d'interprète, et l'esthétique conventionnelle de la danse classique, il réforme la conception même du mouvement. La modernité qu'il tente d'imposer est trop en avance sur son temps. Ainsi, le Sacre du printemps, qui est, en 1913, à l'histoire de la danse ce que fut Hernani à l'histoire du théâtre – et qui restera oublié jusqu'en 1955 –, inspirera certains des plus grands chorégraphes du xxe s. (Mary Wigman, Maurice Béjart, John Neumeier, Pina Bausch, Mats Ek). De 1913 également date le ballet Jeux, construit sur l'idée d'un marivaudage juvénile dont les protagonistes sont trois joueurs de tennis.
L'homme perdu pour son art
Au cours d'une tournée en Amérique du Sud, qui commence en août 1913, Nijinski épouse Romolá de Pulszky (1892-1978), jeune comtesse hongroise qui s'est éprise de lui lors de sa venue à Budapest. Aussitôt renvoyé par Diaghilev, dont il était l'amant, il se retrouve brutalement plongé dans un monde dont il avait toujours été protégé. Il tente de fonder sa propre compagnie et part pour Londres, mais il essuie un échec. Surpris par la déclaration de guerre, en 1914, alors qu'il est à Budapest (dans l'Autriche-Hongrie d'alors), Nijinski est placé en résidence surveillée. Libéré – à la faveur d'entremises diplomatiques – en 1916, il est rappelé par Diaghilev, afin d'assurer le succès de la longue tournée que les Ballets russes vont entreprendre aux États-Unis. C'est à cette occasion qu'il présente à New York son dernier ouvrage, Till Eulenspiegel (Till l'Espiègle, octobre 1916), sur une musique de Richard Strauss.
Définitivement coupé de sa famille par la révolution russe de 1917, Nijinski part en tournée en Espagne et en Amérique du Sud. À son retour, il s'installe en Suisse avec Romolá, dans une villa de Saint-Moritz. C'est alors que se déclare sa schizophrénie : le 10 mars 1919, il doit être admis en hôpital psychiatrique. Pendant trente ans encore, il ira de clinique en clinique, subissant des traitements parfois pires que son mal lui-même. Mort d'une affection rénale, il repose au cimetière de Montmartre, à Paris. Ses Cahiers, rédigés en six semaines pendant l'hiver 1918-1919, sont un document bouleversant sur l'homme, porté aux accès de mysticisme, et sur le danseur, que Béjart nommera le « clown de Dieu » dans un ballet de 1971. « Je suis Nijinski qui meurt quand il n'est pas aimé » y avait-il écrit.
Bronislava Nijinska
Sœur cadette de Vaslav, Bronislava suivit les traces de ce dernier : formée à l’École de danse de Saint-Pétersbourg, elle appartint aussi à la troupe du théâtre Mariinski jusqu’à leur commun départ en 1911, puis à celle des Ballets russes dès leur première saison à Paris, en 1909 (rôle de la Ballerine dans Petrouchka de Fokine). En 1914, elle décida de retourner en Russie et d’ouvrir une école à Kiev, où elle eut pour élève Serge Lifar. Après une seconde carrière aux Ballets russes (1921-1925), où elle peaufina son talent de chorégraphe, elle travailla pour d’autres célèbres compagnies dans le monde (Grand Ballet du marquis de Cuevas, Royal Ballet). Elle fonda aussi et dirigea plusieurs écoles, où elle propagea les enseignements de son frère, contribuant ainsi à l'essor de la danse classique.