Marius Petipa

Danseur, chorégraphe et maître de ballet français (Marseille 1818-Saint-Pétersbourg 1910).

Français accueilli à Saint-Pétersbourg, Marius Petipa y fonda l'école russe de ballet, dont la renommée demeure immense. Passé l'époque du romantisme, dont il conserva les idéaux, il créa un répertoire où triomphaient les canons de la danse académique.

La destinée russe

Marius Petipa a des parents qui exercent l'un et l'autre un métier artistique : son père est danseur et maître de ballet, et sa mère, actrice. Lucien Petipa (1815-1898), son frère aîné, est lui aussi danseur professionnel. Marius n'a pas vraiment la vocation pour le devenir à son tour, malgré les leçons que lui dispense son père. Très jeune, cependant, il fait ses débuts au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, où il est élève au conservatoire. Lorsque sa famille revient en France, il entame une carrière qui le mène à Bordeaux, à Nantes – où il devient danseur étoile – et à Paris – où il suit les cours d'Auguste Vestris et danse avec l'illustre Carlotta Grisi. De 1843 à 1846, Marius Petipa travaille pour le Théâtre royal de Madrid, puis en 1847 il est invité pour une année à Saint-Pétersbourg – il y restera près de soixante ans.

À Saint-Pétersbourg, Petipa a eu de célèbres devanciers – entre autres, Charles Didelot et Jules Perrot. Lui-même se fait apprécier à la fois de la cour et du public. D'abord premier danseur du Théâtre-Impérial, il en devient en 1862 le chorégraphe en chef, obtenant son premier triomphe avec la Fille du pharaon (d'après le Roman de la momie de Théophile Gautier), et, en 1869, le premier maître de ballet, commandant une troupe de 250 danseurs. De 1855 à 1887, il dirige aussi l'École impériale de danse, comprenant 80 élèves.

Fondé sur le respect des règles académiques, le style qu'impose Petipa exige des danseuses un très haut niveau technique, tout en s'adaptant à leurs aptitudes individuelles. Le chorégraphe développe aussi une plastique formelle, où la pantomime tient une place centrale. Sous son impulsion, les danseurs sortent de l'anonymat auquel les reléguait leur emploi de « porteur » ; ils jouent à leur tour les premiers rôles, que ce soit dans les solos et variations que Petipa compose à leur intention, ou dans les pas de deux auxquels il donne un lustre sans précédent.

Le répertoire de la consécration

Au Théâtre-Impérial, Petipa a la haute main sur les créations comme sur les reprises, sur les engagements comme sur les promotions. Il préside ainsi à l'éclosion de talents qui poursuivront leur carrière au sein des Ballets russes de Serge de Diaghilev. Peu enclin à faire appel aux étoiles étrangères, il doit pourtant consentir à accueillir les gloires de la scène italienne, comme Enrico Cecchetti.

Petipa, qui a également tout pouvoir sur la musique, travaille d'abord avec des compositeurs attitrés, tels que Léon Minkus (1827-1890), auteur des partitions de Don Quichotte, créé au Bolchoï de Moscou en 1869, et de la Bayadère, créée au tout nouveau théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg en 1877. Puis, lorsque la nouvelle direction du Mariinski fait appel à Tchaïkovski, le chorégraphe trouve en ce dernier son compositeur providentiel. De leur étroite union artistique naîtront des chefs-d'œuvre qui consacrent, aujourd'hui encore, toute carrière d'étoile : la Belle au bois dormant (1890), Casse-Noisette (1892), le Lac des cygnes (1895). Lev Ivanov, l'assistant de Petipa, apporte sa touche aux deux derniers ballets, de même qu'à Cendrillon (1893). Barbe-Bleue (1896), Raymonda (1898) et les Saisons (1900) sont encore des créations marquantes, avant que Petipa ne fasse ses adieux en 1904. La génération montante, incarnée par Michel Fokine, aspire à prendre la relève, en explorant d'autres voies.

Auteur d'une soixantaine d'œuvres, Petipa avait lui-même substitué une nouvelle tradition à celle du ballet romantique qui l'avait précédée. Il n'a pas pour autant renié le romantisme. C'est lui qui tire Giselle de l'oubli et, dans sa propre dramaturgie, il fait la part belle au fantastique et à la rêverie. Il innove, en revanche, en recherchant l'effet de masse et, pour cela, il mobilise sur scène le corps de ballet tout entier. Rudolf Noureïev assumera avec éclat cet héritage. « La danse est la rencontre de trois émotions et leur dépassement : émotion du corps dompté qui se libère et rejoint l’âme, émotion du geste qui se transforme en poésie, émotion de l’allure qui fait sortir l’interprète de sa corporéité pour devenir l’expression de l’idée » : tel est le legs de Petipa.

Le ballet à grand spectacle

Jusqu'à l'ère Petipa, le ballet se déroulait en deux actes. Le chorégraphe le fit passer à trois ou quatre actes. On lui reprocha parfois la minceur de ses arguments, pour une telle durée, mais on ne saurait lui dénier un mérite : celui d'avoir été l'inventeur du ballet à grand spectacle, dont la Bayadère offre la parfaite illustration. L'exotisme et la couleur en furent les ressorts essentiels.

Lors de la première, le 4 février 1877, Marius Petipa stupéfia son public en le transportant dans l'Inde des maharajas. Son danseur étoile fit même son entrée à dos d'éléphant, tandis qu'on apercevait un tigre, réel également, qui traversait la scène ! La magie fonctionna à merveille, d'autant que ce n'était partout qu'explosion de couleurs, qui rythmaient l'action. Les rouges, jaunes, bleus, verts, violets ou orangés des costumes symbolisaient aussi le rang et la psychologie des personnages.