Berry
Province de France qui a formé, au cœur du pays, les départements du Cher et de l'Indre ; capitale : Bourges (Habitants : Berrichons).
GÉOGRAPHIE
Reflétant (à l'exception de la Brenne des étangs, logée dans un creux tectonique) la disposition monoclinale des assises sédimentaires du sud du Bassin parisien, le Berry présente, du S. au N., une dépression marneuse herbagère adossée au Massif central (Boischaut, Val ou Vallée de Germigny), un plateau découvert calcaire, céréalier autour duquel s'est faite son unité (Champagne berrichonne), une suite de pays crayeux aux aptitudes diverses (Gâtine de Valençay vouée aux élevages laitier, bovin et caprin, Pays Fort, bocager et herbager, verger de Saint-Martin-d'Auxigny, vignoble du Sancerrois). Les grandes vallées qui coupent le pays, Cher, Indre, Creuse, ont attiré les villes, notamment Bourges, capitale du haut Berry, et Châteauroux, capitale du bas Berry. Un peu à l'écart des grands axes de relation nationaux, le Berry a gardé une part de son particularisme . Anciennement industrialisé (métallurgie, laine, céramique), mais ébranlé par la concentration du xixe s., il a trouvé dans la décentralisation parisienne des apports vivifiants (aéronautique, électronique) qui ont été affectés par les restructurations industrielles au début des années 2000. .
HISTOIRE
Le Berry (Bituricus pagus) n'a joué un grand rôle qu'à l'époque gauloise et romaine. Les Bituriges Cubi ont pour capitale Avaricum (Bourges), qui devient la métropole de tout le Massif central. Les Bituriges, au temps des luttes pour l'indépendance, refusent de détruire leur capitale, rendant ainsi difficile la résistance de Vercingétorix. Leur pays est intégré à l'Aquitaine, puis envahi par les Wisigoths vers 469.
Devenu comté indépendant à l'époque carolingienne, le Berry est ensuite partagé entre le duc d'Aquitaine et les comtes d'Anjou et de Blois. Une bonne partie de la région tombe entre les mains du roi de France lorsque le vicomte de Bourges part à la croisade à la fin du xie s. et le reste du Berry subit la lente pénétration des Capétiens. En 1360, Jean II le Bon l'érige en duché et le donne en apanage (ainsi que l'Auvergne) à son troisième fils, Jean, qui le dote d'un sénéchal (1374), d'une chambre des comptes (1379) et d'une cour fastueuse résidant à Bourges. À la mort du duc Jean de Berry (1416), le duché fait retour à la Couronne et est donné au dauphin Charles.
Bourges et le Berry sont le refuge de la résistance des Valois contre les Anglais au cours de la guerre de Cent Ans : le futur Charles VII, écarté du trône par le traité de Troyes (1420), se réfugie à Bourges et devient le « petit roi de Bourges ». Le duché de Berry sera définitivement réuni au domaine royal en 1584. Le titre de « duc de Berry » sera encore porté par plusieurs princes, notamment par le second fils de Charles X.
LITTÉRATURE
Le Moyen Âge ne compte guère qu'un théologien, Hervé de Déols (xiie s. ) et un prédicateur, Eudes de Châteauroux, dont les Sermons franciscains forment un bon tableau de la société de la province au xviiie s. L'événement intellectuel le plus marquant de la période est la création par Louis XI, en 1463, de l'université de Bourges, qui allait être illustrée par Cujas, Alciat et Amyot.
La Renaissance voit une floraison poétique, avec François Habert, qu'Henri nomme « poète royal » et qui écrivit une comédie en vers de cinq pieds (le Monarque), Gabriel Bounyn, qui, un siècle avant Bajazet, introduit le drame oriental sur la scène française (la Sultane, 1561), Jean Lauron, chantre de Châteauroux, et Pierre Motin, l'une des cibles de Boileau. L'histoire est tout aussi en faveur avec le légiste Jean Chenu (Histoire des archevêques de Bourges), le pasteur Jean de Léry (Histoire mémorable de la ville de Sancerre) et la première Histoire du Berry (1566) de l'avocat Jean Chaumeau.
Le xviie s. est essentiellement illustré par des jésuites (le P. Labbe, le P. Joseph d'Orléans, le P. Louis Lallemant) et des jurisconsultes érudits (Thaumas de La Thaumassière, Nicolas Catherinot), tandis que le siècle suivant connaît deux gloires bien différentes avec Claude Guimond de la Touche, dont la tragédie Iphigénie en Tauride (1757) connut un succès prodigieux, et l'Issoldunois Renaudon, qui fut moine, chef de mendiants, soldat et précepteur, avant de finir juriste (Observations sur le franc-alleu du Berry).
La période moderne est tout entière dominée par les romans rustiques de George Sand, dont l'œuvre fourmille de locutions et de maximes empruntées au Boischaut. Mais les Fables (1850) de Théophile Duchapt, le Glossaire (1858) du comte Jaubert, les Croyances et légendes du centre de la France (1875) de Laisnel de La Salle annoncent le renouveau littéraire du Berry, qui, par-delà l'ambiance du Grand Meaulnes d'Alain-Fournier, s'épanouit dans les contes de Joseph Ageorges (Contes du moulin brûlé, 1911), les poésies et les études du folkloriste Hugues Lapaire (Noëls berriauds, 1898 ; le Bestiaire berrichon, 1919), les poèmes patoisants et les histoires gaillardes de Jacques Martel (Devant les landiers, 1924 ; la Poêlée, 1947), les romans de Raymonde Vincent (Campagne, 1937) et le théâtre de Jean-Louis Boncœur (Le berger m'a dit..., 1962).
BEAUX-ARTS
Le Berry est riche de monuments du Moyen Âge. L'abbatiale de Fontgombault (xiie s.) est d'un art dépouillé ; l'ordonnance majestueuse de son architecture la place au premier rang des constructions de l'époque romane. D'autres églises romanes sont à citer, notamment celles de Neuvy-Saint-Sépulchre, en forme de rotonde entourée d'un déambulatoire à tribunes,de Saint-Genou, de Châteaumeillant, Saint-Genès, au plan bénédictin typique ; sans oublier les portails sud et nord de la cathédrale de Bourges, dont les tympans représentent le Christ en gloire entouré par les symboles des Evangélistes et la Vierge Marie. Le Berry occupe aussi une place importante dans la peinture murale romane en premir lieu les fresques pleines de fougue de l'Adoration des mages, de l'Entrée de Jésus à Jérusalem et de la Cène de l'église de Vicq, où dominent les tons ocres. Il faut citer aussi celles de l'Annonciation, de la Chevauchée des mages, du Massacre des Innocents, de la Tentation au désert et des Noces de Cana de Brinay, aux couleurs vives et fraîches.
L'église abbatiale de Noirlac, au chevet plat, a toute la rigueur de l'architecture cistercienne. La nef centrale de huit travées voûtées sur croisée d'ogives communique avec les bas-côtés voûtés d'arêtes par des arcs brisés. La façade (xiiie s.) comporte une rose à six lobes. Le cloître (fin xiie s.-début xive s.) aux arcades géminées en tiers point et colonnettes jumelées compte parmi les plus beaux des monastères cisterciens. L'architecture de la salle du chapitre (xiie s.), de la salle des moines, du cellier, du bâtiment des convers ne le cède en rien à celle de l'abbatiale.
La cathédrale de Bourges (xiie s.), immense nef sans transept d'une saisissante majesté, a cinq vaisseaux d'une hauteur savamment graduée ; avec ses puissantes piles cantonnées de fines colonnettes et sa splendide vitrerie, elle est un des grands chefs-d'oeuvre de l'art gothique. Les cinq porches surmontés de gâbles de sa large façade sont couverts de sculptures : au tympan central, un saint Michel immense et serein pèse les âmes. Bourges conserve aussi l'opulent palais de Jacques Cœur (xve s.) et l'hôtel Lallemant, marqué par l'influence italienne, dont la façade est ornée de médaillons d'empereurs romains.
Du château de Jean de Berry à Mehun ne restent que des ruines démantelées. À la sévérité de Culan succèdent les élégantes constructions du xve s. des châteaux d'Ainay-le-Vieil et de Sarzay. Au début du xvie s., Meillant se pare d'un décor luxuriant et Argy s'enrichit de deux étages de galeries à I'italienne. Avec l'aile François Ier de Villegongis et la construction de Valençay, c'est le style des châteaux de la Loire qui s'étend en Berry.
Au début du xviie s., Sully crée la ville d'Henrichemont sur un plan rayonnant. Ensuite, l'influence de l'art parisien et royal domine : François Le Vau construit l'imposant château de Lignières, Mansart dresse des coupoles à la Ferté-Reuilly, Bullet élève le palais archiépiscopal de Bourges et J. A. Gabriel donne, semble-t-il, les plans de l'élégant château de Bouges.