charte
(latin chartula, de charta, lettre)
Ensemble de lois constitutionnelles d'un pays. (Avec une majuscule le plus souvent.)
En Angleterre : la Grande Charte (en latin Magna Carta)
La Grande Charte fut accordée en juin 1215 par le roi Jean sans Terre aux barons anglais révoltés. On prit plus tard l'habitude d'en copier le texte en tête de la collection des statuts, si bien qu'elle est considérée comme le premier texte constitutionnel anglais.
Décidé à reconquérir la Normandie et le Poitou, Jean avait été amené à exploiter au maximum les revenus féodaux de la Couronne, dressant contre lui une opposition de plus en plus fournie, particulièrement dans le nord de l'Angleterre. Les défaites de Bouvines (→ bataille de Bouvines) et de La Roche-aux-Moines, jointes à de nouvelles exigences financières (scutagium de 1214), exaspérèrent les barons : le 17 mai 1215, ces derniers prennent Londres, et Jean est bloqué à Windsor ; d'où les négociations de juin dans la prairie de Runnymede, et un traité entre le roi et les barons qui constitue la Grande Charte.
Le texte n'eut pas grand effet dans l'immédiat. Mais il dut être reproclamé à plusieurs reprises par les rois du xiiie siècle, et les débats parlementaires du xviie siècle en firent le symbole des libertés fondamentales de l'Angleterre.
En France
La Charte constitutionnelle de 1814
Elle est octroyée aux Français par Louis XVIII, le 4 juin 1814. Élaboré par le Sénat, revu par le roi, le texte apparaît comme un compromis entre l'Ancien Régime, avec lequel il renoue dans la forme, et les acquis de la Révolution et du premier Empire dont il conserve l'organisation sociale et administrative. Les titres et biens acquis (en particulier les biens nationaux) sont garantis. Le catholicisme est proclamé religion d'État.
Le régime politique s'inspire du système anglais. Le pouvoir législatif appartient à deux Chambres, celle des pairs et celle des députés. Les pairs siègent par droit héréditaire ou sont nommés à vie par le roi. Les députés sont élus au suffrage censitaire : il faut payer au moins 300 francs d'impôt direct (et avoir 30 ans) pour être électeur, 1 000 francs (et avoir 40 ans) pour être éligible. Aussi l'Assemblée est-elle dominée par les grands propriétaires fonciers nobles. Les lois doivent être adoptées par les deux Assemblées, le budget devant toujours être présenté d'abord aux députés.
Le pouvoir exécutif garde des prérogatives considérables. Le roi nomme les ministres, responsables individuellement devant lui, sanctionne les lois, dont il conserve en outre l'initiative, convoque la Chambre des députés, qu'il peut ajourner ou dissoudre. L'article 14 accorde de plus au gouvernement le droit de légiférer par ordonnances, en cas de besoin. La liberté de la presse est reconnue sous certaines réserves.
La Charte de 1830
Fondement institutionnel de la monarchie de Juillet, c'est une simple révision de la Charte constitutionnelle de 1814, signée et jurée par Louis-Philippe Ier.
Elle supprime les formules rappelant l'Ancien Régime, retire au catholicisme le privilège de religion d'État et précise certaines libertés (celle de la presse notamment, en abolissant la censure, ou celle de l'enseignement). Mais, surtout, elle modifie l'esprit du régime en étendant les pouvoirs de la Chambre des députés, qui acquiert l'initiative des lois, le droit d'amendement et d'interpellation, et elle soumet les ministres au roi. Elle abolit l'hérédité de la pairie et abaisse le cens électoral (à 500 et 200 francs, respectivement pour les éligibles et les électeurs), qui inclut expressément la patente. Le corps électoral, doublé (environ 200 000 personnes), est désormais composé en majorité de bourgeois. Le roi détient toujours le pouvoir exécutif et dirige la politique extérieure, mais ses ordonnances ne peuvent plus suspendre les lois.