pont
(latin pons, pontis)
Ouvrage par lequel une voie de circulation, un aqueduc, une conduite franchit un cours d'eau, un bras de mer, une dépression ou une voie de circulation.
TRAVAUX PUBLICS
La technique du pont a évolué en fonction des besoins et des matériaux disponibles ainsi que des exigences culturelles. Elle a subi une profonde mutation dès le milieu du xixe s. : en effet, la révolution industrielle, avec le développement des réseaux ferroviaire et routier et l'apparition de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques, a modifié la conception du pont et a créé de nouvelles formes faisant de plus en plus souvent appel à une recherche esthétique.
Pendant longtemps, le pont a été un ouvrage en bois ou en pierre de dimensions relativement modestes, dont la fonction unique était de franchir un obstacle naturel. La construction des voies ferrées et des autoroutes a non seulement entraîné la multiplication des ouvrages mais aussi fait naître de nouveaux types de ponts : les viaducs et les échangeurs routiers. Nécessités par la rigidité des tracés, qui imposaient de faibles pentes et de grands rayons de courbure, les viaducs sont des ouvrages de franchissement passant à grande hauteur et constitués de nombreuses travées identiques. Les échangeurs routiers, ouvrages en général complexes, ont été créés pour éviter les croisements à niveau. Par ailleurs, l'utilisation de nouveaux matériaux et leur généralisation ont permis d'une part de réaliser des ouvrages de grande portée et d'autre part, grâce à la multiplicité des solutions qu'ils apportent, d'intégrer au mieux le pont dans son environnement. Ce sont successivement la pierre, le fer (dont l'emploi se généralise vers 1860), l'acier (vers la fin du xixe s.), puis le béton armé (vers 1890) et le béton précontraint (en 1950).
Exemples de types de ponts
Exemples de types de ponts | |||||
Type de pont | Matériaux | Pont | Pays | Date de construction | Portée |
Pont en arc | pierre | Pont du Rialto (Venise) | Italie | fin XVIe s. |
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Pont en arc | pierre | Pont-Neuf (Paris) | France | fin XVIe-début XVIIe s. |
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Pont en arc | pierre | Pont Adolphe | Luxembourg | 1903 | 84 m |
Pont en arc | métallique | Viaduc de Garabit | France | 1884 | 165 m |
Pont en arc | métallique | Pont de Sydney | Australie | 1932 | 495 m |
Pont en arc | métallique | Pont de Fayetteville | États-Unis | 1977 | 518 m |
Pont en arc | béton armé | Pont de Plougastel | France | 1930 | 3 × 173 m |
Pont en arc | béton armé | Pont de Gladesville (Sydney) | Australie | 1964 | 305 m |
Pont en arc | béton armé | Pont de Krk | Croatie | 1980 | 390 m |
Pont à poutres | métallique | Firth of Forth | Écosse | 1890 | 2 × 521 m |
Pont à poutres | métallique | Pont de Québec | Canada | 1918 | 548 m |
Pont à poutres | béton précontraint | Pont de Hamana | Japon | 1978 | 240 m |
Pont à poutres | béton précontraint | Pont d’Ottmarsheim | France | 1980 | 172 m |
Pont à poutres | béton précontraint | Pont de Brisbane | Australie | 1987 | 265 m |
Pont à poutres | pont à haubans | Pont de Saint-Nazaire | France | 1975 | 404 m |
Pont à poutres | pont à haubans | Pont d’Annacis | Canada | 1988 | 465 m |
Pont à poutres | pont à haubans | Pont de Normandie | France | 1994 | 856 m |
Pont suspendu |
| Pont du Golden Gate (San Francisco) | États-Unis | 1937 | 1 280 m |
Pont suspendu |
| Pont de Tancarville | France | 1959 | 608 m |
Pont suspendu |
| Pont Verrazano (New York) | États-Unis | 1964 | 1 300 m |
Pont suspendu |
| Pont sur la Humber | Royaume-Uni | 1981 | 1 410 m |
Pont suspendu |
| Pont Akashi-Kaikyo | Japon | 1988 | 1 780 m |
Pont suspendu |
| Viaduc de Millau | France | 2004 | 2 460 m |
La classification des ponts
La classification systématique et détaillée des ponts prend en compte divers éléments.
1. La nature de la voie portée. On distingue, suivant leur destination, les ponts-routes, les ponts-rails, les ponts-canaux, les passerelles réservées aux piétons. Certains ponts ont une fonction secondaire : donner le passage à des canalisations (eau, gaz, électricité, télécommunications).
2. La nature du matériau principal. Les ponts peuvent être en bois, en maçonnerie, en métal (fonte, fer, acier, alliages d'aluminium), en béton armé, ou encore en béton précontraint.
3. Le fonctionnement mécanique. Les ponts sont classés suivant les dispositions de leurs éléments porteurs principaux.
On distingue :
– le pont en arc, qui exerce sur ses culées des poussées tendant à les écarter ; cette formule a été la première utilisée historiquement ;
– le pont à poutre, qui n'exerce qu'une action verticale sur ses appuis ; le pont métallique du Firth of Forth, en Écosse, en est un bon exemple : il est formé de trois fléaux en acier qui dessinent deux travées de 521 m de portée chacune, lesquelles sont reliées par deux petites travées suspendues
– le pont suspendu à autoancrage, comprend de grands câbles porteurs qui exercent un effort de traction sur les massifs d'ancrage.
4. La fixité ou la mobilité du tablier. La plupart des ponts sont fixes. Les ponts mobiles sont essentiellement utilisés pour franchir une passe navigable lorsque la voie portée ne peut être surélevée suffisamment pour permettre le passage des bateaux. Les ponts mobiles sont de trois types : ponts levants, ponts tournants, ponts basculants. Ils sont généralement métalliques.
5. La disposition générale de l'ouvrage. Les ponts peuvent être droits, biais, courbes, suivant leur disposition en plan par rapport à l'obstacle à franchir.
Les principaux types de ponts
Les ponts en arc
Les ponts en arc exercent sur leurs culées des poussées tendant à les écarter, les culées étant elles-mêmes dimensionnées pour résister à cet effet. De formes très diverses, ils sont encastrés ou à plusieurs articulations. Ils peuvent être à tablier supérieur, lorsque celui-ci est situé au-dessus de l'arc, à tablier inférieur ou intermédiaire, lorsque le tablier est situé au-dessous ou dans la hauteur de l'arc.
L'emploi des premiers ponts en arc (dits aussi en voûtes) a été développé par les Romains, qui ont inventé la technique du plein cintre (citons pour exemple le pont du Gard). Cette technique est utilisée jusqu'au milieu du xviiie s. À cette époque, sous l'influence de Perronet et de John Rennie, la technique évolue de manière décisive : l'épaisseur des piles est réduite, les arcs sont surbaissés. Par la suite, les ponts en arc ne sont plus systématiquement en maçonnerie, mais également en métal et en béton.
Dans les ponts voûtés en maçonnerie, l'élément porteur est une voûte en pierre, dont le tracé intérieur est toujours proche d'un arc de cercle ou d'ellipse (plein cintre). La voûte encastrée sur ses appuis supporte la chaussée soit par l'intermédiaire d'un remblai placé entre des murs verticaux (tympans), soit par l'intermédiaire de petites voûtes (voûtes d'élégissement). P. Séjourné a fixé au début du xxe s. tous les détails sur le dimensionnement et la constitution de ce type de pont.
Les arcs des ponts en arc métalliques sont généralement articulés. Ils ont une section droite de forme simple (en I), quelquefois en caisson. Ils sont à âme pleine ou triangulée de hauteur constante ou variable.
Les ponts en arc en béton sont essentiellement en béton armé, plus rarement en béton précontraint. Seuls quelques arcs à trois articulations ainsi que des ponts à béquilles obliques ont été réalisés en béton précontraint. Les arcs en béton armé, encastrés sur leurs culées, ont en général une largeur égale à celle du tablier. Ce sont alors des voûtes tout à fait analogues aux voûtes en maçonnerie. Leur réalisation fait appel à la technique du cintre, charpente provisoire en bois.
Dans la plupart des ouvrages, le tablier est une poutre continue, qui repose sur l'arc au moyen de poteaux ou de murs verticaux en béton armé. Dans les ponts à béquilles, celles-ci étant des supports obliques qui entrent dans la géométrie de l'arc, le tablier est constitué par l'arc lui-même dans les parties horizontales de celui-ci. Dans le cas de ponts à tablier inférieur ou intermédiaire, le tablier est accroché à l'arc au moyen de suspentes métalliques.
Les ponts à poutres
Les ponts à poutres n'exercent qu’une action verticale sur leurs appuis. Ils sont constitués soit de travées indépendantes, soit de travées solidaires continues ou discontinues (cantilever), la travée étant la distance entre deux appuis. Les ponts à poutre ont des dispositions très variées suivant la constitution de leurs éléments porteurs.
Dans les ponts à poutres métalliques, ces dernières peuvent passer simplement sous chaussée, ou être placées de part et d'autre de celle-ci. Ces poutres de hauteur constante ou variable sont à âme pleine ou triangulée. Elles sont reliées transversalement par des pièces de pont répartissant les charges entre elles et par des entretoises limitant les déformations. La couverture des chaussées est en général une simple dalle en béton armé d'épaisseur constante participant ou non à la résistance du tablier. Ces ponts métalliques sont le plus souvent réalisés à l'aide de grands éléments exécutés en usine, dont l'assemblage est effectué soit par soudure en place, soit à l'aide de boulons à haute résistance.
Les ponts à poutres en béton armé sont en général constitués de poutres parallèles sous chaussée, presque toujours à âme pleine, solidarisées transversalement par des voiles en béton armé formant entretoise ; la couverture est une dalle en béton armé qui joue le rôle de membrure supérieure des poutres. Ces ponts sont coulés en place. Beaucoup de ponts à portée modérée franchissant routes et autoroutes sont de ce type.
Les ponts à poutres en béton précontraint sont calculés suivant le principe de la travée indépendante, lorsque la distance entre appuis est modérée. Pour des ouvrages plus importants, le principe retenu est celui des travées continues : dans ce cas, les poutres sont généralement constituées de caissons. Les ponts en béton précontraint sont soit coulés en place à l'aide de cintres autolanceurs, soit construits par encorbellements successifs : cette méthode permet d'ériger l'ouvrage symétriquement en porte à faux à partir des piles, par tranches successives appelées voussoirs, coulés en place ou préfabriqués, la stabilité étant assurée par la mise en tension successive des câbles de précontrainte, ancrés à l'extrémité de chaque voussoir.
Les ponts à haubans, cas particulier de ponts à poutres, connaissent actuellement un développement important. Leurs éléments porteurs sont des poutres soutenues par des câbles obliques rectilignes, disposés parallèlement ou en éventail. Leur tablier est soit métallique soit en béton précontraint. En accord avec les recherches architecturales actuelles, l'ordinateur et des méthodes de calcul adaptées permettent d'équilibrer la tension sur les haubans en cours de construction.
Les ponts suspendus
L'origine des ponts suspendus se situe au xviiie s. Mais ce n'est qu'à partir de la fin du xixe s., avec les progrès de l'industrie métallurgique et plus particulièrement le développement de l'acier, qu'ils ont connu leur véritable essor. Du fait de leur faible poids propre, le domaine des très grandes portées (supérieures à 500 m) leur est pratiquement réservé.
La structure des ponts suspendus est constituée de câbles métalliques passant au sommet de pylônes, ancrés dans des massifs (ponts suspendus classiques) ou sur les extrémités du tablier (ponts suspendus autoancrés) et supportant le tablier par l'intermédiaire de suspentes. Les câbles de suspension exercent sur les pylônes des compressions retransmises au sol par l'intermédiaire de fondations et sur leurs points d'ancrage des tractions tendant à rapprocher ces appuis d'extrémité.
L'acier est le matériau presque exclusivement utilisé : acier à très haute résistance pour les câbles de suspension, acier classique pour le tablier. Quant aux pylônes, ils peuvent être soit en acier, soit en béton armé. Les câbles porteurs se présentent sous forme de câbles toronnés obtenus en usine par torsion de fils d'acier tréfilés (méthode française) ou sont réalisés sur place par juxtaposition de fils parallèles mis en place par paires (méthode américaine). Le tablier est constitué de poutres transversales, recevant un platelage longitudinal support de la chaussée et solidarisées à leurs extrémités par deux poutres de rigidité longitudinales. Cet ensemble est conçu en fonction de trois critères fondamentaux : faible déformation verticale, résistance aux efforts dus au vent et rigidité à la torsion.
La construction des ponts suspendus ne pose pas de difficultés majeures. Les pylônes étant construits, les câbles sont mis en place, puis le tablier soutenu par les suspentes. Mais, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, il faut tenir compte de la déformation des câbles et de la vulnérabilité au vent de l'ouvrage. Ces corrections au programme sont prévues par ordinateur.
Vers une esthétique du pont
Si la construction des ponts relève essentiellement du domaine de l’ingénierie civile, du fait de la complexité de leur mise en place, certains architectes se sont intéressés à ce type de bâtis pour en fournir des formules esthétisantes. C’est en particulier le cas de l’Espagnol Santiago Calatrava, dont la première prouesse du genre est le pont Alamillo de Séville (1993), mais également d’autres d’architectes de renom, tel Britannique Norman Foster (viaduc de Millau, 2004).