gratte-ciel

(calque de l'anglais sky-scraper)

Chicago
Chicago

Bâtiment d'habitation ou de bureaux à grand nombre d'étages et à faible emprise au sol par rapport à sa hauteur.

Appelé en langue administrative I.G.H. (immeuble de grande hauteur), le gratte-ciel est une création de l'architecture américaine, et spécialement de l'école de Chicago, à la fin du xixe s. Outre une éminente fonction symbolique – édifice emblématique du triomphe de la technicité et du monde des affaires –, les gratte-ciel représentent avant tout la forme architecturale la plus caractéristique de l’architecture moderne et contemporaine.

Des techniques de pointe

Les gratte-ciel sont le fruit architectural d’une conjugaison de progrès technologiques effectués, à partir du xviiie s., dans des domaines nombreux et variés.

Citons la production d'acier, dont le pionnier est Abraham Darby (1709), l'utilisation d'une armature en fer forgé par Victor Louis, au Théâtre-Français (1786) et l’évolution des modes d'éclairage, de chauffage et d'alimentation en eau des habitations.

Le béton armé est pour sa part inventé par les Français Joseph-Louis Lambot et Joseph Monier (1849). Le Français François Hennebique dépose un brevet pour la construction d'immeubles en béton armé (1890) et construit son premier édifice en 1900 ; l'utilisation du béton armé a alors pour but de lutter contre les risques d'incendie.

L'ascenseur est dû à l'Américain Elisha Graves Otis, qui en installe un en 1857 dans un magasin new-yorkais de cinq étages ; en 1867, le Français Léon Édoux met au point un ascenseur de 160 m de course pour la tour Eiffel de l'Exposition universelle (1889).

L'air conditionné est inventé en 1911 par l'Américain Willis Carrier, mais n’est développé qu'après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les parois de verre se généralisent, rendant nécessaire son utilisation – auparavant, les fenêtres des buildings s'ouvraient.

Enfin en 1958, l'invention du verre flotté par le Britannique Alastair Pilkington permet l’édification de parois de verre de très grandes hauteurs.

Notons que les prouesses architecturales des immeubles de grande hauteur n'auraient pu être possibles sans des avancées en physique pure, telle la théorie de l'élasticité.

L'épopée des gratte-ciel

Les premiers gratte-ciel de l’école de Chicago

Les premiers gratte-ciel sont construits à Chicago, aux États-Unis, à l’occasion du vaste programme de reconstruction de la ville, dévastée par un incendie en 1871. Le premier est édifié en 1884-1885, par l’architecte William Le Baron Jenney pour la Home Insurance Company. L'immeuble a dix étages, une structure portante métallique, des murs-rideaux en briques : l'utilisation de l'acier vise à éliminer le bois (trop inflammable), tandis que l'élévation du bâtiment doit permettre de répondre au besoin urgent de bureaux en tenant compte de la cherté du terrain. Cette conception du bâti est reprise pour tous les chantiers suivants de la ville ; l’école de Chicago va devenir caractéristique de la plupart des gratte-ciel dont la construction se répand aux États-Unis.

Ainsi, William Le Baron Jenney réalise par la suite des immeubles à structure acier (Ludington Building, 1891 ; Fair Store, 1892). C'est l'époque où les architectes cherchent à alléger les gratte-ciel et où ils se livrent parallèlement une course vers les hauteurs, atteignant 22 étages et 91 m au temple maçonnique de Chicago en 1892, 47 étages et 184 m au Singer Building, à New York, jusqu'à l'Empire State Building, au cœur de Manhattan (New York), qui culmine à 381 m.

L’archétype d’un modèle culturel

Jusque vers 1930, l'esthétique des gratte-ciel est dominée par l'historicisme ; par la suite, le fonctionnalisme s'impose : la forme de l’édifice doit être l'expression de sa fonction.

Le gratte-ciel nord-américain, à structure d'acier et aux murs de verre, devient alors l'archétype triomphant, conforme à un modèle culturel, à une philosophie économique, exportée dans le monde entier. Les premiers exemples majeurs, après la Seconde Guerre mondiale, en sont, à New York, le siège des Nations unies (1952), sous la direction de l'architecte en chef Wallace Harrison, et le Seagram Building, achevé en 1958 par Ludwig Mies van der Rohe.

Malgré de nombreuses réussites, la construction du gratte-ciel correspond plus souvent à la répétition de formules éprouvées, à la recherche de la prouesse technique ou à des opérations commerciales de prestige qu'à des créations architecturales originales. Les projets les plus audacieux, tel celui de P. Rudolf pour Manhattan (1967), tentent d'ailleurs de dépasser la notion même de gratte-ciel. Plus encore, une véritable « course à la hauteur » s’est mise en place depuis l’achèvement en 1931 de l’Empire State Building de New York (culminant à 381 m) ; ainsi ont simultanément été les plus haut gratte-ciel du monde : la Sears Tower de Chicago (442 m, 1974), les Petronas Towers de Kuala Lumpur (452 m, 1998) et Taipei 101 à Taipei (508 m, 2004), jusqu’à l’érection de la Burj Dubaï de Dubaï, aux Émirats arabes unis.

Après la destruction des Twin Towers du World Trade Center (417 m et 415 m), lors de l’attentat terroriste du 11 septembre 2001, l’idée du gratte-ciel en tant qu’édifice a un temps été remis en cause aux États-Unis. Cependant, un projet de reconstruction du site, conçu par l'architecte Daniel Libeskind, consiste en l’érection de plusieurs tours de verre dominées par la Freedom Tower, un gratte-ciel aux quatre arêtes coupées en biseau qui est conçu pour symboliquement culminer 1 776 pieds (1776 étant la date de l'indépendance américaine), soit 541 m.

Parmi les exemples de constructions les plus fameux en dehors des États-Unis, citons les gratte-ciel du centre-ville de São Paulo, au Brésil, ceux du quartier d'affaires de Shinjuku, à Tokyo, ou de La Défense, à Paris. Notons que les grands architectes contemporains ont quasiment tous érigé un (ou plusieurs) gratte-ciel.