Journal de l'année Édition 1990 1990Éd. 1990

En attendant de se mesurer à Evander Holyfield, Mike Tyson a continué à pulvériser les faire-valoir qu'on lui a présentés. Le dernier en date, son compatriote Carl Williams, a tenu 93″, soit 2″ de mieux que Michael Spinks. Record à battre. Révélé en 1988, Michael Nunn a confirmé de son côté tout son talent. Face au coriace Italo-Zaïrois Kalembay, il ne lui a fallu, en effet, que 1 minute et 28 secondes pour faire la décision et ceindre la couronne des moyens version IBF. L'Amérique venait de se trouver un nouveau héros.

Le génie du noble art

Ray Sugar Robinson, l'un des plus grands artistes du ring, grâce à qui la boxe peut être qualifiée de « noble art », s'est éteint le 12 avril au centre médical Brotman à Culver City en Californie, où il avait été transporté d'urgence. Il souffrait depuis plusieurs années de la maladie d'Alzheimer, qui se caractérise par une longue et inéluctable dégénérescence.

Né le 3 mai 1920 à Détroit, de son vrai nom Walker Smith, il attrape le virus de la boxe dès l'âge de 16 ans. Après 86 combats amateurs sans défaite et deux titres au « Golden Gloves » en 1939 et 1940, il aligne 40 succès avant de connaître son premier échec en 1943, devant le « taureau du Bronx », Jack La Motta. Le 20 décembre 1946, il réalise enfin son rêve, être champion du monde. Chez les poids welters, il bat, en effet, son compatriote Tommy Bell. Il passe ensuite dans la catégorie des moyens. Il y gagne la couronne suprême le 14 février 1951, en mettant K.-O. à la 13e reprise ce même Jack La Motta. L'annonce de sa victoire en fait un héros. Toujours plus ambitieux, il s'attaque en juin 1952 au tenant du titre des poids mi-lourds, Joe Maxim, mais, pesant 9 kilos de moins que son adversaire, il échoue. Découragé, il décide de prendre sa retraite et devient danseur de claquettes. Connaissant des ennuis d'argent, il recommence à boxer en 1955 et reconquiert, le 9 décembre, son titre mondial des moyens en infligeant un sévère K.-O. dès le 2e round à son compatriote Carl « Bobo » Oison. C'est alors un véritable chassé-croisé : il perd sa ceinture début 1957 devant le mormon Gene Fullmer, la lui reprend peu après, et la cède de nouveau en septembre à Carmen Basilio qu'il domine une dernière fois aux points en mars 1958. Ne défendant pas son bien, la NBA (National Boxing Association) le déchoit et, malgré quatre autres tentatives, il ne parvient pas à renouer avec le succès. Si bien que le 10 décembre 1965, juste un mois après son ultime combat (une défaite aux points contre Joey Archer) et à l'âge de 45 ans, il raccroche les gants pour de bon.

En vingt-cinq ans de carrière, ce géant du ring a enregistré 181 victoires dont 109 par K.-O., pour seulement 12 défaites, 8 matches nuls et 1 no contest. Il possédait à la fois le punch, « ce don du ciel », et une vitesse d'exécution qui lui permettait de toucher juste. La pureté de son style, l'égalité de son jeu de jambes lui valurent une popularité immense. Fameux pour sa boxe élégante et racée, il avait aussi le panache. Grâce à lui, la boxe était véritablement le noble art. Avec son sourire éclatant et sa Cadillac framboise, sa seule entorse au bon goût, il était entré dans la légende de son vivant. Adieu, l'artiste.

Les combats des Français aux championnats du monde

Super welters WBC (Grenoble, 11 février) : René Jacquot (F) b. Don Curry (É-U), aux points.

Supercoqs IBF (Limoges, 10 mars) : Fabrice Bénichou (F) b. José Sanabria (Ven.), aux points.

Lourds-légers WBA (Casablanca, 26 mars) : Taoufik Belbouli (F) b. Michael Greer (É-U), par arrêt de l'arbitre à la 8e reprise.

Supercoqs IBF (Frosinone, Italie, 10 juin) : Fabrice Bénichou (F) b. Frans Badenhorst (A du S) par K.-O. à la 5e reprise.

Superwelters WBC (Parc Mirapolis, Cergy-Pontoise, 8 juillet) : John Mugabi (Ouganda) b. René Jacquot (F), par K.-O. technique à la 1re reprise.

Supercoqs IBF (Bordeaux, 7 octobre) : Fabrice Bénichou (F) b. Ramon Cruz (PR), aux points.

Jacquot, le Rocky français

Incroyable, mais vrai, vingt-neuf ans, sept mois et trois jours après la défaite d'Alphonse Halimi contre Joe Beccera (K.-O. 8e), un titre mondial de boxe est revenu à un Français et seulement pour la quatrième fois depuis l'après-guerre. Là où vingt-neuf de ses compatriotes bien plus doués que lui au départ ont échoué, René Jacquot a réussi. Inconnu du grand public, délaissé par les médias malgré son sceptre européen, il se présente devant la presse avec son franc-parler, comme un boxeur « droit », ardent défenseur de valeurs si souvent galvaudées dans son propre milieu. Son histoire ressemble à s'y méprendre à celle de « Rocky ». Au petit gars qui débute au bas de l'échelle, connaît le chômage puis la misère avant de réussir grâce à une foi indéfectible en ses moyens, auxquels il est le seul à croire. C'est le premier aspect du film de Sylvester Stallone. Tout ce scénario, il le suit à la lettre, et l'achève avec succès face à Don Curry, l'un des plus grands pugilistes de la décennie, devenu au fil des années un « Cobra » déplumé. Lors du championnat du monde qui oppose les deux hommes, René Jacquot fait preuve de patience, attend son heure et mise sur sa condition physique, qu'il sait supérieure à celle de l'Américain. On attend les fameux jabs du gauche de Don Curry, on apprécie ceux du Français, ses uppercuts de près aussi. À la 11e reprise, la star déchue s'accroche, frôle le naufrage. Incapable d'esquisser le moindre geste, elle implore du regard la mansuétude de son challenger. Le coup de gong retentit, c'est terminé. René Jacquot est enfin champion du monde. Son triomphe est celui du courage, de la persévérance et d'un sacré caractère. Et bien qu'il cède quelques mois plus tard, sur blessure, son titre à l'Ougandais John Mugabi, vainqueur sans donner un seul coup de poing, le voilà maintenant entré dans l'histoire pour avoir brisé net un mythe vivant de la boxe internationale.

Palmarès

Né le 28 juillet 1961 à Toul (Meurthe-et-Moselle).