Le Britannique Lawson a formulé en 1957 les conditions auxquelles la fusion thermonucléaire peut produire plus d'énergie qu'il n'en est consommé pour l'amorcer. Le produit de la densité du plasma par le temps de confinement de l'énergie, ou temps de refroidissement — il mesure la vitesse à laquelle le plasma se refroidit si on interrompt son chauffage —, doit dépasser un certain niveau. Il faut aussi que la température excède un seuil proche de 100 millions de degrés. La température et le produit de Lawson ne sont d'ailleurs pas indépendants et, dans la région pratiquement accessible, ils varient en raison inverse l'un de l'autre. Aussi le Français Paul Rebut, qui a dirigé la construction du JET, préfère-t-il considérer le triple produit de la température (en degrés) par la densité (en nombre de noyaux par mètre cube) et par le temps de refroidissement (en secondes). Ce produit doit dépasser 5 . 1028 (cinq suivi de vingt-huit zéros).
Conception originale
Au stade actuel, le JET a permis d'obtenir un temps de refroidissement de 0,3 seconde et une densité de 3 . 1019 noyaux par mètre cube — c'est la densité... d'un bon vide, de l'ordre du millionième d'atmosphère. Quant à la température, obtenue par le seul passage du courant électrique dans le plasma, elle n'est que de 18 millions de degrés. En termes de triple produit, on est encore loin du seuil — il reste à gagner un facteur 300. Cela permet déjà au JET de surclasser le TFTR, en raison de sa taille plus grande et d'une conception originale de la chambre annulaire, dont la section n'est pas circulaire, mais a la forme d'un D majuscule. Cette innovation améliore la stabilité du plasma et, à volume constant, diminue sa surface. Or on peut grossièrement considérer que réchauffement du plasma est proportionnel à son volume, tandis que les pertes d'énergie varient comme la surface. Ce qui explique que les progrès, en matière de tokamaks, aient surtout consisté à augmenter la taille des machines, puisque un doublement des dimensions double le rapport du volume à la surface.
Le JET n'a pas encore atteint le champ magnétique maximal pour lequel il est conçu (3,5 teslas). Cette seule obtention devrait permettre de tripler la densité et le temps de refroidissement. Et, à partir de l'automne 1984, des moyens additionnels de chauffage entrent en service. D'abord un système d'injections d'atomes à grande vitesse, dont l'énergie cinétique est transmise au plasma et l'échauffé. Ensuite un chauffage par hyperfréquences — des antennes installées dans la chambre annulaire émettent des ondes que le plasma absorbe. En 1987, on devrait ainsi pouvoir dépasser les 50 millions de degrés.
Deutérium-tritium
À cette époque, le JET sera alimenté en deutérium (hydrogène lourd) dont les noyaux peuvent fusionner, contrairement à ceux de l'hydrogène usuel, actuellement utilisé. Il y aura quelques fusions, qui produiront un échauffement supplémentaire qu'il est important de mesurer. Mais il y aura aussi apparition d'une faible radioactivité. Enfin, en 1988 ou 1989, le JET devrait être rempli de deutérium et de tritium (hydrogène super-lourd). Les fusions seront beaucoup plus abondantes et produiront éventuellement assez d'énergie pour que soient atteintes les conditions d'auto-entretien. Mais la radioactivité sera intense, et le JET n'est pas à même de la supporter longtemps. Il sera bientôt mis hors service, et ce sont des machines futures, conçues pour utiliser le mélange deutérium-tritium, qui permettront d'étudier les problèmes de tenue au rayonnement et de récupération d'énergie.
Ces machines feront appel à de nouvelles techniques, étudiées sur des machinés moins grandes que le JET. Deux progrès notables ont été récemment faits. En novembre 1983, des chercheurs américains du Massachusetts Institute of Technology ont installé sur un tokamak une sorte de canon qui envoie dans l'enceinte de microscopiques billes de deutérium congelé. Ils ont pu ainsi brusquement augmenter la densité du plasma et atteindre une valeur record du produit de Lawson, mais la température était trop basse pour que la fusion ait lieu. De leur côté, des chercheurs soviétiques de l'institut Kourtchatov, à Gorki, ont montré au début 1984 le bien-fondé d'une technique de chauffage par hyperfréquences différente de celle qui sera utilisée au JET — laquelle dérive de travaux français. Les successeurs du JET disposeront aussi d'aimants supraconducteurs, qui fournissent des champs magnétiques plus intenses, profitant ainsi de l'expérience que va donner après 1986 le tokamak français Tore-supra, actuellement en construction à Cadarache.