À la vente de la collection Dreyfuss-Wolf, à New York, le 15 mai 1984, dix tableaux impressionnistes ont totalisé en une seule vente 11 874 000 dollars, avec un record mondial pour un Gauguin Mata Mua, enlevé à 3 850 000 dollars, et des enchères spectaculaires pour Degas (2 530 000 dollars). À cette même vente, deux statues de Maillol ont obtenu 1 100 000 dollars chacune, ce qui constitue également un record.
Et, le plus haut prix jamais atteint pour un tableau revient à William Turner avec une marine à Folkestone, vendue 7 370 000 livres, le 5 juillet, à Londres (soit 85 millions de F), ce qui bat largement le précédent record de Turner pour une Vue de Venise éblouissante de lumière, qui avait obtenu l'équivalent de 30 millions de F en mai 1980 à New York.
Lutte des géants
Avec de tels résultats et des ventes très soutenues dans le monde entier, le chiffre d'affaires de Sotheby se situe à un sommet jamais atteint : 401 millions de livres, soit 4 milliards et demi de F pour l'exercice 1983-84, avec une progression de 47 % en un an. Depuis son rachat en septembre 1983 par Alfred Taubman, le roi des supermarchés américains, Sotheby se maintient, après des difficultés financières aisément surmontées, à la tête du marché international de l'art. Derrière le géant, la vieille rivale britannique, Christie's, annonce également un chiffre d'affaires record : 350 600 000 livres, soit plus de 4 milliards de F, avec une progression annuelle encore plus forte de 53 % !
Très loin derrière les entreprises de vente anglo-saxonnes, les 80 commissaires-priseurs parisiens regroupés au Nouveau Drouot, inhibés par des contraintes juridiques et fiscales, doivent se contenter d'un chiffre d'affaires qui dépasse pour la première fois le milliard (1 035 328 471).
Avec une progression de 16 % pour l'ensemble de la France (où la part de Drouot est de l'ordre de 40 %), les 420 commissaires-priseurs obtiennent un chiffre total de 2 566 222 422 F. Ils ont adjugé près de 5 millions de lots, ce qui donne une valeur moyenne inférieure à 500 F. Après la capitale, les villes les plus actives sont Versailles (10 % de Paris), Lyon, Lille-Roubaix, Enghien, Bordeaux, Nice, Toulouse et Marseille.
La faiblesse moyenne des lots vendus indique le peu d'engouement pour le marché de l'art des acheteurs français, davantage tournés, sans doute faute de moyens financiers suffisants, vers des acquisitions utilitaires. Toutefois, parmi les résultats les plus remarquables obtenus à Drouot et en province en 1984, on retiendra notamment :
Un tableau de Paul Sérusier à 3 700 000 F (Drouot 20-VI) ; une toile de George Braque à 3 080 000 F (Drouot 25-III) ; une esquisse en sépia de Rubens à 2 550 000 F (Drouot 4-VI) ; un vase de Daum à 1 962 000 F (Drouot 15-III) ; un grand bronze de Bugatti à 1 680 000 F (Enghien 24-III) ; une aiguière en argent du xviie s. à 1 600 000 F (Drouot 26-III) ; une toile de Lucas Cranach à 1 550 000 F (Drouot 7-III) ; un secrétaire Louis XVI de Schichtig à 1 175 000 F (Drouot 15-VI) ; une tabatière à 940 000 F (Drouot 13-VI).
Mainmise étrangère
La plupart des fortes enchères prononcées en France l'ont été au profit d'acheteurs étrangers, Américains, Arabes, Suisses ou Allemands, ce qui contribue à épuiser notre patrimoine artistique.
De leur côté, les grands antiquaires reconnaissent, comme on a pu le voir à la somptueuse Biennale du Grand Palais en octobre 1984, que les amateurs étrangers sont leur principale clientèle.
Selon la Direction générale des douanes, les exportations d'œuvres d'art approchent 1 500 millions de F, en progression de plus de 20 % par an depuis 10 ans. Les principaux pays importateurs sont les États-Unis (35 %), la Suisse (27 %), la Grande-Bretagne (16 %) et le Japon (7 %). Il s'agit malheureusement d'exportations sans retour, car la fiscalité à l'entrée en France décourage les vendeurs éventuels.
Dans ces conditions, le nombre des œuvres de qualité achetées par des amateurs français est relativement limité. En revanche, le marché de la curiosité se développe, toujours en quête de nouveaux filons tels que l'art populaire, les affiches, les titres boursiers périmés (scripophilie), les voitures anciennes, les jouets et poupées, les meubles et objets de style 1950-1960, et même les créations encore plus récentes des designers.
Argenterie
Le mouvement de hausse se poursuit pour l'argenterie traditionnelle, avec des cotes aussi fortes pour les pièces provinciales et étrangères, jusqu'alors éclipsées par les maîtres orfèvres parisiens. Ascension des services xixe, surchargés d'ornements ciselés, et des pièces de style Art déco.