Parmi tant d'interprètes de premier plan, notons la présence de l'Ensemble instrumental de La Rochelle, maintenant sous la baguette du nouveau directeur du conservatoire, Philippe Nahon. Le festival le plus étonnant, toutefois, c'est celui qu'a lancé l'année dernière en Alsace l'entreprenant Laurent Bayle, distingué par le syndicat de la critique musicale et dramatique comme personnalité musicale de l'année. Plus de 20 000 spectateurs en 1983, une implantation régionale particulièrement intense, des créations mondiales qui rejoignent Schütz et Janequin...

Lorin Maazel

À Vienne, cabales et campagnes de presse ont eu raison de la patience de Lorin Maazel, actuel directeur de l'Opéra dont le mandat devait aller jusqu'en 1986, date à laquelle il sera remplacé par Klaus Drese, intendant de l'Opéra de Zurich, avec comme directeur musical Claudio Abbado. Il est vrai qu'on lui a tout reproché, comme si on voulait sa tête à tout prix : manque de professionnalisme, incompétence en ce qui concerne les problèmes administratifs, absences répétées et, surtout, une politique nouvelle, celle des séries. Vienne, en effet, est un théâtre de répertoire dans lequel on peut programmer jusqu'à soixante œuvres différentes par an. Maazel préfère les séries de représentations d'un même ouvrage, qui, selon lui, permettent un meilleur travail, même si le répertoire, de cette façon, est plus restreint. On lui en a beaucoup voulu de ne pas reprendre cette saison Don Giovanni ou Cosi fan tutte, ouvrages particulièrement prises à Vienne. Son successeur intérimaire, le Docteur Seefehlner, est revenu à l'ancien système.

Herbert von Karajan

Rien ne va plus entre Herbert von Karajan et l'Orchestre philharmonique de Berlin, dont le Maestrissimo est chef à vie. L'affaire remonte déjà à la fin de l'année 1983, avec l'engagement de la clarinettiste Sabine Meyer, un véritable coup de tonnerre au sein d'un orchestre qui n'avait, jusque-là, jamais ouvert ses pupitres à un élément féminin. La situation se détériore au point que c'est avec le Philharmonique de Vienne que le vigoureux septuagénaire se produit au festival de Salzbourg. Se greffe aussi, sur cette histoire, le licenciement de Peter Girth, intendant général de l'Orchestre, protégé de Karajan. Il semble, qu'on se dirige vers une réconciliation, puisque la Messe en « si » de Bach, qui clôture le festival de Berlin à la fin du mois de septembre, a réuni à nouveau le chef et ses musiciens.

Disques et livres

Le disque est en crise ou plutôt traverse une période de mutation. Les ventes classiques représentent encore 10 à 12 % du marché, mais on reste songeur lorsqu'on sait qu'une vente de 3 000 exemplaires est considérée comme un succès. L'arrivée et la montée en flèche du disque compact vont-elles produire une révolution semblable à celle provoquée par le microsillon au début des années 50 ? Il y a tout lieu de le penser. Le prix reste encore un obstacle (150 F environ). Mais l'encombrement réduit, la fragilité moindre du support et surtout la qualité sonore sont des arguments auxquels il est difficile de résister.

Nouvelle collection

La parution des nouveautés en microsillon ne semble pas s'être ralentie. La musique contemporaine occupe toujours la part du pauvre, mais il faut saluer les efforts. Erato lance une nouvelle collection, Points de repère, dirigée par Pierre Boulez (un disque consacré à Dufourt, Harvey, Grisey, un autre à Kurtag et Birtwistle), et enregistre Alain Bancquart (Symphonie no 1), Dutilleux (Ainsi la nuit) et Ligeti (Métamorphoses nocturnes). Harmonia Mundi, l'une des firmes françaises les plus dynamiques, qui vient de fêter ses 25 ans, consacre une place de choix à Claude Ballif et Jacques Lénot, dans sa série Musique française d'aujourd'hui, réalisée avec le concours du GRM et de l'INA.

On retrouve toujours le grand répertoire avec Murray Perahia qui termine chez CBS son étonnante intégrale des Concertos pour piano de Mozart, Martha Argerich (Schumann/Deutsche Grammophon), Rudolf Serkin et Claudio Abbado (Mozart/DG), Jean-Claude Malgoire, la Grande Écurie et la Chambre du Roy (Water Music chez CBS) et l'on redécouvre la musique française, de Couperin (les sublimes Nations chez Astrèe par l'ensemble Hespérion XX) à Albéric Magnard (Quatrième Symphonie par Michel Plasson et l'orchestre du Capitole de Toulouse). Et, même si, à Ville-d'Avray, une soirée est consacrée à Vincent d'Indy, le disque continue à l'ignorer... parmi tant d'autres.

Les rééditions se multiplient

Les témoignages irremplaçables de Manuel Rosenthal, élève de Ravel, nous reviennent grâce à Adès, ceux de Désiré Émile Inghelbrecht reparaissent chez Erato tandis que Decca, faisant la part belle à Carl Schuricht et Joseph Krips, permet aux jeunes générations de connaître la vision essentielle de l'Art de la fugue de l'immense Hermann Scherchen. C'est à travers de telles entreprises que le disque retrouve son rôle primordial de gardien de notre mémoire.

Baisse de l'engouement pour le livre musical

Le rush sur le livre musical, en revanche, semble s'être calmé, malgré un léger sursaut à l'approche de l'année 1985, l'année Bach et Händel, mais aussi l'année de la musique. Les amateurs de biographies ont déjà remarqué le Haydn de Karl Geiringer (Gallimard), Stravinsky, le compositeur et son œuvre d'Eric Walter White (Flammarion) ou les deux derniers volumes du monumental Mahler d'Henry Louis de la Grange (Fayard). Souhaitons toutefois qu'ils ne négligent pas le Varèse de Marc Bredel (Mazarine), les deux ouvrages consacrés à Glenn Gould chez Fayard (Glenn Gould, le dernier puritain, écrits réunis et présentés par Bruno Monsaingeon, et Glenn Gould, un homme du futur, de Geoffrey Payzant), et même les émouvants Carnets d'Yves Nat (La Flûte de Pan).