Sur le terrain donc, les contradictions se multiplient, non plus seulement entre chrétiens et musulmans, mais entre sunnites et Syriens, entre Palestiniens et chiites, alors que, du côté des Phalanges de Béchir Gemayel, on réclame la fin de la double occupation, syrienne et palestinienne.

L'approche de l'échéance du 26 avril 1982 (retrait du Sinaï) fait craindre aux Libanais qu'à cette occasion le Sud-Liban ne soit, comme en 1978, envahi par l'armée israélienne, qui tenterait d'y détruire définitivement l'infrastructure militaire de l'OLP, considérablement renforcée depuis juillet 1981.

La poursuite de la mission Habib va suspendre quelque temps cette opération. Le renforcement des effectifs de l'ONU au Sud-Liban (7 000 hommes de la FINUL), par l'apport d'un bataillon de 600 paras français, accepté par le Conseil de sécurité (25 février 1982), paraît devoir aussi limiter les risques d'affrontements directs. Les espoirs vont vite être déçus.

Invasion

Quatre jours après le retrait total du Sinaï par Israël (26 avril 1982), Menahem Begin décide de reprendre le bombardement des positions palestiniennes par son aviation, rompant ainsi le cessez-le-feu précaire obtenu neuf mois plus tôt avec l'OLP. Celle-ci ne riposte pas immédiatement, évitant de tomber dans l'engrenage, sans doute parce que, ailleurs dans le Nord, à Tripoli, les affrontements syro-palestiniens se sont faits plus sanglants (une soixantaine de morts entre le 6 et le 11 mai).

En Israël, au sein même du gouvernement, on reste divisé sur l'opportunité de se lancer dans une opération militaire d'envergure au Sud-Liban, préparée par le ministre Sharon et le général Eytan depuis de longs mois déjà. Il fallait une occasion. L'opération terroriste contre l'ambassadeur israélien à Londres (3 juin) en fournit le prétexte.

Après un premier raid aérien de représailles contre les camps palestiniens de Beyrouth (5 juin), qui entraîne une riposte par tirs de roquettes sur la haute Galilée, les forces israéliennes pénètrent au Sud-Liban, le 6 juin au matin. Déployées suivant trois axes (Naquoura-Tyr-Saïda, Metuela-Nabatieh, Rachaya-Jezzine), elles ont vite fait d'atteindre, dans un premier temps et sans que la FINUL puisse s'y opposer, la rivière Litani.

Le château de Beaufort est enlevé aux Palestiniens et remis aux milices chrétiennes de l'ex-major Haddad. Le Conseil de sécurité, réuni sans délai, exige un retrait « immédiat et inconditionnel ». Il n'est pas entendu. Les Israéliens investissent progressivement les positions palestino-progressistes et poursuivent leur avance vers le nord.

Beyrouth

Saïda est prise, Jezzine également, le Chouf est atteint. Au quatrième jour de l'invasion, les Israéliens occupent le quart du pays et sont arrivés à cinq kilomètres de la route Beyrouth-Damas. Les premiers affrontements terrestres ont lieu, dans la vallée de la Bekaa, avec l'armée syrienne, qui a déjà perdu plusieurs dizaines de Mig au cours de combats aériens. Damas accepte d'ailleurs le cessez-le-feu proposé par Menahem Begin (11 juin).

Les bombardements sur Beyrouth se poursuivent, tandis que les partis libanais s'efforcent de mettre sur pied un Comité de salut national (14 juin). Les appels à une cessation des hostilités et les condamnations (dont celles de la France) se multiplient.

Après quatorze jours de combats acharnés, la Résistance palestinienne se trouve désormais assiégée dans Beyrouth. Philip Habib multiplie sur place les contacts pour obtenir un cessez-le-feu entre Palestiniens et Israéliens. Une trêve précaire est réalisée (18 juin), malgré des accrochages localisés et un pilonnage intermittent mais systématique des camps palestiniens de la banlieue sud-est de la capitale, par l'artillerie israélienne.

Le bilan est déjà désastreux, fin juin. Des milliers de victimes innocentes libanaises et palestiniennes payent le prix de l'anéantissement, voulu par Israël, de l'infrastructure politico-militaire de l'OLP. Les Nations unies sont, une fois de plus, à travers l'inefficace FINUL, discréditées. La FAD syrienne a subi sa plus grave humiliation, qui ne manquera pas de rejaillir sur les dirigeants damascènes. Les gouvernements arabes voisins se sont montrés à ce point indécis et irrésolus que Yasser Arafat a pu dénoncer leur « lâcheté ».