Le premier parti à tenir congrès est le Rassemblement national des indépendants, dirigé par le Premier ministre Ahmed Osman, qui se constitue les 9 et 10 octobre 1978 et qui apparaît très vite comme le parti du roi. Il réclame cependant quelques réformes, notamment réforme agraire et réforme fiscale. Il proclame surtout sa fermeté en politique extérieure et demande qu'on applique à l'Algérie la loi du talion en cas d'attaques contre le territoire marocain.

Unanimité

Le 8 décembre, l'USFP (Union socialiste des forces populaires) ouvre son congrès, elle aussi. Elle dresse un bilan de la « démocratisation » amorcée depuis trois ans. Bilan relativement positif : il n'y a pas eu d'amnistie générale et 40 opposants (sur environ 3 000) restent encore en prison, mais le parti a désormais une presse libre, une activité politique à peu près normale, la plupart des exilés politiques sont rentrés. Malgré l'opposition d'une aile dure qui se réclame de Basri, Abderrahim Bouabib, secrétaire général, demande à l'USFP de continuer à « jouer le jeu ». Il sera suivi par les délégués, qui approuvent la politique extérieure du roi, mais demandent que la démocratisation soit poursuivie, approfondie, et que la monarchie devienne monarchie réellement constitutionnelle (et non plus présidentielle). En février 1979, Ali Yata est réélu secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (parti communiste) sur la même base de revendications sociales et de fermeté vis-à-vis de la question du Sahara occidental.

Des monarchistes aux communistes, on constate donc une grande unanimité. Le pays veut des réformes, mais reste intransigeant sur le maintien de la souveraineté marocaine au Sahara ex-espagnol, récupéré par le Maroc après la Marche verte.

Tirant, semble-t-il, les leçons de ces professions de foi, le roi, le 22 mars, change de gouvernement. Ahmed Osman démissionne et c'est Me Maati Bouabid qui devient Premier ministre et forme un gouvernement homogène. Me Maati Bouabid, ex-ministre du Travail, inscrit à l'UNFP jusqu'en 1972, a fait longtemps figure d'opposant : il a plaidé dans tous les grands procès politiques (Rabat, Marrakech, Kenitra) de 1963 à 1973. Il est proche des syndicats et il sera chargé d'engager une nouvelle politique sociale. Mais il a aussi été un des militants les plus ardents pendant la Marche verte et son nationalisme ne peut faire de doute. Pour compléter cette association à sa politique de toutes les forces vives du pays, le roi nomme, presque en même temps, un Conseil national de sécurité, composé de 10 membres, où siègent les représentants de tous les partis, y compris Ali Yata, communiste. On peut donc dire que les personnalités politiques de toutes tendances sont désormais « aux affaires », ce qui ne s'était pas vu au Maroc depuis l'indépendance.

Sursaut national

Le grand problème reste évidemment la question du Sahara occidental, qui doit se régler entre le Maroc, la Mauritanie, l'Algérie, le Polisario, sans compter la France, le Sénégal et même l'OUA. Lorsqu'il se rend à Washington, le 15 novembre 1978 (pour la première fois depuis 11 ans), le roi réaffirme la position marocaine : « Nous n'accepterons, dit-il, ni de rendre un seul pouce du territoire national ni la constitution sur notre frontière sud d'un Fathaland sahraoui qui s'installerait dans la partie mauritanienne de l'ex-Sahara espagnol. » C'est ce point de vue que le roi ira répéter à Valéry Giscard d'Estaing lors de son voyage en France, le 14 février 1979. Or, c'est vers cette solution que semblent s'orienter (au moins dans un premier temps) le Polisario et les nouveaux leaders politiques de la Mauritanie.

Les efforts de médiation française et les tentatives de négociations mauritano-sahraouies n'en seront pas facilités, même si on espère un moment à Rabat pouvoir s'entendre enfin avec Alger — puisqu'une rencontre Hassan-Boumediene, à l'automne 1978, est secrètement préparée.

La mort du président algérien, les renversements de régime en Mauritanie changent les données du problème. Surtout, les attaques sahraouies contre les territoires marocains prennent une ampleur et une violence nouvelles. Pendant tout le mois de janvier 1979, les Sahraouis déclenchent l'offensive Houari Boumediene, qui les mènera même, le 28 janvier, à occuper pendant quelques heures Tan Tan, ville incontestablement marocaine. C'en est trop !