objectif
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin médiéval, esse obiective, « être objectif ».
Philosophie Médiévale
Être universel de l'objet produit par l'intellect agent et le phantasme dans l'intellect possible.
La notion d'esse obiective apparaît à la fin du xiiie s., désignant le mode d'être particulier de l'objet dans l'intellect, produit par une activité imitative. L'être objectif est la production d'un être intentionnel, corrélat d'un être réellement présenté ou non, dont la cause est intellectuelle et non physique. L'abstraction suppose la constitution progressive d'un habitus à partir d'une induction sensible, faisant que la forme de la chose dans l'esprit est causée par la présence physique de l'objet. Elle ne permet pas de comprendre la connaissance angélique (Intelligences pures), qui ne procède pas à partir d'impressions sensibles. Bien que le problème soit déjà envisagé par Thomas d'Aquin et Henri de Gand, c'est surtout avec Duns Scot que se trouve fondée la notion d'esse obiective. Ce dernier remarque que l'universel(1), en tant que concept, ne peut surgir du phantasme car celui-ci ne le contient pas ; il doit donc être construit par l'intellect actif, à l'occasion de la présence du phantasme, en tant qu'être objectif dans l'intellect possible. L'être objectif est un concept prédicable en puissance de tout sujet, et par lui « la formalité de l'objet est constituée a priori dans la pensée, et non reçue de l'expérience »(2). La connaissance n'est pas dans l'être objectif, mais dans la relation intentionnelle qu'il permet vis-à-vis de la chose qu'il représente.
Didier Ottaviani
Notes bibliographiques
→ abstraction, forme, intensio, intentionnalité, objet, représentation, universaux
objectif / subjectif
Du latin subjecere, « mettre dessous, renfermer dans », et objecere, « jeter ou placer devant ».
Philosophie Générale, Philosophie Cognitive
Couple de notions opposant, lato sensu, les représentations relatives à un individu à celles qui sont réputées partagées et valables pour tous, car fondées en réalité. Stricto sensu, l'opposition distingue ce qui relève d'un sujet, c'est-à-dire d'une pensée réflexive qui s'éprouve elle-même, de ce qui appartient à l'objet considéré comme une réalité subsistante indépendamment de la connaissance qu'en prend le sujet.
Si le sens commun oppose ces termes comme le partial à l'impartial et le relatif à l'absolu, ce qui suppose préalablement la donation douteuse d'une objectivité immédiate, le problème philosophique moderne de la connaissance, tel que Descartes le détermine, consiste davantage à articuler le subjectif et l'objectif qu'à les opposer, afin de comprendre comment un esprit particulier peut parvenir à partager ses représentations. En ce sens, l'opposition est réellement fausse (il n'y a pas le subjectif versus l'objectif), mais formellement et méthodologiquement indépassable, si l'on admet que la question réside dans le mode de liaison du subjectif et de l'objectif plus que dans les termes liés. La réalité ne se saisit pas elle-même : il n'y a de constitution objective du monde que pour un sujet qui pose l'objectivité comme un problème ou une tâche. Dans la Critique de la raison pure, Kant, effectuant une « révolution copernicienne » qui inverse la relation de dépendance ontologique du sujet devant l'objet, montre que l'objectivité est d'abord une construction du sujet selon les formes a priori de l'expérience en général(1). Tout processus de connaissance doit donc s'accompagner d'une réflexion première du sujet connaissant, qui est en même temps la vraie règle de production de la subjectivité, acte et non chose, déterminant les conditions de l'objectivité. La critique du sujet transcendantal kantien, qui reste formel et qui ne s'éprouve pas, pose la question d'un sujet empirique, historique et culturel, qui pourrait constituer les formes de l'objectivité. Cela supposerait l'objectivation indéfinie des formes subjectives à titre de précautions méthodologiques, mais aussi d'outils heuristiques. Le cercle du subjectif et de l'objectif demande ainsi à être serré au plus près, sans être définitivement éliminable.
Raynald Belay
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Kant, E., Critique de la raison pure, Préface à la seconde édition.
- Voir aussi : Descartes, R., Méditations métaphysiques.
- Foucault, M., L'archéologie du savoir, l'Ordre du discours.
- Kant, E., Critique de la raison pure, Critique de la faculté de juger.
→ conscience, objectivation, objet, opinion, pensée, subjectif, sujet