Claude Monet
Peintre français (Paris 1840-Giverny, Eure, 1926).
Directement lié aux origines de l'impressionnisme avec sa toile Impression, soleil levant, Claude Monet domine ensuite ce mouvement qui introduit la modernité dans l'art du xixe siècle. Surnommé par Manet le « Raphaël de l'eau », il laisse une œuvre immense.
1. Enfance en Normandie
Second fils d'Adolphe Monet, négociant en tissu, et de Louise Justine, chanteuse, Claude Monet grandit au Havre, où sa famille s'installe en 1845 chez Marie-Jeanne Lecadre, une demi-sœur de son père. Celle-ci va encourager la vocation du jeune homme, qui s'exerce d'abord à la caricature.
À la mort de sa mère, en 1858, Monet quitte le lycée, qui lui a « toujours fait l'effet d'une prison », et vend ses premiers dessins. C'est à cette occasion qu'il fait la rencontre décisive du peintre havrais Eugène Boudin, le « roi des ciels » comme l'appelle Charles Baudelaire. Avec lui, il va travailler en plein air et saisit alors « ce que [peut] être la peinture ». Du Néerlandais Johan Barthold Jongkind, qu'il rencontre en 1862, il dira aussi : « C'est à lui que je dois l'éducation définitive de mon œil. »
2. Classes en Algérie
Avec l'appui de son père, Monet arrive à Paris en 1859 pour y étudier la peinture. Il n'entre pas aux Beaux-Arts, mais à l'Académie suisse, et se lie à Camille Pissarro. En 1861, il part en Algérie, dans le premier régiment de chasseurs d'Afrique. Il y fait une expérience de la lumière et de la couleur qui marquera ses recherches futures.
Atteint de pleurésie, il revient à Paris en 1862 et entre alors dans l'atelier du peintre suisse Charles Gleyre, où il travaille avec Alfred Sisley, Auguste Renoir et celui qui deviendra son proche ami, Frédéric Bazille. Grâce à ce dernier, il découvre le village de Chailly, près de Barbizon, et retourne en Normandie (Honfleur, Sainte-Adresse) ; au Salon en 1865, il expose deux marines, qui sont remarquées par la critique.
3. Exclusion du Salon
Dans la seconde moitié des années 1860, Monet se partage entre la région parisienne et la Normandie. Il travaille beaucoup (Camille, ou femme à la robe verte, 1866 ; Femmes au jardin, 1867 ; Jardin à Sainte-Adresse, id. ; Bain à la Grenouillère, 1869 ; la Plage de Trouville, 1870), en développant un style proche de celui d'Édouard Manet, avec une palette aux couleurs chaudes et éclatantes. La lumière apparaît alors en taches sans que le dessin en soit encore affecté.
À mesure que son style s'affirme, les Salons se ferment à lui et, en 1870, aucune de ses toiles n'est acceptée. Sa situation financière devient préoccupante, d'autant plus qu'en 1867 celle qui est son modèle et sa maîtresse, Camille Doncieux (qu'il épousera en 1870), a mis au monde un enfant, et que son père, depuis lors, lui coupe les vivres.
4. De Londres à Argenteuil
Pour échapper à la guerre franco-allemande, Monet se rend à Londres. Il y fait la connaissance du marchand Paul Durand-Ruel, qui commence à lui acheter ses toiles.
En 1872, il s'établit à Argenteuil, où il rejoint, entre autres, Manet et Renoir. Le groupe impressionniste est alors en gestation. Monet, qui a aménagé un bateau-atelier, s'efforce de capter les instantanés lumineux que lui livrent les rives de la Seine et la campagne environnante dans leur réalité changeante : outre la toile fondatrice, Impression, soleil levant (1872), probablement peinte au Havre, il peint notamment Régates à Argenteuil (id.), Coquelicots (1873) et le Pont d'Argenteuil (1874.).
5. Naissance de l'impressionnisme
En 1874, le photographe Nadar prend l'initiative d'accueillir dans ses ateliers de Paris, devenus libres, la première exposition du groupe de peintres indépendants auquel appartient Monet, et qui étaient systématiquement refusés aux Salons officiels. Parmi 165 toiles, 8 sont de Claude Monet, dont Impression, soleil levant. Louis Leroy (1812-1885), critique au journal satirique le Charivari, l'évoque en ces termes : « Que représente cette toile ? Voyez au livret. Impression, soleil levant. Impression j'en étais sûr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l'impression là-dedans. »
Le journaliste avait intitulé son article : « L'exposition des impressionnistes », et le nom resta au groupe dont Monet apparut d'emblée comme le chef de file.
6. La période de Vétheuil
Ainsi, l'année 1874 marque l'apogée de l'impressionnisme comme mouvement. En dépit des railleries de la critique, les peintres qui s'en réclament tiendront encore six expositions jusqu'en 1882. Monet prend part à celles de 1876, 1877, 1879 et 1880. Mais, les acheteurs étant très rares et les prix des toiles très bas, il ne peut vivre sans l'aide matérielle de ses amis Ernest et Alice Hoschedé.
Manet, qui lui achète des tableaux, lui permet aussi de s'installer en 1878 à Vétheuil, dans une boucle de la Seine. Aux vues de Paris (dont les différentes versions de la Gare Saint-Lazare, 1876-1877) succèdent alors celles de ce village, où Camille meurt en 1879, après avoir accouché de Michel, leur second fils.
Avide de reconnaissance et de réussite, Monet se présente de nouveau au Salon officiel de 1880, qui lui prend une toile, fort mal exposée. Cette année-là est aussi celle de sa première exposition individuelle, organisée par la revue la Vie moderne. Grâce aux achats que continue de faire Durand-Ruel, il peut renoncer aux Salons et faire face aux frais de déménagement, d'abord à Poissy en 1881, puis à Giverny en 1883, avec Alice Hoschedé, ses six enfants et les deux siens.
7. La plénitude de Giverny
Monet fera de Giverny le havre de paix et de bonheur dont il a toujours rêvé et dont témoignent maints tableaux où les filles Hoschedé figurent comme modèles. Dans les années 1880, il entreprend de nombreux voyages, dans le Midi (1883-1884, puis 1888), aux Pays-Bas (1886), à Belle-Île (1886), dans la vallée de la Creuse (1889). La Normandie lui inspire aussi de célèbres séries (Meules, 1888-1891 ; Peupliers au bord de l'Epte, 1891-1892 ; Cathédrale de Rouen, 1892-1898).
Mais Monet ne cesse de penser à Giverny, dont il peut enfin acheter la maison en 1890, et surtout à Alice, qu'il épouse en 1892, un an après la mort d'Ernest Hoschedé. S'il voyage encore en Norvège, à Londres et en Italie, sans oublier la Normandie (où il se met à la nature morte), c'est son jardin qui sera son ultime source d'inspiration : avec la série des Nymphéas (1898-1926), alchimie de plantes, de reflets d'eau et de lumière, l'impressionnisme confine à l'abstraction.
À Giverny, Monet accueille de nouveaux admirateurs, tel Clemenceau, qui l'amènera à léguer ses Nymphéas à la France. Il vend désormais ses œuvres à des prix sans précédent et fait son entrée au Louvre. Mais il voit partir des êtres chers : Pissarro (1903), Renoir (1919), sa femme Alice (1911), son fils Jean (1914), dont la veuve, Blanche Hoschedé-Monet, est celle qui le veillera lorsque lui-même mourra d'épuisement.
8. Citations
« La couleur est mon obsession quotidienne, ma joie et mon tourment. »
Claude Monet
« Le motif est pour moi chose secondaire. Ce que je veux reproduire, c'est ce qu'il y a entre le motif et moi. »
Claude Monet
« Je ne connais pas M. Monet, je crois même que jamais auparavant je n'avais regardé attentivement une de ses toiles. Il me semble cependant que je suis un de ses vieux amis. Et cela parce que son tableau me conte toute une histoire d'énergie et de vérité. »
Émile Zola (Mon Salon, 1866), après avoir découvert la toile Camille, ou femme à la robe verte.