Azerbaïdjan

en azeri Azärbaycan

Nom officiel : République d'Azerbaïdjan

Carton de situation - Azerbaïdjan
Drapeau de l'Azerbaïdjan
Drapeau de l'Azerbaïdjan

État d'Asie occidentale situé dans le Caucase, l'Azerbaïdjan, baigné à l'est par la mer Caspienne, est limité au nord par la Russie, au nord-ouest par la Géorgie, à l'ouest par l'Arménie, au sud par l'Iran.

  • Superficie : 87 000 km2
  • Nombre d'habitants : 10 141 756 (2022)
  • Nom des habitants : Azerbaïdjanais
  • Capitale : Bakou
  • Langue : azéri
  • Monnaie : manat azerbaïdjanais
  • Chef de l'État : Ilham ou Ilkham Aliev
  • Chef du gouvernement : Ali Asadov
  • Nature de l'État : république à régime présidentiel
  • Constitution :
    • Adoption : 12 novembre 1995
    • Entrée en vigueur : 27 novembre 1995
    • Révision : août 2002, mars 2009, septembre 2016
Pour en savoir plus : institutions de l'Azerbaïdjan

STATISTIQUES : DÉMOGRAPHIE

  • Population : 10 141 756 hab. (2022)
  • Densité : 109 hab./km2
  • Part de la population urbaine (2023) : 58 %
  • Structure de la population par âge (2023) :
    ● moins de 15 ans : 22 %
    ● 15-65 ans : 70 %
    ● plus de 65 ans : 8 %
  • Taux de natalité (2023) : 12 ‰
  • Taux de mortalité (2023) : 6 ‰
  • Taux de mortalité infantile (2023) : 8 ‰
  • Espérance de vie (2023) :
    ● hommes : 71 ans
    ● femmes : 76 ans

L'Azerbaïdjan, dont la population a doublé entre 1959 et 1989, est en passe d'achever sa transition démographique. La famille élargie, avec ses valeurs traditionnelles, reste le fondement de la société et joue un rôle dans le clientélisme qui caractérise les relations sociales. Bakou, la capitale, est la grande ville du pays, loin devant Gandja et Soumgait.

STATISTIQUES : ÉCONOMIE

  • GÉNÉRALITÉS
  • PNB (2022) : 73 milliards de dollars
  • PNB/hab. (2022) : 5 660 dollars
  • PNB/hab. PPA (2022) : 16 630 dollars internationaux
  • IDH (2021) : 0,745
  • Taux de croissance annuelle du PIB (2022) : 4,6 %
  • Taux annuel d'inflation (2022) : 13,9 %
  • Structure de la population active (2021) :
    ● agriculture : 34,2 %
    ● mines et industries : 15,4 %
    ● services : 50,4 %
  • Structure du PIB (2022) :
    ● agriculture : 4,8 %
    ● mines et industries : 55,9 %
    ● services : 39,3 %
  • Taux de chômage (2022) : 5,5 %
  • Tourisme
  • Recettes touristiques (2020) : 340 millions de dollars
  • Commerce extérieur
  • Exportations de biens (2022) : 40 868 millions de dollars
  • Importations de biens (2022) : 13 509 millions de dollars
  • Défense
  • Forces armées (2020) : 82 000 individus
  • Dépenses militaires (2022) : 4,5 % du PIB
  • Niveau de vie
  • Incidence de la tuberculose pour 100 000 personnes (2022) : 68
  • Part en % des richesses détenues par les 10 % les plus élevés (2021) : 56,6 %
  • Part en % des richesses détenues par les 50 % les moins élevés (2021) : 2,6 %
  • Dépenses publiques d'éducation (2022) : 2,9 % du PIB

Le pétrole et le gaz (gisements ACG et Shah-Deniz de la mer Caspienne) contribuent pour plus de la moitié au PIB, qui a connu une croissance de plus de 10 % par an entre 2002 et 2008 (jusqu'à 34 % en 2006) avant de subir une forte contraction à partir de 2010. Avec l'appel aux capitaux étrangers, l'État veut développer l'industrie non extractive, la production de gaz (projet de gazoduc transanatolien avec la Turquie à destination de l'Europe, son premier partenaire commercial), les infrastructures, les services (banque et tourisme) et l'agriculture (riz, tabac et céréales). Après la récession de 2020 induite par la pandémie de Covid–19 (- 4,3 %), l'économie retrouve une croissance estimée à 2,5 % en 2023.

GÉOGRAPHIE

Le pays est peuplé à plus de 80 % d'Azéris, musulmans. Il correspond à la plaine de la Koura et à son pourtour montagneux. L'aridité explique l'extension de l'élevage ovin, en dehors de zones irriguées (coton, vignoble, tabac). Mais les hydrocarbures (gaz et surtout pétrole) sont les atouts essentiels d'une économie qui souffre du conflit avec l'Arménie sur le Haut-Karabakh.

1. Un pays ouvert sur la mer Caspienne

L'Azerbaïdjan est situé dans la partie orientale du Caucase, qui se compose de chaînes dont les altitudes diminuent régulièrement en direction de la mer Caspienne. La zone axiale manque ; les traces de glaciation se réduisent. Le climat semi-aride, marqué par l'irrégularité des précipitations et par des amplitudes annuelles élevées, explique la rareté de la forêt sur les pentes des plis calcaires ou sur les causses dénudés ; une formation maigre de bouleaux et de pins en altitude, des associations formées d'arbustes et des pâturages dégradés par les troupeaux couvrent la zone médiane. En revanche, un beau piémont entre 1 000 et 2 000 m domine les plaines de la Koura et porte des villages peuplés d'agriculteurs. L'ensemble forme une partie du Daguestan (en turc, « le pays des montagnes »).

La dépression de la Koura, encadrée par la chaîne du Grand Caucase, au nord, et par la barrière du Petit Caucase, au sud, débouche sur la Caspienne, mer continentale et fermée n'exerçant aucune influence climatique adoucissante, d'où de forts contrastes thermiques. La Koura résulte d'une subsidence tertiaire : le fossé s'est rempli de dépôts néogènes découpés en collines et d'alluvions quaternaires, plus épaisses au confluent de l'Araxe et de la Koura. Les précipitations tombent à moins de 400 mm, et la culture exige l'irrigation. Le fond de la dépression a été longtemps le lieu de pâturage d'hiver des pasteurs du Caucase et de l'Arménie. Au versant nord, arrosé par les eaux venues de la haute chaîne caucasienne, couvert de vignobles et de vergers, s'oppose le versant du Petit Caucase, plus sec, domaine de l'élevage ovin.

Trop aride dans sa partie amont, insalubre aux approches du delta de la Koura, la plaine centrale a bénéficié d'importants travaux de mise en valeur et d'assainissement. Des canaux alimentés par le grand barrage-réservoir de Minguetchaour ont permis l'irrigation et la mise en culture (coton, céréales, plantes fourragères, vergers, vignes, tabac) de zones jadis vouées à l'économie pastorale. On distingue la steppe de Chirvan, plus cultivée, au nord de l'Araxe, et la steppe de Mougan, marquée par des sols alcalins, plus aride encore au sud du confluent. Les plateaux transcaucasiens sont, comme ceux d'Arménie, d'origine volcanique : les coulées de lave ont recouvert des massifs aplanis formés de roches primaires ou secondaires, découpées par les vallées de l'Araxe et les affluents de la Koura.

Le littoral se compose de quatre secteurs : une plaine basse, étroite, rectiligne, sans ports notables au nord de la terminaison orientale du Caucase ; la presqu'île d'Apchéron, formée d'anticlinaux récents affectant les dépôts de la fin du Tertiaire, qui étaient un énorme réservoir d'hydrocarbures ; le delta marécageux de la Koura, s'avançant rapidement dans la Caspienne ; la côte et les collines du Lenkoran, au climat doux l'hiver, aux précipitations supérieures à 1 200 mm, sont productrices d'agrumes et de thé et couvertes d'une belle forêt d'essences endémiques adossée au massif de Talych, qui forme la frontière avec l'Iran. Sur le littoral, Astara et Lenkoran pratiquent la pêche ; sur les collines, une population dense a établi dans les clairières des cultures de riz et de thé. L'utilisation intensive des engrais chimiques et la salinisation affectent une partie des terres arables.

À l'ouest, l'enclave azérie du Nakhitchevan (5 500 km2), située entre l'Arménie, l'Iran et la Turquie, n'a pas de continuité territoriale avec le reste du pays, dont elle est séparée par les hauteurs du Zanguezour arménien (3 500-3 900 m). Localisée sur une partie de la dépression du moyen Araxe, à une altitude moyenne de 900 m, cette région agricole et pastorale est subordonnée à l'irrigation.

2. La population

L'Azerbaïdjan, dont la population a doublé entre 1959 et 1989, achève sa transition démographique. En 2007, le taux de natalité (18 ‰) et le taux d'accroissement naturel (1,1 % par an) restaient élevés. La mortalité infantile a sensiblement diminué (43 ‰). Comme dans le reste du Caucase, la famille élargie, avec ses valeurs traditionnelles, reste le fondement de la société et joue un rôle dans le clientélisme qui caractérise les relations sociales. La part des Azéris (environ 85 % de la population) s'est renforcée depuis le départ d'une grande partie des quelque 500 000 Arméniens que comptait jadis le pays. Constituant la principale minorité nationale, ceux-ci ont été chassés par les pogroms de Soumgait, de Bakou et de Kirovabad (aujourd'hui Gandja), au cours des années 1988-1990, dans le contexte du conflit meurtrier du Haut-Karabakh. Les Arméniens qui sont restés sont désormais concentrés dans cette région où ils constituaient déjà 75 à 80 % de la population dans les années 1980. Dans le même temps, près de 200 000 réfugiés azéris d'Arménie ont afflué en Azerbaïdjan. Il existe également des communautés azéries en Géorgie, en Russie et en Asie centrale. La part des Russes (environ 14 % en 1959, contre 5,6 % en 1989), concentrés surtout à Bakou, continue de diminuer. Les autres minorités sont constituées par les Lezghiens (171 000 en 1989), les Avars (44 000) et les Tats (environ 10 000), au nord-ouest, à la frontière du Daguestan, les Talychs persanophones au sud-est, à la frontière iranienne, ainsi que les Juifs (environ 25 000, dont 5 500 Juifs des montagnes parlant une langue iranienne). Une partie des Meskhets, Géorgiens islamisés et turcophones, déportés en Asie centrale sous Staline et interdits de retour en Géorgie, ont trouvé refuge en Azerbaïdjan au début des années 1990. La minorité kurde, en revanche, se plaint de discriminations.

3. Le pétrole : le renouveau d'un ancien secteur-clé

L'industrialisation de l'Azerbaïdjan est directement liée à l'exploitation du pétrole, la principale richesse du pays. Les affleurements de naphte dans la presqu'île d'Apchéron ont été utilisés depuis l'Antiquité à des fins domestiques et sont sans doute à l'origine du culte local du feu, au cœur du zoroastrisme. Le gisement a été mis en valeur à partir des années 1870, exporté par la voie ferrée Bakou-Tbilissi-Batoumi (1883), bientôt doublée par un pipeline. Premier centre pétrolier mondial au début du xxe s., Bakou était encore jusqu'à la Seconde Guerre mondiale le principal foyer de production et de raffinage de l'ex-URSS, avant de connaître une période de déclin continu (21 millions de tonnes en 1966, 9 millions en 1996) qui s'est répercuté sur les industries liées au pétrole (pétrochimie, matériels d'équipements), concentrées dans la capitale et sa banlieue. Alors que les autorités soviétiques considéraient ses gisements comme pratiquement épuisés et que l'Azerbaïdjan en était réduit à traiter le pétrole venu du Kazakhstan dans les trois grandes raffineries de Bakou, d'importantes réserves de pétrole et de gaz naturel offshore ont été découvertes en mer Caspienne, notamment le gisement de pétrole de Chirag-Gunechli et le gisement de gaz de Chakh Deniz. Ces immenses ressources potentielles feraient de la Caspienne la troisième réserve mondiale après le golfe Persique et la Sibérie. Pour les exploiter, l'Azerbaïdjan a fait appel aux investisseurs étrangers, occidentaux (British Petroleum, Amoco, Exxon, Pennzoil, Unocal, Agip, Elf, Total, etc.) ainsi que régionaux (Turquie, Iran, Russie). L'Azerbaïdjan est le seul État issu de l'Union soviétique producteur d'énergie qui dispose d'un accès direct au marché d'Europe de l'Ouest. L'essentiel de la production de pétrole est exportée vers la Méditerranée, par l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan. L'exploitation du gisement de gaz de Chakh Deniz a commencé en 2006 : l'Azerbaïdjan produit et exploite désormais son propre gaz. Avec la pétrochimie, les hydrocarbures représentent 80 % de la production industrielle et plus de 80 % des exportations.

Les principales productions agricoles sont les olives, les pommes de terre, les tomates, la laine. Les industries de transformation textiles (coton, tapis) et agroalimentaires sont étroitement associées aux productions agricoles. Elles animent une multitude de petits centres urbains (Cheki, Minguetchaour, Evlakh).

4. Les relations extérieures

Par la voie ferrée le reliant à Batoumi, l'Azerbaïdjan bénéficie d'un accès sur la mer Noire, tandis que le port de Bakou le met en relation avec les territoires asiatiques et, par la Volga, avec la Russie centrale.

Le Haut-Karabakh, territoire azerbaïdjanais, peuplé majoritairement d'Arméniens et enclavé en Arménie, est placé de fait sous la domination de celle-ci depuis 1993 et le conflit n'a toujours pas trouvé de solution négociée. Des divergences opposent l'Azerbaïdjan à la Russie et à certains autres États riverains à propos du statut juridique de la Caspienne (lac international ou mer fermée), qui détermine la délimitation des zones de souveraineté et, par conséquent, le droit de propriété sur les gisements (condominium sur les ressources ou droit souverain des États dans les limites des eaux territoriales).

L'Azerbaïdjan est membre d'Eurasec, communauté économique eurasienne, depuis 2000. Il appartient à l'OCS, organisation pour la coopération de Shanghai, depuis 2001. Il a fait son entrée au Conseil de l'Europe en 2001.

HISTOIRE

1. Des origines à la conquête russe

L'actuelle république constitue la partie septentrionale d'un ensemble plus vaste, correspondant à la région historique de l'Azerbaïdjan, qui recouvre également la partie nord-ouest de l'Iran. Province de la Perse achéménide, l'Azerbaïdjan (Atourpatakan ou Atropatène) tirerait son nom du général perse Atropatès qui y installa un royaume à la faveur de la conquête d'Alexandre (vers 328 avant J.-C.).

Sous la domination des Parthes, puis des Sassanides, qui imposent la religion mazdéenne et le farsi, le pays s'iranise. L'islam s'y implante au viie siècle avec la conquête arabe. Les invasions turco-mongoles, à partir des Seldjoukides, au xie siècle, y introduisent la langue turque. Tabriz devient le siège des États successifs de la région : Ilkhans mongols aux xiiie-xive siècles, hordes turcomanes du Mouton noir (Karakoyunlu) et du Mouton blanc (Akkoyunlu) au xve siècle. Résidence des princes héritiers, la ville devient au xvie siècle le principal bastion de la dynastie séfévide, qui a adopté le chiisme comme religion d'État. Le pays bénéficie du commerce de transit entre la Russie et l'Asie antérieure (ou occidentale). Mais, du xvie siècle à la fin du xviiie siècle, le territoire, qui s'émiette en une mosaïque de petits États féodaux (khanats de Chamakha, de Bakou, de Gandja, etc.), est disputé aux Séfévides par les Turcs Ottomans, qui l'occupent à plusieurs reprises. C'est au cours de l'une de ces guerres ottomano-persanes, en 1604-1605, que la population arménienne du Nakhitchevan, ancienne province de l'Arménie historique, est déplacée par le chah Abbas Ier vers Ispahan et remplacée par des tribus turques et kurdes.

En 1722, le tsar Pierre le Grand, mettant à profit la fin de la dynastie séfévide et la guerre irano-afghane, avance jusqu'à Bakou. Le traité de Gandja (1735) restitue le pays à la Perse. Un siècle plus tard, au terme d'une nouvelle série de guerres russo-persanes, l'Empire russe annexe les territoires au nord de l'Araxe, dont le cours servira désormais de frontière avec l'Iran, coupant l'Azerbaïdjan en deux (traités de Gioulistan ou Gulistan, 1813 et de Tourkmantchaï, 1828). La Caspienne, interdite aux navires de guerre persans, devient un lac russe. L'accord anglo-russe de 1907 place aussi l'Azerbaïdjan iranien dans la zone d'influence de l'empire tsariste. Les troupes tsaristes y stationnent jusqu'en 1917.

2. Or noir et mouvement national

L'extraction industrielle du pétrole de la Caspienne à partir du milieu du xixe siècle joue un rôle essentiel dans l'économie de toute la Transcaucasie. En 1900, Bakou est le premier centre pétrolier mondial, dominé par des compagnies concurrentes, d'origine étrangère, arménienne et azérie. De 1870 à 1913, la ville passe de 15 000 à 215 000 habitants, avec un prolétariat multinational, vivier des premiers groupes marxistes du Caucase qui s'en prennent notamment à la bourgeoisie arménienne, symbole commode et proche d'un capitalisme exploiteur. Lors de la première révolution russe, en 1905, la ville est le théâtre de violents pogroms anti-arméniens, suivis d'un cycle de représailles et contre-représailles, favorisées par la police tsariste comme un moyen de faire dévier les luttes sociales vers des conflits entre les communautés.

Des mouvements nationaux et progressistes se développent, autour des premiers partis politiques formés par de nouvelles élites urbaines, notamment le Moussavat (« Égalité »), parti nationaliste libéral, créé en 1912. Certains intellectuels azéris, réfugiés dans l'Empire ottoman après la révolution « jeune-turque » de 1908, participent aussi à l'élaboration des idées panturquistes ; d'autres, au mouvement constitutionnel iranien (1909-1911). L'identité du pays est tiraillée entre l'Iran, dont les Azéris partagent le passé et la religion chiite, et la Turquie, dont ils parlent la langue.

3. Indépendance et soviétisation

3.1. La république d'Azerbaïdjan (1918-1920)

La révolution russe de 1917 et l'éclatement de l'empire tsariste ouvrent une période de turbulences, propices aux affrontements entre nations. Une première tentative de gouvernement bolchevik (« Commune de Bakou », avril-juillet 1918), sous la direction de l'Arménien Stepan Chaoumian, échoue. Après l'échec d'une Fédération transcaucasienne, le parti national et libéral Moussavat proclame à Tbilissi, le 28 mai 1918, l'indépendance du premier État qui porte le nom moderne d'Azerbaïdjan.

Occupée successivement par les forces d'intervention britanniques (août-septembre 1918), puis par les Turcs qui veulent s'emparer du pétrole de Bakou (septembre-octobre) et encouragent les massacres d'Arméniens (30 000 morts), en guerre contre la République indépendante d'Arménie pour le contrôle du Karabakh et du Nakhitchevan, la république d'Azerbaïdjan est finalement soviétisée par l'Armée rouge en avril 1920. Elle y gagne les régions convoitées, mais vit désormais au rythme de l'histoire de l'URSS.

3.2. L'Azerbaïdjan au sein de la Fédération transcaucasienne (1922-1936)

L'Azerbaïdjan est incorporé à la Fédération transcaucasienne et à l'URSS (1922). Le Nakhitchevan, avec le statut de République autonome, et le Haut-Karabakh, avec celui de Région autonome, lui sont rattachés par Staline. Massacrés ou chassés, les Arméniens ne constituent plus alors que 10 % de la population (contre la moitié avant 1917) au Nakhitchevan. En revanche, dans le Haut-Karabakh, autre province (alors nommée Artsakh) de la région historique d'Arménie, ils sont restés prédominants (95 % en 1921) et ne cesseront de revendiquer, pendant toute la période soviétique, leur rattachement à l'Arménie pour préserver leurs droits nationaux et leur sécurité.

3.3. La République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan (1936-1991)

La Constitution soviétique de 1936, qui dissout la Fédération transcaucasienne et fait de l'Azerbaïdjan une République fédérée, consolide les frontières administratives intérieures. Comme dans les autres républiques soviétiques, les élites nationales sont décimées par les purges staliniennes. Les persécutions religieuses y sont sévères. La culture est mise à mal par les changements d'alphabet (arabe, latin puis cyrillique). L'Armée rouge, qui occupe l'Azerbaïdjan iranien d'août 1941 à mai 1946 et y favorise le mouvement communiste et séparatiste du parti Tudeh, échoue cependant à réunifier le pays sous la férule de l'URSS, du fait du soutien des Alliés occidentaux à Téhéran. Pendant l'ère Brejnev, l'économie parallèle et la corruption se développent et la récession économique, due au déclin pétrolier, s'aggrave.

3.4. De la question du Haut-Karabakh à la nouvelle indépendance

En 1988, la volonté des Arméniens de la Région autonome du Haut-Karabakh d'échapper à la tutelle de Bakou et d'être rattachés à l'Arménie, en remettant en cause les frontières administratives impériales, catalyse, en réaction, le réveil national azéri. Le nationalisme azéri s'est d'abord exprimé par des pogroms à répétition à Soumgait, Kirovabad et Bakou, poussant à l'exode une grande partie des Arméniens du pays, avec, en retour, un afflux de réfugiés azéris fuyant l'Arménie par crainte de représailles.

Un Front populaire est fondé en 1989, comportant une tendance radicale et islamiste, militant pour un Azerbaïdjan indépendant et réunifié, et un courant modéré et laïc, favorable à des réformes dans le cadre d'une fédération soviétique rénovée. L'intervention de l'armée soviétique à Bakou, en janvier 1990, lors de nouveaux pogroms anti-arméniens, décapite le mouvement national, qui ne reprend qu'après la tentative de putsch contre Mikhaïl Gorbatchev.

L'Azerbaïdjan proclame son indépendance le 30 août 1991, suivi par le Haut-Karabakh (2 décembre 1991), dont Bakou échoue à reprendre le contrôle. Le désengagement de Moscou, dans un premier temps, après la désintégration de l'URSS, et le retrait des troupes fédérales permettent les premières victoires arméniennes (prise de Chouchi et du corridor de Latchine créant un lien territorial avec l'Arménie, en mai 1992).

4. L'Azerbaïdjan à nouveau indépendant

Président de la République depuis septembre 1991, l'ancien chef du parti communiste Aïaz Moutalibov est chassé du pouvoir en mai 1992, à la suite de cette série de revers azéris sur le front du Karabakh. Une ère d'instabilité politique commence, liée à ce conflit désormais internationalisé et qui oppose deux principes contradictoires du droit international : droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et inviolabilité des frontières.

En juin 1992, l'élection à la présidence de la République, au suffrage universel, d'Aboulfaz Eltchibeï porte le Front populaire au pouvoir. Le nouveau président mène une politique proturque et antirusse, rejette l'adhésion à la Communautés des États indépendants (CEI) (novembre 1992) et tente de négocier des contrats pétroliers avec l'Occident. Confronté à de nouvelles défaites azéries au Karabakh, A. Eltchibeï est à son tour évincé (juin 1993) par une rébellion militaire.

Gueïdar Aliev, ancien secrétaire du parti communiste d'Azerbaïdjan, élu à la présidence de la République en octobre, apparaît comme « l'homme de Moscou » (réadhésion à la CEI en septembre 1993). Craignant une éventuelle contagion du nationalisme dans l'Azerbaïdjan iranien, il s'efforce cependant de maintenir des relations privilégiées avec l'Iran, ainsi qu'avec la Turquie. La répression contre les opposants du Front populaire marque la volonté de reprise en main de la société.

Gueïdar Aliev accepte de discuter de façon intermittente avec Erevan et les Arméniens du Haut-Karabakh, sous l'égide de la Russie et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) (Groupe de Minsk), tout en essayant de réorganiser l'armée azérie et de relancer une offensive militaire, avec l'appui de la Turquie. En 1993, de nouvelles avancées des troupes arméniennes du Karabakh, qui occupent le sud-ouest de l'Azerbaïdjan jusqu'à la frontière iranienne, ainsi que l'effervescence des Lezguiens au nord du pays et des Talychs au sud, fragilisent le président. Il résiste néanmoins à une tentative de coup d'État qui intervient au lendemain de la signature d'un nouvel accord avec les compagnies pétrolières occidentales, et dans laquelle a été évoqué le rôle de la Russie, soucieuse de garder la maîtrise de l'exploitation du pétrole et de maintenir son influence dans cette région stratégique. Une nouvelle tentative de déstabilisation du président a lieu en mars 1995.

5. Vers un pouvoir dynastique ?

Malgré l'adoption par référendum d'une Constitution de type présidentiel fort (12 novembre 1995), les conditions d'une vie politique démocratique ne sont pas remplies. Le népotisme, les pressions sur les médias et l'opposition, ainsi que les violences et les irrégularités lors des scrutins, perdurent. Lors de l'élection présidentielle d'octobre 1998, Gueïdar Aliev est réélu dès le premier tour du scrutin, mais les résultats sont contestés par les observateurs de l'OSCE et du Conseil de l'Europe.

En janvier 2001, l'Azerbaïdjan et l'Arménie font leur entrée au Conseil de l'Europe, en dépit de leur différend et de bilans mitigés en matière de droits de l'homme. Lors du référendum du 24 août 2002, les électeurs approuvent à 97 % les réformes institutionnelles prônées par le président. Le texte prévoit que le Premier ministre devient automatiquement président par intérim en cas de vacance du pouvoir. L'opposition, qui dénonce les fraudes massives observées lors de cette consultation, accuse le président de préparer l'accession au pouvoir de son fils.

De fait, après avoir été par le Parlement comme Premier ministre sur proposition de son père (août 2003), Ilham Aliev remporte sans surprise l'élection présidentielle du 15 octobre, avec 80 % des voix. Son investiture scelle officiellement la première succession dynastique dans une ex-république soviétique, quelques semaines avant le décès de son père à Cleveland (États-Unis).

Les élections législatives de novembre 2005 (prolongées en mai 2006 dans dix circonscriptions après invalidation des résultats) sont à nouveau critiquées par les observateurs, tout comme la présidentielle d'octobre 2008, boycottée par les principaux partis d'opposition faute de conditions démocratiques. Ilham Aliev qui, en 2005 avait pris la tête du parti du Nouvel Azerbaïdjan (YAP), fondé par son père en 1992, est réélu avec plus de 89 % des voix, portant à plus de quatre décennies le règne quasi-ininterrompu du clan Aliev sur le pays.

En mai 2008, un rapport américain constate la détérioration de la situation des droits de l'homme. La peine de mort a été abolie depuis 1998 et le pays a ratifié diverses conventions internationales sur les droits civils et politiques, les droits des enfants, la suppression de la torture, etc. Mais la question des prisonniers politiques, malgré des libérations successives par décrets présidentiels, reste un sujet de controverse avec le Conseil de l'Europe. L'opposition, émiettée, peine à constituer une alternative et dénonce l'absence de réelle liberté de la presse.

Le renouveau de l'islam depuis la fin du communisme est susceptible ajouter aux tensions politiques et sociales ; ce que les autorités, jouant à la fois de la laïcisation héritée de l'ère soviétique et de la place de l'islam dans l'identité nationale, mais inquiètes de l'influence des pays voisins (Turquie, Iran, monde arabe), essaient de contrôler par une politique alternant répression et tolérance.

6. Enjeux anciens et nouveaux

Ilham Aliev a axé sa campagne de 2008 sur les bons résultats économiques du pays : 35 % de croissance en 2006, grâce essentiellement aux gisements pétroliers et gaziers de la Caspienne et à la mise en service en 2004 de l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan. L'exploitation du champ pétrolier offshore Azeri-Chirag-Guneshli s'est intensifiée. Mais les retombées ne profitent pas à l'ensemble de la population. Derrière la façade d'une capitale en reconstruction accélérée, les inégalités sociales se sont creusées et la corruption reste endémique. La diversification de l'économie apparaît nécessaire (le secteur pétrolier représente 66 % de la production industrielle en 2006 contre 11 % à la fin de la période soviétique) tout comme une meilleure redistribution des richesses.

Désireux d'échapper à l'orbite russe, l'Azerbaïdjan, membre fondateur du GUAM avec la Géorgie, l'Ouzbékistan et la Moldavie, mène une politique régionale active avec les pays riverains de la Caspienne, dont le statut (mer fermée ou lac), déterminant la répartition des richesses, reste litigieux. Ses relations avec l'Iran sont compliquées du fait des rivalités sur la Caspienne, des axes d'alliance choisis respectivement et des craintes de Téhéran à l'égard du nationalisme azeri interne. Les liens avec Ankara, qui joue la carte de la solidarité des turcophones et des débouchés pour les hydrocarbures, sont privilégiés tant au plan économique, culturel, diplomatique et militaire. Ceux avec Washington sont dictés par des intérêts géostratégiques et énergétiques du grand rival de la Russie.

Depuis 2004, l'Azerbaïdjan participe à la politique européenne de voisinage. En novembre 2006, il signe en même temps que ses voisins du Caucase du Sud, un plan d'action portant sur le soutien de l'Union européenne aux réformes socio-économiques et législatives, en particulier dans les domaines des transports, de l'énergie et de l'environnement. L'UE s'est aussi engagée à aider au règlement politique du conflit du Haut-Karabakh, selon le principe du respect de l'intégrité territoriale (toutefois le plan équivalent signé avec l'Arménie prévoit, à l'inverse, le respect du droit à l'autodétermination des peuples).

Ilham Aliev poursuit la politique de négociation sous l'égide de la co-présidence tripartite (Russie, États-Unis, France) du groupe de Minsk, rencontrant régulièrement les autorités de Erevan, tout en usant parfois d'une rhétorique guerrière. Le conflit reste un élément de déstabilisation interne et externe, en raison notamment du problème des réfugiés (500 000 à 600 000) ayant fui les territoires occupés par les forces arméniennes du Karabakh, et des ingérences des puissances intéressées par la zone. Malgré la signature à Moscou en mai 1994 d'un cessez-le-feu, globalement respecté, entre Arméniens et Azéris, le conflit n'a toujours pas trouvé de solution même si depuis 2005, les contours du futur cadre de règlement politique ont été définis : statut de Haut-Karabakh, retour des personnes déplacées, garanties de sécurité, réhabilitation des territoires, normalisation des relations entre les deux pays. D'où la menace toujours possible d'un regain de tension, d'autant que la manne pétrolière a permis de décupler le budget militaire azerbaïdjanais entre 2004 et 2008.

À la suite de la crise entre la Géorgie et la Russie de l'été 2008 autour du statut de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, le président russe Dmitri Medvedev organise une rencontre entre les deux présidents Aliev et Sarkissian dans le but de leur faire signer un accord sur le non-recours à la force (novembre 2008), peut-être dans la perspective de changer le format des négociations afin d'y accroître le rôle de la Russie. Depuis, les discussions piétinent et les tensions sont récurrentes, le groupe de Minsk réitérant ses appels à la négociation et à la modération.

7. La perpétuation au pouvoir d’Ilham Aliev

En mars 2009, le président Aliev fait adopter par référendum une réforme constitutionnelle qui lève la limitation des mandats présidentiels. Déjà fort d’une très large majorité au Parlement depuis les élections de 2010, il est ainsi réélu sans difficulté pour un troisième mandat en octobre 2013 avec plus de 80 % des suffrages sans même faire campagne. Son principal opposant, Jamil Hasanli, ne recueille que 5 % des voix environ. Après avoir tenté de se mobiliser en 2011 lors de manifestations aussitôt réprimées, et subi de nouvelles intimidations, l’opposition dénonce de nombreuses irrégularités. Une contestation appuyée par les observateurs de l’OSCE qui soulignent les atteintes à la liberté d’expression (l’Azerbaïdjan étant classé au 162e rang sur 180 pays en matière de liberté de la presse par Reporters sans frontières) et le manque d’équité entre les candidats.

Aucune ouverture ne se fait jour : la répression s’abat de nouveau sur les opposants en 2014 et en novembre 2015, le président conforte encore son pouvoir à la suite de la victoire prévue de son parti (Nouvel Azerbaïdjan) aux élections législatives. En raison des restrictions qui lui étaient imposées, l’OSCE n’a pas envoyé d’observateurs et l’opposition a boycotté le scrutin.

En septembre 2016, de nouveaux amendements renforçant encore les prérogatives de l’exécutif et restreignant celles du parlement ainsi que l’indépendance de la justice – allongement du mandat présidentiel de 5 à 7 ans et droit étendu de dissolution de l’Assemblée nationale attribué au président – sont adoptés par référendum. Sévèrement critiqués par la commission de Venise, ils sont justifiés par le régime au nom de l’efficacité institutionnelle. La réforme instaure en outre une fonction de « premier vice-président » qui est confiée à la « Première dame » Mehriban Alieva.

En avril 2018, après avoir avancé la date de l’élection présidentielle, I. Aliev est reconduit à la tête de l’État avec environ 86 % des suffrages devant sept autres candidats réduits à des rôles de figurants. Boycotté par une partie de l’opposition – dont de nombreux militants sont toujours emprisonnés –, ce scrutin, qui a mobilisé plus de 74 % des électeurs selon la Commission électorale centrale, reste entaché par de « sérieuses irrégularités, une absence de pluralisme et un manque de transparence » aux yeux de la mission d’observation de l’OSCE.