le Consulat
Régime politique établi en France après le coup d'État du 18-19 brumaire an VIII (9-10 novembre 1799) et qui dura jusqu'à l'instauration du premier Empire, le 18 mai 1804.
1. Bonaparte, seul maître
Le coup d'État de brumaire an VIII, mis sur pied dès octobre 1799 par les directeurs Sieyès, Ducos et Barras et dont Bonaparte est le sabre, réussit : au terme de deux journées décisives (18-19 brumaire), le Directoire et ses assemblées (Conseils des Anciens et des Cinq-Cents) sont dissous et trois consuls provisoires (Bonaparte, Sieyès, Ducos) disposent des pleins pouvoirs pour modifier la Constitution.
Élaborée par Bonaparte, la nouvelle Constitution confie l'exécutif à trois consuls (Bonaparte, Cambacérès, Lebrun) ; en fait, le Premier consul (Bonaparte) détient seul la réalité du pouvoir : nommé consul pour dix ans par un article spécial, il est indéfiniment rééligible, et exerce un pouvoir exécutif sans limites. Les deuxième et troisième consuls (Cambacérès, qui remplace Sieyès, et Lebrun, qui succède à Ducos) ne jouent donc qu'un rôle consultatif.
La Constitution de l'an VIII crée un Conseil d'État, désigné par le Premier consul, qui a la charge de rédiger les projets de loi. Face à ce dernier, trois assemblées sont créées : d'une part, le Sénat, assemblée conservatrice, gardienne de la Constitution, qui comprend 60, puis 80 membres nommés à vie. Les 60 premiers d'entre eux sont nommés par Sieyès et Ducos. Par la suite, le renouvellement du Sénat est prévu pour être assuré par cooptation. D'autre part, deux assemblées sont instituées, qui exercent le pouvoir législatif : le Tribunat, composé de 300 membres, chargé de discuter les projets, sans pouvoir de décision, et le Corps législatif, qui votait les lois sans les discuter.
Le Corps législatif et le Tribunat sont désignés par le Sénat au moyen de « listes nationales de notabilités » établies selon un système complexe de suffrage indirect : les citoyens élisent des « notabilités communales », qui elles-mêmes élisent des « notabilités départementales », lesquelles à leur tour désignent les « notabilités nationales ». Le suffrage universel direct n'est réservé qu'aux plébiscites.
1.1. La Constitution de l'an VIII (13 décembre 1799)
Promulguée le 13 décembre 1799, la Constitution de l'an VIII est plébiscitée en février 1800 par 3 millions de voix contre 1 562 opposants. En août 1802, le Consulat est modifié par la Constitution de l'an X : le Premier consul devient consul à vie. Son pouvoir s'accroît, son Conseil privé rogne sur les responsabilités du Conseil d'État. Le Tribunat, foyer d'opposition, voit le nombre de ses députés réduit et ne se réunit plus que par sections. Le Corps législatif n'a plus de sessions régulières. Des collèges électoraux composés des 600 plus gros contribuables de chaque département remplacent les listes de notabilités. Le Premier consul, qui reçoit le droit de nommer son successeur, s'entoure d'une véritable cour. Il est « roi sans couronne ».
1.2. Ordre, stabilité, prospérité
Bonaparte se présente en réconciliateur national, et se veut au-dessus des partis : « Le gouvernement ne connaît plus de partis et ne voit en France que des Français. » Il décide ainsi l'amnistie et rend la liberté de culte aux Vendéens. Par ailleurs, il permet à un grand nombre de nobles émigrés, et à tous les proscrits des différentes époques révolutionnaires, de revenir librement en France. Sa popularité lui permet de triompher des résistances de Sieyès et de ses amis, hostiles au caractère de plus en plus personnel du pouvoir.
À l'intérieur, Bonaparte, appuyé sur la bourgeoisie, ramène l'ordre, la sécurité, la stabilité et la prospérité. L'opposition des royalistes et des Jacobins est brisée après l'attentat de la rue Saint-Nicaise contre le Premier consul (décembre 1800) ; les chouans et les vendéens sont soumis et le brigandage enrayé.
Le Concordat (15 juillet 1801) apporte l'apaisement souhaité par les catholiques. Pour le faire ratifier, Bonaparte, par une violation caractérisée de la Constitution, n'hésite pas, en mars 1802, à épurer, avec la complicité du Sénat, le Tribunat et le Corps législatif.
Le redressement financier est favorisé par la fondation de la Banque de France (13 février 1800), l’introduction du franc germinal en mars 1803 et la création d'un corps de fonctionnaires spécialisés dans la répartition et la perception de l'impôt.
L'administration locale et régionale est réorganisée par la loi du 17 février 1800, qui établit une rigoureuse centralisation : nommés par le gouvernement, maires, sous-préfets et préfets sont placés à la tête des communes, des arrondissements et des départements. Les conseils généraux de département, les conseils municipaux ou d'arrondissement n'ont dès lors plus que d'étroites compétences, essentiellement financières.
Par la loi du 18 mars 1800, une hiérarchie judiciaire composée de juges de paix, tribunaux, cours d'appel et Cour de cassation est instituée. Le recrutement des cadres de l'État est assuré par la création des lycées (1er mai 1802), et la Légion d'honneur (19 mai 1802) forme une aristocratie du mérite. Toutes ces réformes et ces créations favorisent l'établissement de la république des notables, dont la prééminence sociale est consacrée par le Code civil, promulgué le 21 mars 1804. Le Code consacre les libertés de propriété et de conscience. L'autonomie de la volonté de chaque individu est reconnue : à la base de l'édifice social, il y a l'être humain libre de ses initiatives privées. Le Code civil, compromis entre le droit romain, les anciennes coutumes françaises et le droit révolutionnaire, restera sans grands changements jusqu'à la fin du xxe s.
2. La marche à l’Empire
À l'extérieur, Bonaparte met un terme à la guerre qui depuis 1792 oppose la France révolutionnaire à l'Europe aristocratique. Tandis que les victoires de Marengo (14 juin 1800) et de Hohenlinden (3 décembre) poussent l'Autriche à signer la paix de Lunéville (9 février 1801), la Grande-Bretagne se résigne à traiter à Amiens (25 mars 1802). C'est la paix générale, après quelque dix années de guerre.
Mais la réorganisation de la Suisse (acte de médiation du 19 février 1803) et de l'Allemagne (recez du 25 février 1803) par le Premier consul et les tentatives d'expansion coloniale de la France (Inde, Saint-Domingue) provoquent la rupture de la paix d'Amiens par la Grande-Bretagne (16 mai 1803).
Outre la reprise des hostilités, un évènement précipite la transformation de la république des notables en une dictature, du Consulat en une monarchie impériale ; le complot anglo-royaliste ourdi par Cadoudal, Moreau et Pichegru (février 1804) suivi par l'exécution du duc d'Enghien (mars). Le chef chouan Cadoudal, aidé du général Pichegru, a fomenté un complot. Le but : enlever et au besoin tuer le Premier consul ; établir avec l'aide du général Moreau un gouvernement provisoire auquel viendrait se joindre un prince français. Mais Moreau a tergiversé, et la police a découvert le complot. Cadoudal, arrêté, est guillotiné ; Pichegru se suicide et Moreau est exilé. Bonaparte croit, ou feint de croire, que le duc d'Enghien est le prince attendu des conjurés. Il le fait enlever en territoire étranger : le duc est fusillé, de nuit, le 21 mars 1804, dans les fossés du château de Vincennes.
Bonaparte soutient que les royalistes, en voulant l'éliminer, visaient à restaurer le roi. Il a fait savoir au comte de Provence, prétendant au trône, qu'une restauration ne se ferait qu'au prix du sang. Obtenir la couronne, c'est, selon Bonaparte, réaffirmer aux royalistes et aux rois de l'Europe que la République vivra à jamais.
Le Sénat, sollicité, offre la dignité impériale au Premier consul ; celui-ci obtient du pape Pie VII d'être sacré à Paris, le 2 décembre 1804. Par ce sacre, Napoléon accomplit la « seconde mort » de la monarchie des Bourbons. Volonté divine, volonté populaire : l'Empire est plébiscité par les Français. Napoléon se veut le « roi du peuple », non celui d'une aristocratie.