la Terreur
Nom donné à deux périodes de la Révolution française : la première Terreur (10 août-20 septembre 1792) et la seconde Terreur (5 septembre 1793-28 juillet 1794).
1. La première Terreur (10 août-20 septembre 1792)
Après la chute des Tuileries et la formation d'un Conseil exécutif provisoire de six membres, l'Assemblée législative déconsidérée doit s'incliner devant la Commune insurrectionnelle de Paris, qui, inspirée par Robespierre, surveille les autres autorités.
La plupart des mesures prises par la Législative le sont sous la pression de la Commune : suspension du roi, autorisation donnée aux municipalités d'opérer des visites domiciliaires et de procéder aux arrestations, création d'un tribunal extraordinaire (17 août), bannissement des prêtres réfractaires, suppression des ordres enseignants et hospitaliers. À Paris, environ 3 000 suspects sont emprisonnés. La peur du « complot aristocratique », l'inquiétude grandissante devant l'invasion prussienne et l'exacerbation des passions populaires provoquent alors les massacres de Septembre.
Cette première Terreur, qui coïncide avec l'époque des élections à la Convention (90 % des électeurs s'abstiendront de voter), prendra fin avec la victoire de Valmy.
2. La seconde Terreur (5 septembre 1793-28 juillet 1794)
Après la chute des Girondins, sous la domination des Montagnards, la Terreur vise à assurer la défense de la nation contre les ennemis de l'extérieur (→ première coalition) et intérieurs (→ guerre de Vendée, insurrections fédéralistes et royalistes).
2.1. Les instruments de la Terreur
La Terreur se développe par étapes, depuis la création du Tribunal révolutionnaire, le 10 mars 1793, jusqu'à la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794) qui en aggrava le caractère.
Créés le 21 mars 1793, les comités de surveillance chargés, sous le contrôle du Comité de sûreté générale, de l'arrestation des suspects, voient leurs pouvoirs accrus après le vote de loi des suspects, le 17 septembre 1793. Les suspects sont traqués, les condamnations se multiplient, de nombreux Girondins sont exécutés.
Outre le Tribunal révolutionnaire nommé par la Convention, des tribunaux révolutionnaires fonctionnent aussi en province. Les commissions militaires créées dans les régions de guerre civile (en Vendée, notamment) pratiquent elles aussi une justice expéditive : suppression du jury d'accusation et du recours en cassation, simple constatation d'identité et prononcé de la peine de mort à l'encontre des rebelles, des émigrés et des prêtres déportés revenus sur le territoire de la République.
2.2. Répression des délits économiques et idéologiques
En province, la rigueur de la répression dépend surtout de la personnalité de ceux qui sont chargés de l'appliquer et de la force des mouvements contre-révolutionnaires dans la région. Ainsi, à Lyon, où a momentanément triomphé l'insurrection royaliste, les représentants en mission Fouché et Collot d'Herbois se montrent implacables (un décret de la Convention a d'ailleurs donné l'ordre de raser la ville ; 2 000 suspects sont exécutés). À Nantes, Carrier fait noyer dans la Loire, sans jugement, au moins 2 800 suspects.
Les délits économiques, accaparement de denrées ou de métaux précieux, fraude de la loi sur le maximum, refus d'accepter les assignats – et c'est en cela que l'on peut parler de terreur économique –, peuvent être à l'origine de la comparution devant le Tribunal révolutionnaire. Cependant, ce sont surtout les délits idéologiques qui conduisent à la généralisation de la Terreur : les prêtres réfractaires ou constitutionnels, ceux qui les protégent ou qui simplement suivent leur culte sont pourchassés.
Avec Robespierre, au début de 1794, la Terreur, étendue à toute la France par les représentants en mission, s'accompagne de strictes mesures de contrôle économique et d'une déchristianisation générale. Les biens séquestrés des suspects doient être distribués aux indigents (décrets de ventôse, février-mars 1794). Les hébertistes (→ Jacques Hébert) et les indulgents sont éliminés.
2.3. La « Grande Terreur »
À compter d'avril 1794, la Terreur entre dans une nouvelle phase : le décret du 27 germinal an II (16 avril 1794) dépossède les tribunaux révolutionnaires de province de leurs pouvoirs, au profit de celui de Paris ; la répression est encore accentuée par la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794) qui supprime la défense et l'interrogatoire préalable des accusés et ne laisse au tribunal que le choix entre l'acquittement et la mort.
Cette aggravation est due au climat d'inquiétude provoqué par la situation militaire et les conspirations contre-révolutionnaires. Mais elle exaspère bon nombre de citoyens, surtout après la victoire de Fleurus (26 juin 1794). Les exécutions publiques, si elles frappent l'imagination des foules, deviennent alors d'autant plus insupportables qu'elles paraissent moins justifiées. Les excès de la Terreur constituent une des causes – mais non la seule –, de l'isolement du gouvernement révolutionnaire en thermidor an II.
Entre juillet 1792 et juillet 1794, il y a de 100 000 à 300 000 arrestations et peut-être 35 000 à 40 000 morts ; 16 594 morts (chiffre sûr, celui-là) sont ordonnées par les différents tribunaux révolutionnaires. La grande vague se situe entre le 10 juin et le 21 juillet 1794, après les lois de prairial : 2 554 condamnations à mort en six semaines, dont celle du poète André Chénier ; 52 % des condamnations capitales sont prononcées dans l'Ouest et 19 % dans le Sud-Est, c'est-à-dire dans les régions de guerre civile ; 16 % à Paris. Il semble que les faits idéologiques (agitation des prêtres réfractaires, surtout) aient motivé 19 % des condamnations, les faits économiques (accaparement de denrées et viol de la loi sur le maximum, surtout) 1 % seulement (mais de nombreux emprisonnements). Huit condamnés sur dix sont des ci-devant membres du tiers état (trois sur dix des sans-culottes), un sur dix est un noble (contrairement à une imagerie largement répandue) : « En pareille lutte, les transfuges suscitent moins de ménagement que les adversaires originels » (Georges Lefebvre).
3. Les autres terreurs
Après thermidor, la Terreur est appliquée aux anciens robespierristes et réappaît périodiquement, y compris dans la législation d'exception, jusqu'en 1799, appliquée aux royalistes et aux Jacobins, parfois simultanément ; mais elle a perdu son caractère populaire. Puis l'usage s'instaure d'appeler « terreur » toute répression exceptionnelle, y compris les terreurs contre-révolutionnaires ou terreurs blanches.