« Nous ne sommes que des hommes et par là même incapables d'apporter la solution définitive ou absolue à tous nos maux », répond le grand maître de la GLDF. « Mais ce que l'institution maçonnique peut nous donner, c'est d'abord un lieu, situé dans l'espace et dans le temps, un cadre formé par sa tradition et ses rites, où des hommes libres et de bonne volonté peuvent se retrouver, dialoguer et, pourquoi pas, communiquer ou communier dans une même quête. »
La franc-maçonnerie ne saurait, toutefois, se confondre avec une religion particulière, se soumettre à une Église ; d'ailleurs les francs-maçons peuvent pratiquer la religion de leur choix ou n'en pratiquer aucune. Les sociétés de pensée qui la constituent reposent sur la tolérance réciproque et sur la liberté individuelle. À cet égard, les deux principales obédiences, dans leur continuité, sont en harmonie avec les autres voies maçonniques actives en France, notamment la Grande Loge nationale française, incarnant la tradition anglaise, d'implantation récente et comptant quelques milliers de membres, la Grande Loge féminine de France, proche du GODF, qui est dirigée depuis cette année par Pauline Salmona, et l'ordre du Droit humain, conduit par Pierre Commun, la troisième en importance parmi les organisations maçonniques et la seule qui soit mixte.
Alain Rollat
Classes moyennes
L'escalade de la grogne
Seize ans après celui de 1968, la France a vécu, à cause d'eux, un « mai à l'envers ». Eux, ce sont des petits patrons, cadres, étudiants en médecine, internes des hôpitaux, commerçants, voire policiers. Dans les défilés chauds du printemps 1983, les manifestants les plus virulents avaient troqué le bleu des travailleurs ouvriers pour le col blanc des classes moyennes. Soudainement, après deux ans de pouvoir de gauche, les porteurs de pancartes ont changé. Dans les fins de manifestations mouvementées on retrouve désormais, mêlés aux nouveaux casseurs, ceux qui, il y a peu, se dépêchaient de fermer leurs vitrines ou de protéger leurs voitures.
Renversement des rôles, d'abord accueilli avec un brin de dérision, mais qui, aujourd'hui, ne fait plus sourire. Entre les menaces de « grève de l'impôt » et le durcissement des attitudes vis-à-vis des immigrés, la montée du thème de la sécurité et la crispation du débat sur l'enseignement privé, les signes abondent d'une radicalisation profonde et durable de la France moyenne.
Front du refus
Comment en est-on arrivé là ? « Les classes moyennes ont très largement contribué à l'élection d'un président socialiste et d'une forte majorité socialiste à l'Assemblée nationale, notent trois professeurs de l'Institut d'études politiques, dans un ouvrage paru cette année (L'univers politique des classes moyennes) ; elles ont même, au moins implicitement, consenti à l'entrée des ministres communistes au gouvernement. » Ce que souligne cette intéressante étude, c'est, tout au long de la Ve République et, plus encore, durant le septennat giscardien, le rapprochement progressif, au sein d'une même « couche moyenne salariée », de la masse des cadres avec une sorte de « prolétariat intellectuel », qui irait des professeurs aux techniciens. Ceux auxquels le « savoir ne dispense dans leur activité aucun pouvoir » avaient ainsi rompu leur alliance avec les couches non salariales aux intérêts pourtant homologues — agriculteurs, commerçants, professions libérales —, espérant trouver un surcroît de reconnaissance en échange de leur soutien à une expérience de gauche, fût-elle marquée par un volontarisme égalitaire.
Pour simplifier : quitte à perdre au niveau des revenus — tendance inéluctable compte tenu des contraintes de la crise économique —, mieux valait le faire avec la gauche plutôt qu'avec la droite, la compensation promise à la clé étant, pour les classes moyennes, une meilleure affirmation de leur identité. Retournement des alliances que le président François Mitterrand n'a pas manqué de souligner, le soir du 10 mai, en saluant la réconciliation de la « majorité politique avec la majorité sociologique de la France ».