Autant de faits nouveaux, dans un domaine où l'on avait plutôt l'habitude d'assister à de rudes affrontements. Entre des associations moins virulentes et des professionnels plus ouverts, le dialogue semble aujourd'hui pouvoir enfin passer. Les frères ennemis d'antan ont en tout cas trouvé un nouveau ton.
Béatrice d'Erceville
Acheteurs plus exigeants
Jamais sans doute les consommateurs n'ont été à ce point sondés, étudiés, analysés. À partir de cette masse de données se dégage une sorte de portrait-robot du consommateur des années 80 : un personnage qui a évolué, bousculé par la crise et la baisse de son niveau de vie, à la fois plus inquiet sur l'avenir, mais combien plus réaliste et plus conscient dans ses choix quotidiens.
Circonspection
L'heure n'est plus aux achats effrénés. Le consommateur apparaît comme tendu, sur ses gardes, il engage ses dépenses avec circonspection. 64 % des Français déclarent avoir modifié leurs achats : ils fréquentent davantage les grandes surfaces, préfèrent les articles solides et durables. Les priorités ont changé : on freine volontairement certains frais, ceux liés à la culture et aux loisirs, aux vêtements, à la voiture, au chauffage... Fait caractéristique, le crédit à la consommation (utilisé le plus souvent pour acquérir des biens d'équipement) ne progresse que faiblement : 19,8 milliards de F fin 1972 et seulement 22,1 fin 1982.
Appréhensions
Le poste le moins touché par ces restrictions budgétaires demeure la nourriture. Au pays de la gastronomie, 74 % des consommateurs refusent de se serrer la ceinture. Pourtant, l'alimentation est le domaine qui suscite le plus d'inquiétudes. Les campagnes anticolorants ont laissé des traces dans l'esprit du public. On se méfie pêle-mêle des hormones, des additifs, des résidus de métaux lourds... Au nom du retour au naturel, les Français recherchent surtout des produits frais, non transformés, le plus proches possible de leur état de pureté originelle.
Mais cette tendance se double paradoxalement d'une évolution du goût bien peu naturelle : on préfère de plus en plus les saveurs neutres, les textures onctueuses, l'aspect calibré et les couleurs franches des produits issus de l'alimentation industrielle.
Les femmes apparaissent surtout sensibles à ces problèmes nutritionnels, notamment celles qui ont des enfants. Il est vrai que ceux-ci s'intéressent plus à la publicité — qu'ils adorent — qu'aux préoccupations consuméristes de leurs parents. Mais, comme l'observe 50 Millions en septembre, les livres scolaires n'offrent encore qu'une bien piètre image de la défense des consommateurs.
Mobilisation
Quant aux parents, ils ont peu à peu assimilé les leçons du bien consommer. 78 % d'entre eux estiment avoir changé : ils comparent scrupuleusement les prix, lisent les dates limites de vente, épluchent contrats et garanties, font moins confiance aux vendeurs... Plus conscients de leurs droits, ils font massivement confiance à leurs associations pour les aider à se défendre. S'ils se sentent plus mobilisables que par le passé, leurs préoccupations demeurent bien prosaïques. Ils veulent l'indication des prix des produits au litre et au kilo, la réduction de l'usage des additifs alimentaires, ils attendent la création de centres de récupération pour le recyclage des déchets, ils exigent des bouchons de sécurité pour les produits dangereux. Un consommateur bien pragmatique, décidé avant tout à ce qu'on balaie devant sa porte.
Béatrice d'Erceville
Innovations
Relever le défi
L'avenir s'écrit en tique : informatique, télématique, bureautique, robotique, productique, biotique... Un jargon de techniciens — technocrates, disent certains — et de spécialistes de toutes sortes qui devient difficile à comprendre. Comment s'y retrouver alors que l'évolution des technologies s'accélère, qu'un nouveau produit est très vite chassé par un autre, encore plus prometteur : les machines-outils à commande numérique par les robots, la télématique par la vidéocommunication, la machine à écrire électronique par les systèmes de traitement de textes. Mais ne nous y trompons pas : la société évolue plus lentement que ces technologies et nous devons prendre le temps de nous familiariser avec les innovations.