Journal de l'année Édition 1984

Du 01 janvier 1983 au 31 décembre 1983

Ça c'est passé le

Évènement

Indonésie. Suharto est réélu à la présidence de la République.

Sommaire

  • Panorama 1983-1984
    • Société

      Signe des temps, le centenaire de la mort de Marx est passé presque inaperçu. Son œuvre ne survit qu'en raison de la pénétration de l'analyse. On ne croit plus beaucoup, en 1983, aux idéologies et à leurs modèles, économiques et politiques.

    • Économie

      La reprise américaine surprend par sa vigueur. Mais ce qui a davantage surpris, c'est l'étonnante envolée du dollar. À Paris, parti à 7,30 F au début de janvier 1983, il arrivait à 8,47 F à la fin de décembre. Malgré un déficit de la balance commerciale et un déficit du budget énorme, le dollar bat donc tous les records pour cause de tension internationale et de taux d'intérêt élevés.

    • Violence

      Diplomatie armée, conflits, guerres, assassinats : les vieux démons de l'humanité ont la vie dure. La multiplication des points chauds à travers la planète et la persistance du bruit des armes en portent témoignage.

    • Culture

      Antidote, contrepoids, compensation à la violence, aux inquiétudes et au « chacun pour soi », les œuvres de l'esprit et du génie font salle comble, pulvérisent les records de fréquentation, abattent les frontières.

    • Technologies

      Si de grandes manœuvres ont lieu dans toutes les industries, à travers le monde, si des entreprises prennent l'offensive, c'est que de nouvelles batailles se livrent pour s'approprier de nouvelles technologies et pénétrer de nouveaux marchés.

  • Actualités
    • Questions en suspens : revue de presse

      Le budget de la Communauté éclate. Le soutien aux prix agricoles absorbe 70 % des 200 milliards de francs du budget.

    • Perspectives

      Les difficultés de l'industrie, l'essoufflement des créations d'emplois du tertiaire ont conduit à un chiffre moyen légèrement supérieur à 2 millions de demandeurs d'emploi en 1982.

  • France
    • Le désenchantement

      Amertume d'une partie de l'électorat communiste qui ne trouve de satisfaction ni dans la politique extérieure ni dans la politique économique, déception plus discrète de franges socialistes, mobilisation surtout d'une opposition revigorée et durcissement de l'aile droite la plus extrémiste : autant de traits qui expliquent les échecs de la majorité aux élections municipales de mars, puis tout au long du chapelet des élections partielles et du renouvellement sénatorial. Du coup, le gouvernement de Pierre Mauroy a dû faire face à une vague de grogne qui s'est traduite par des manifestations catégorielles et par une chute brutale dans les sondages. À l'aune des enquêtes d'opinion, l'état de grâce est bien loin...

    • État

      Le dérapage de certains indices qui fondaient le resserrement de la rigueur devrait logiquement imposer une poursuite du plan d'austérité. Mais, dans le même temps, les frémissements de la conjoncture internationale interpellent le ministère de l'Économie. Le danger est grand, estime-t-on, de rater les retombées de la croissance qui s'ébranle aux États-Unis.

    • Économie

      Deux tableaux, celui de l'évolution du produit national brut (PNB) dans les principaux pays industriels et celui des prix à la consommation dans les principales nations industrielles, expliquent les raisons du changement de cap du gouvernement français. Comme le rappelaient les experts de l'OCDE dans leur dernière étude économique (avril 1983) : « La politique économique mise en œuvre par le gouvernement français à la mi-81 avait pour objectif principal la lutte contre le chômage et reposait sur une stratégie de relance de l'activité. » Celle-ci fut principalement réalisée par une augmentation des prestations sociales, dont le pouvoir d'achat est passé de + 2 % en 1980 à + 5,1 % en 1981 et à + 6,7 % en 1982. Ce coup d'accélérateur eut deux conséquences immédiates : l'affaiblissement de la structure financière des entreprises, dont l'excédent brut d'exploitation, en réduction constante depuis 1970, n'est plus que de 26,1 % contre 32,6 % douze ans auparavant, et le maintien à un niveau élevé de la consommation des ménages, principal soutien de l'activité économique et de l'emploi.

    • Social

      La faiblesse du syndicalisme français, ses divisions, ont pesé comme a joué l'apprentissage encore hésitant d'un nouveau réalisme. Mais la relative paix syndicale qu'a connue la France en 1983 tient au fait que l'épreuve de vérité n'a pas encore eu lieu.

  • Société
    • La confiance quand même

      La « crise » dont on parle tant et qui n'est sans doute qu'une perception inquiète d'une accélération du changement, cette crise donc doit être relativisée. Les valeurs les plus traditionnelles continuent de se bien porter, comme le souligne le rapport général publié par un spécialiste des études d'opinion, le professeur Jean Stœzel, à l'issue d'une enquête conduite dans neuf pays par le Groupe européen d'études des systèmes de valeurs.

    • Sondages

      Comment évoluent les comportements et les mentalités ? Que pensent les Français, les Européens, de la crise et de l'avenir ? À quelles valeurs se raccrochent-ils ? Les résultats des sondages et enquêtes permettent de répondre à ces questions et de disposer, à un moment précis, de la température de la société. Voici quelques résultats valables pour 1983.

    • Culture

      En couronnant le dernier film de Jean-Luc Godard, Prénom Carmen, les jurés du festival de Venise ont peut-être voulu donner un coup de chapeau tardif à un réalisateur qui a, sans nul doute, profondément marqué le 7e art, mais semble aujourd'hui donner des signes d'essoufflement. Qu'importe. Ce Lion d'or a surtout été accueilli comme la reconnaissance d'une sorte de renaissance du cinéma français, également primé sur la lagune pour deux autres œuvres, et qui avait déjà été à l'honneur à Cannes à travers le dernier film de Robert Bresson. Les lauriers n'ont qu'une signification symbolique, mais ils peuvent, aussi, avoir des retombées psychologiques... Et, conjuguées avec les mesures nouvelles prises par le ministre de la Culture et l'augmentation, dans son budget, des dotations destinées au cinéma et à l'audiovisuel, les nombreuses révélations de l'année 1983 laissent bien augurer, en effet, d'un intéressant sursaut de notre production longtemps anémique...

    • Communication

      Les socialistes ont eu longtemps — et ont encore — un double problème avec la communication. Partis d'une conception très idéologique, voire révolutionnaire (contrôler l'information est une nécessité si l'on veut changer un tant soit peu la société), ils ont été confrontés à une opinion publique pour laquelle, en majorité, la liberté de la presse, grande conquête républicaine, doit être étendue aux médias audiovisuels. Persuadés d'autre part que leur politique est la bonne et s'impose d'elle-même aux esprits, ils ont négligé les règles modernes de la communication et laissé ce secteur en friche lorsqu'ils étaient dans l'opposition. Ils découvrent aujourd'hui qu'il n'est pas si simple de convaincre, même si l'on a (encore) ses entrées à la télévision !

    • Sciences

      Depuis une dizaine d'années, les satellites d'observation astronomique décèlent, dans la constellation des Gémeaux, une source intense de rayonnement gamma, qu'on n'a pas identifiée avec certitude à un objet visible dans d'autres longueurs d'onde. Le « candidat » le mieux placé serait une étoile de très faible éclat, repérée sur un cliché pris à l'observatoire franco-canadien de Hawaii. En attendant une identification définitive, les astronomes ont baptisé l'objet mystérieux Geminga, contraction de Gemini (Gémeaux) et Gemma, et qui, par surcroît, signifie en argot milanais : « Ça n'existe pas. » Geminga existe cependant si bien qu'il émet un rayonnement très énergétique, qui ne peut provenir que d'un astre très dense. Sa distance se situe dans une fourchette comprise entre trois et trois cents années-lumière ; il est donc proche ou même très proche du système solaire.

    • Techniques

      Partie d'outre-Atlantique, la grande vague des micro-ordinateurs continue de déferler sur la France. Nombreux sont ceux qui se passionnent pour ces petites machines qui permettent de jouer, de calculer, de dessiner, de se perfectionner en maths ou en langues étrangères et de se familiariser avec l'outil informatique, de plus en plus répandu dans tous les secteurs d'activités. Les choses bougent si vite qu'à peine sommes-nous familiarisés avec une machine qu'une nouvelle plus rapide, plus petite, plus maniable et moins coûteuse se profile à l'horizon. Entre le SICOB 1982 et celui de 1983, près de 40 micro-ordinateurs ont fait leur apparition sur le marché. Certains, comme le Sharp 1251, la Sanco TPC 8300, le Canon X07, le Texas Instrument CC40, se glissent dans un cartable. D'autres s'installent dans les foyers pour tenir les comptes du ménage et servir de compagnons de jeux, comme le T07 de Thomson, le Laser 2000, le Jupiter Ace ou le Apple II. D'autres enfin, plus performants mais plus coûteux, comme l'IBM PC ou le Goupil, aident le médecin, l'avocat ou l'agriculteur à résoudre leurs problèmes professionnels.

    • Tendances

      La crise, le chômage provoquent bien évidemment des conduites régressives. En 1983, de nouveau, on constate une augmentation de la consommation des tranquillisants, une croissance des symptômes d'angoisse, un taux plus élevé de la petite criminalité, une recrudescence du racisme.

  • Monde
    • La montée des tensions

      Ainsi, l'été 1983 aura été un nouvel été noir pour le Liban, qui se croyait promis à la paix après le traumatisme sanglant de l'invasion israélienne un an plus tôt. Mais la bataille qui ensanglante le Chouf à partir de septembre n'est qu'une reprise du vieux conflit qui déchire ce pays depuis 1975, voire depuis 1958, lorsqu'un premier débarquement américain — déjà — avait réussi à étouffer les germes de discorde.

    • Euromissiles le grand défi

      Le 12 décembre 1979, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères des quatorze États membres du système militaire intégré de l'OTAN ont approuvé le principe d'une modernisation des armes nucléaires du théâtre européen. Cette question avait été soulevée en 1977 dans le cadre du groupe de planification nucléaire et le discours prononcé le 28 octobre de la même année par le chancelier Schmidt devant l'Institut international d'études stratégiques (IISS) de Londres avait attiré l'attention sur les implications pour la sécurité de l'Europe d'une consécration de la parité stratégique entre les deux Grands. Comme les États-Unis hésiteraient à mettre en œuvre leurs systèmes d'armes intercontinentaux pour riposter à une agression contre leurs alliés européens, il convenait de corriger les asymétries existant au plan des armes nucléaires tactiques et des armements de type classique. Selon le chancelier Schmidt, les vecteurs d'armes nucléaires qui pouvaient atteindre l'Europe occidentale à partir du territoire soviétique devaient être limités dans le cadre des SALT (strategic arms limitation talks), tandis que la réduction mutuelle des forces classiques en Europe centrale faisait déjà l'objet des pourparlers, dits MBFR (mutual and balanced forces reductions), qui se poursuivaient à Vienne depuis octobre 1973.

    • Europe

      Elle surmonte au printemps les difficultés monétaires et le risque d'un éclatement du système monétaire européen, grâce à un réalignement laborieux des parités. Mais, de sommet en sommet, elle repousse les échéances, se berce de vœux pieux et de résolutions sans lendemain. Le contentieux s'alourdit avec les États-Unis et le Japon. La situation financière devient catastrophique et l'Europe entre dans l'ère des déficits. L'argent des Dix s'engloutit dans les stocks alimentaires invendables ou dans les usines en déclin de la Communauté, au lieu de s'investir dans les secteurs porteurs d'avenir. La CEE reste muette devant les problèmes de défense qui la concernent au premier chef, tandis qu'elle se révèle incapable de donner une réponse aux pays qui veulent la rejoindre et piétinent devant la porte depuis des années. Les espoirs se reportent sur 1984, comme si le renouvellement de l'Assemblée de Strasbourg était de nature à redonner à l'Europe ce souffle qui lui manque.

    • Amériques

      Les deux thèmes sont inséparables. Washington y joue un rôle clé, avec un président Reagan inflexible, persuadé de la justesse de ses théories. Sur la reprise économique, comme sur la guérilla, l'hôte de la Maison-Blanche reste sourd aux critiques, n'infléchissant sa politique que lorsqu'il y est vraiment contraint.

    • Maghreb, Moyen-Orient

      Cette guerre, en effet, avait entraîné une série de conséquences décisives.

    • Extrême-Orient, Océanie

      L'essor de l'industrialisation constitue la caractéristique la plus marquante de l'économie de ces pays, et la récession de ces deux dernières années ne peut masquer le caractère spectaculaire de leur croissance, qui réalise une performance unique pour la période de l'après-guerre.

    • Afrique noire

      Présentée, à tort, par certains censeurs comme une zone d'instabilité politique particulièrement grave, l'Afrique noire n'a guère connu que deux tentatives sérieuses de putsch. La première, qui a eu lieu le 4 août en Haute-Volta, voit, à Ouagadougou, le capitaine Thomas Sankara éliminer son aîné et supérieur hiérarchique, le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouedraogo, auquel il succède comme président de la Haute-Volta. La seconde, perpétrée le 6 octobre à Niamey par un groupe d'officiers mutins, échoue, grâce à la détermination du général Seyni Kountché, qui conserve la présidence de la République du Niger.

  • Sports
    • Le temps des défis

      Car, depuis 1851, année où le schooner America enlève la première coupe au nez et à la barbe de 15 yachts anglais amour de l'île de Wight, les challengers ont englouti des fortunes pour tenter de ravir le trophée. 20 milliards de centimes est le prix du triomphe australien qui couronne 13 années d'efforts obstinés du magnat Alan Bond, un Anglais arrivé au pays des kangourous sans un sou en poche à l'âge de 13 ans. La légende veut qu'en 1970 les Américains lui aient refusé l'accès de leur ponton à Newport. Ivre de rage, celui que l'on a surnommé le « bulldozer » aurait alors juré de revenir « prendre la foutue coupe ».

    • Disciplines

      Trois ans après les jeux Olympiques, les judokas reviennent à Moscou. Les Japonais, absents à l'époque pour cause de boycottage, en profitent pour réaffirmer leur domination, remportant quatre des huit titres mis en jeu. Ce ne sont ni Yamashita (poids lourds) ni Saito (toutes catégories) qui créent la meilleure impression, mais Nakanishi (légers), un étudiant à l'université de Tokai, éblouissant dans son travail et notamment au sol. Les Soviétiques sauvent les apparences en s'imposant, très brillamment d'ailleurs, dans les deux petites catégories, alors que les Allemands de l'Est, que l'on avait crus en recul lors des derniers championnats d'Europe, remportent deux titres, avec Ultsch et avec, surtout, la révélation de ces championnats, Andreas Preschel, 22 ans, sélectionné pour la première fois et digne héritier du légendaire Dietmar Lorenz. Pour les Français, en revanche, ce rendez-vous moscovite est décevant, puisque seul Fabien Canu (moyens) parvient à enlever une médaille d'argent.

  • Nécrologie

    Jean d'Arcy.Quand il devient directeur des programmes télévisés en 1952, la Télévision française est encore dans l'enfance : une seule chaîne, 500 000 récepteurs et le tiers seulement du territoire couvert... Il favorise le démarrage de toute une série d'émissions qui connaîtront une grande popularité, depuis La caméra explore le temps jusqu'à Cinq colonnes à la une en passant par Trente-six chandelles. Jean d'Arcy a été aussi à l'origine de l'Eurovision, dont les débuts remontent à 1954. Il quitte son poste en 1959, mais ne cesse pas pour autant de s'occuper de l'audiovisuel : ainsi, c'est lui qui a créé en 1971 la société Multivision, pour la télévision par câble. Il avait soixante-neuf ans. (Paris, le 19-1-83.)