Sous la triple bannière de la France, du Mexique et de Cuba, le Chilien Miguel Littin a donné, avec Viva el Presidente, adaptation d'un roman d'Alejo Carpentier, l'un des grands films de l'année. Trop long sans doute et n'évitant pas les redites, ce récit picaresque de la destinée d'un dictateur sud-américain du début du siècle est plein de bruit, de fureur et d'humour, et renvoie, derrière l'alibi historique, à des situations très contemporaines.

D'Espagne, le Carlos Saura de rigueur, La Madriguera, date de 1968 ; on y trouve tout l'univers du cinéaste en germe et, déjà, Géraldine Chaplin. Mais ce n'est pas son meilleur film. De Grèce, Jules Dassin a envoyé un tragique Cri de femme où l'on retrouve, avec Melina Mercouri et l'Américaine Ellen Burstyn, les clameurs des Atrides.

En Belgique, André Delvaux a donné à Marie-Christine Barrault l'occasion de tourner un superbe rôle de femme dans Femme entre chien et loup. C'est l'itinéraire d'une bourgeoise rangée qui, entre un mari collaborateur et un amant résistant, prend peu à peu, pendant et après la guerre, conscience de sa propre personnalité.

La Suisse a déconcerté avec le beau mais lent et ambigu Messidor, d'Alain Tanner, où deux jeunes comédiennes françaises (et débutantes), Clémentine Amouroux et Catherine Retoré, auto-stoppeuses sans but, deviennent, au pays du coucou et de l'ordre, des parias jugées dangereuses...

D'Angleterre, deux films seulement peuvent être mentionnés : l'étrange Cri du sorcier, de Jerzy Skolimowsky et Les amusantes 39 marches de Don Sharp, un luxueux remake du célèbre succès de Hitchcock.

À l'Est, guère de nouveau, en attendant la longue fresque de Andrei Mikhalkov-Kontchalovsky, Sibériade, primée à Cannes. Pourtant, si l'académique Accident de chasse d'Emil Lotianou peut être oublié, il faut mentionner L'esclave de l'amour, plein de charme rétro, de Nikita Mickhalkov, auteur également de Partition inachevée pour piano romantique, très tchékhovien. En revanche, si la Hongrie (sans Miklos Jancso, auquel pourtant le Festival de Cannes a tenu à rendre un hommage officiel malgré la relative déception de sa Nuit hongroise) n'a pas davantage produit d'œuvres bouleversantes, mais deux films honorables sur un mode mineur, Quand Joseph revient, de Zsot Kezdi Kowacs, et Comme chez nous, de Marta Meszaros, c'est de Pologne qu'est venue l'une des œuvres les plus intéressantes de l'année : L'homme de marbre, d'Andrej Wajda. Une austère, mais virulente dénonciation de la période stalinienne, qui restera l'un des films politiques les plus importants des dernières années. Du même Wajda, on a vu un film plus intimiste, Les demoiselles de Wilko, avec Christine Pascal.

Quant au tiers monde, il semble qu'aujourd'hui on en attende moins qu'auparavant. Une surprise, toutefois : un film antillais, Coco la fleur, malicieuse chronique d'une campagne électorale ; et la révélation du cinéma des Philippines avec Insiang, de Lino Brocka. Les observateurs attentifs guettent également aujourd'hui le cinéma australien, qui s'est surtout manifesté par un film fantastique, Patrick, de Richard Franklin. Et l'on attend désormais les productions chinoises, après la présence d'une délégation d'observateurs à Cannes.

Mauvaise année ? Certainement pas. Peu de chefs-d'œuvre, mais de très nombreux échos passionnants des problèmes de notre temps : sauf en France, où les metteurs en scène continuent trop souvent à se confiner dans un intimisme étroitement sentimental, le cinéma devient de plus en plus le reflet du monde actuel : incertain, riche en idées hétéroclites, tâtonnant, sans doute, souffrant très directement de la crise économique (sauf peut-être aux États-Unis où les budgets atteignent des sommets). Mais foisonnant encore, même dans ses semi-réussites. Le cinéma ne va pas très bien, mais il tourne, toujours, et, de-ci, de-là, donne des signes de vigueur nouvelle, outre-Atlantique surtout.

Chansons

Les femmes occupent le devant de la scène

L'affiche de la saison 1978-1979 est significative et originale sur bien des points. On retient entre autres une nouvelle offensive de la comédie musicale en France. Ce genre, très apprécié dans les pays anglo-saxons, n'a jamais eu beaucoup de chance au pays de Descartes où l'on n'accepte que rarement le mélange des genres. Mais le succès, naguère, de produits d'importation comme Hair ou Godspell a laissé plus d'un compositeur français sur ses envies. Le tout étant de se risquer dans ce genre avec prudence, c'est par le disque que le goût du public se voit testé.