Ainsi naît Starmania, premier opéra-rock franco-québécois où se conjuguent les notes de Michel Berger et les strophes de Luc Plamondon. Parue d'abord sur un double album enregistré par Diane Dufresne, France Gall et Fabienne Thibault, cette histoire de midinette et de pop-star a conquis les oreilles, mais, mise en scène à Paris au mois d'avril, a eu quelque peine à convaincre les yeux.
De même, La fugue, l'œuvre du pianiste Alexis Weissemberg qui, malgré sa bonne volonté, a eu quelque mal à se dégager de ses modèles d'outre-Atlantique. Quel sort sera réservé à l'œuvre d'Étienne Roda-Gil, Jean-Pierre Bourtayre et Jean-Claude Petit, 36 - Front populaire ? À l'écoute de l'enregistrement, dominé par la présence de Julien Clerc, on se rend compte que l'œuvre possède une force inhabituelle dans le genre. Mis en scène, les accents lyriques venus des ateliers de Billancourt et du front espagnol passeront-ils la rampe ?
Lyrisme et tendresse
Rien n'échappe au public qui se retrouve, le temps venu, dans le langage et le talent des artistes. C'est ainsi que Guy Béart conserve sa sympathie pour ses couplets tendrement prophétiques et son humour sensible. Serge Lama occupe, de janvier à avril, la vaste salle du Palais des Congrès, à Paris : les cent jours de ce Bonaparte du couplet illustrent à merveille le retour en force d'une inspiration réaliste (Femme, femme, femme, Quand je pars...), héritière de Piaf et de Brel, tout comme celle de Michel Sardou (Je vole). Certains préfèrent au lyrisme un peu empesé de ceux-ci La tendre image du bonheur telle que la conçoit Yves Duteil, troubadour délicat (Le petit pont de bois, Tarentelle), couronné d'un premier disque d'or, ou l'ironie subtile d'Alain Souchon (Toto 30 ans, Le bagad de Lann Bihoué) qui triomphe à l'Olympia au mois de janvier. Ou encore la langue faubourienne de Renaud (Laisse béton, Chanson pour Pierrot) qui rassasie les appétits exotiques naguère portés sur les accents espagnol, italien ou québécois. Ou encore la tendresse joviale du Wallon Julos Beaucarne, qui reste près d'un mois au théâtre de la Gaîté-Montparnasse à Paris, pour cause de succès. Julos a patiemment conquis ses fidèles, qui apprécient sa langue, son humour et sa douce sincérité (Mon terroir, c'est les galaxies).
L'année de la femme, la voici dans la chanson ; rarement, autant de talents auront éclos sur une même envie de prendre la parole. C'est Anne Sylvestre qui ouvre la colonne au mois de novembre, sous un chapiteau dressé aux Halles, à Paris. Anne Sylvestre, révélée en 1958, classée duchesse en sabots dans les années 60, délaissée par sa firme de disques, a remonté toute seule la pente : son répertoire marquait quelques années d'avance et c'est avec enthousiasme qu'une génération post-soixante-huitarde découvre Lazare et Cécile, Une sorcière comme les autres, J'ai de bonnes nouvelles.
À ses côtés, Anne Sylvestre trouve de nombreuses artistes féminines dont la voix porte les espoirs et les élans d'une liberté à conquérir sur des modes différents : voici Claire, qui convainc avec sa célébration du bonheur dans la lutte quotidienne (Si vous saviez comme vous êtes beaux) ; Mannick, qui réinvente un lyrisme intimiste (Je suis Ève, Un jour, il m'est venu des ailes) ; Chantal Grimm (Le piano cassé, Hymne pour les femmes) ; Isabelle Mayereau (Tu m'écris, Différence) ; Michèle Bernard (Le kiosque, Les petits cailloux). Cette arrivée en force des refrains féminins est souvent accompagnée d'une recherche musicale qui surprend agréablement : l'aisance de Mama Bea Tiekelski (Ballade pour un bébé-robot), Annkrist (Acier béton, Les prisons du monde) ou Maripol dans les sonorités électriques ou les instruments traditionnels soutient un défi naguère relevé par Catherine Lara, cette musicienne classique dont les errances dans le monde du couplet ont encore produit cette année de belles réussites (Coup de feel, Toi ma mère).
De même, le festival Pour une chanson différente, qui se tient à Paris au mois de mars, permet au public de retrouver Francesca Solleville qui, depuis des années, montre, dans un répertoire injustement occulté par les médias, que chanson et actualité se conjuguent en même temps (La grève, Sais-tu la nouvelle, Du côté de chez-moi).