Mais, comme dans Dreyfus, Grumberg a su sans cesse glisser la vérité du vécu dans la cocasserie du tableau, et, grâce à des comédiens peu connus (Brigitte Mounier, Charlotte Maury, entre autres, et Grumberg lui-même), tous extraordinaires il s'établissait un miraculeux équilibre entre les élans du cœur et le rire au bord des larmes. Du vieux théâtre, diront les esprits supérieurs, un naturalisme facile, tirant sur la corde sentimentale. Peut-être. Mais à condition que tous les auteurs soient capables de manier comme celui-ci la demi-teinte, l'ironie, la tendresse... Et c'est une facilité qui n'a qu'un secret : le talent.

Cinéma

Dans le choix des thèmes, les sujets contemporains occupent une bonne place

Comment va le cinéma ? Mal, Môssieu, mais il tourne... D'année en année, on n'ose plus prononcer le terme de crise, tant il semble, à la longue, galvaudé. Et pourtant... De bas en haut de l'échelle de la profession, tous se plaignent. Et ce ne sont pas les quelque 5 % d'augmentation de la fréquentation en 1978 qui suffisent à faire oublier le réel marasme dont souffre notre septième art.

Crise économique ou crise de talents (du producteur au réalisateur), comme le suggérait à un colloque de professionnels le nouveau directeur de la commission d'avances sur recettes (remaniée cette année) en soulevant un beau tollé ? Les deux, sans doute. Plus — et c'est particulièrement sensible cette année où nombre de films honorables, sur des sujets intéressants, joués par de grandes vedettes, ont été de cuisants échecs commerciaux — un inquiétant manque d'intérêt du public.

Et l'on retrouve ici l'inévitable problème de la concurrence du petit écran. Des mesures sont prévues pour limiter cette concurrence et assurer un meilleur financement du cinéma par la télévision, qui devra acheter ses films plus cher. Gouttes d'eau, sans doute, face à une situation que la libération du prix des places dans les salles ne contribuera guère à améliorer — même si, en contrepartie, les professionnels ont enfin obtenu cette baisse du taux de TVA qu'ils réclamaient à cor et à cri depuis des années.

France

Notre production n'a guère donné naissance, cette année, à de très grandes œuvres. Mais on y trouve un nombre important de films intéressants et qui abordent, de façon plus sensible que d'habitude, des sujets forts et contemporains, pour une fois sortis des domaines réservés d'une avant-garde pour happy few.

On ne peut, certes, ranger dans cette catégorie le grand champion du box-office : Le Gendarme, hélas, tel qu'en lui-même Louis de Funès, sous la direction de Jean Girault, le perpétue, cette fois chez les extra-terrestres. Ni sans doute la gentillette Carapate, de Gérard Oury, Oury sans de Funès, mais avec Pierre Richard et Victor Lanoux (une valeur en hausse cette année). En revanche, on trouve avec plaisir, à la sixième place des entrées, la lumineuse Histoire simple, de Claude Sautet, où Romy Schneider, de plus en plus belle, incarne avec intelligence et sensibilité une femme d'aujourd'hui.

Du succès de La cage aux folles, adaptation par Édouard Molinaro de la pièce de Jean Poiret, il n'y a rien à dire, si ce n'est que le titre se vendait tout seul et que Michel Serrault y fait un numéro éblouissant, justement récompensé par un césar. De celui de Flic ou voyou, qui a coûté fort cher, il suffit de rappeler que le film est signé Lautner, dialogué par Michel Audiard, et que Jean-Paul Belmondo, éternel cascadeur, y cabriole avec une belle santé : ici, les vieilles recettes donnent, encore, les grosses recettes... À vouloir, dans Les égouts du Paradis (au suspense, il est vrai, impossible, puisqu'il s'agit de l'histoire vraie du célèbre casse de la Société générale à Nice), imposer un voyou nouveau — Francis Huster —, José Giovanni en a fait une démonstration a contrario...

Plus étonnant, en revanche, le succès des Bronzés, petit film à petit budget tourné par l'équipe du café-théâtre Le Splendid. Une satire-pochade des clubs de vacances. Douzième enfin de la liste des champions, Pierre Richard encore, avec Je suis timide, mais je me soigne, continue d'exploiter à sa manière un peu lunaire, mais aussi un peu hésitante, le désir de rire des spectateurs.

Échecs commerciaux

Serait-il, ce désir, si impératif que, non comblé, il fasse condamner, décidément, des œuvres de grande qualité mais jugées sans doute trop austères ? L'année a été dominée par des films enfin adultes, et souvent très maîtrisés, sur des sujets qui auraient dû faire courir le public. Et tous ont été de relatifs échecs commerciaux.