La publication d'un communiqué commun dans les deux capitales, le 16 décembre, fait en tout cas l'effet d'un coup de théâtre. Les États-Unis et la République populaire de Chine annoncent qu'ils ont décidé de « se reconnaître mutuellement » et d'établir des relations diplomatiques à dater du 1er janvier 1979. Les deux parties indiquent qu'elles s'opposent aux efforts « d'un quelconque autre État ou d'un groupe d'États pour assurer une hégémonie » sur le reste du monde.
En outre, Washington reconnaît le gouvernement de Pékin comme « l'unique gouvernement légal » de la Chine, étant entendu que « le peuple américain maintiendra des relations culturelles et commerciales, et d'autres relations non officielles, avec la population de Taiwan ». Les États-Unis rompent leurs relations diplomatiques avec la Chine nationaliste et mettent fin au traité de défense mutuelle.
Les réactions hostiles des conservateurs à ces décisions ne se font pas attendre. Ronald Reagan qualifie de « trahison » la reconnaissance de la Chine communiste ; Barry Goldwater considère que l'abrogation du traité signé en 1954 avec Formose constitue « un abus de pouvoir de la présidence impériale ». Cette opposition, quoique approuvée par une proportion non négligeable d'Américains, ressemble néanmoins à un combat d'arrière-garde.
Le 15 janvier, Leonard Woodcock, ancien président du Syndicat des ouvriers de l'automobile (UAW), est nommé ambassadeur de son pays en Chine.
Treize jours plus tard, le vice-Premier ministre chinois Deng Xiaoping arrive en visite officielle aux États-Unis. Pendant une semaine, de Washington à Seattle, via Atlanta et Houston, il va parvenir à gagner la sympathie de l'homme de la rue et à rassurer les personnalités politiques qui avaient accueilli avec mécontentement le lâchage de Taiwan. Un vaste accord de coopération économique est signé le 31 janvier par Deng Xiaoping et Jimmy Carter. Le lendemain, un communiqué de presse commun est publié à l'issue des conversations entre les deux dirigeants. Les deux parties s'y déclarent opposées à l'« hégémonie », terme que les Chinois utilisent habituellement pour désigner l'URSS.
Cette lune de miel sino-américaine contribue, bien entendu, à ébranler le délicat équilibre des relations trilatérales Washington-Moscou-Pékin.
Rapports avec l'URSS
Au demeurant, les rapports américano-soviétiques ont atteint, à partir de l'été, leur niveau le plus bas depuis des années. Les causes en sont multiples. Ainsi, les procès intentés en Union soviétique à plusieurs dissidents suscitent, dès le 7 juillet, plusieurs mises en garde de Washington au Kremlin. Le secrétaire d'État, Cyrus Vance, en particulier, critique sévèrement l'URSS, tout en réaffirmant que les négociations sur la limitation des armements stratégiques se poursuivront.
Les 12 et 13 juillet, dans un climat très alourdi, Vance rencontre à Genève le ministre soviétique des Affaires étrangères, Andréi Gromyko, et lui transmet un message « très ferme » de Carter au sujet des procès de contestataires. Le 18, le président américain annule le contrat de vente d'un ordinateur à l'agence Tass, mais souligne, deux jours plus tard, qu'il n'entend pas « se lancer dans une vendetta avec l'URSS ».
Après cette poussée de fièvre, les relations Washington-Moscou s'améliorent légèrement. Le 6 octobre, Gromyko laisse entendre que Brejnev est prêt à rencontrer Carter. Et, le 24, après avoir eu plusieurs entrevues avec le chef d'État soviétique à Moscou, Vance annonce que les positions des deux pays sur les SALT se sont « un peu rapprochées ».
À partir de novembre, les rapports américano-soviétiques se dégradent de nouveau. Le 15, Moscou accuse les États-Unis de pousser la Chine à des « aventures armées » ; le 19, Brejnev met en garde Washington contre une éventuelle intervention en Iran ; le 7 décembre, à la veille d'une visite du secrétaire au Trésor, Michael Blumenthal, à Bucarest, la Maison-Blanche n'hésite pas à prendre ouvertement le parti de la Roumanie dans sa querelle avec l'URSS.