Quand toutes ces circonstances se trouvent réunies au moment d'une grande marée, c'est la mer qui envahit la terre, détruisant tout sous la force des lames, en même temps que des mètres d'eau recouvrent le sol. Le delta du Gange est particulièrement exposé. Sur une superficie égale au quart de la France, les bras entremêlés du Gange et du Brahmapoutre forment une multitude de canaux favorables à l'invasion des eaux. Là, 70 millions d'humains, avec leurs troupeaux, même s'ils sont avertis de l'approche du cyclone, n'ont qu'à le subir. Les moyens d'évacuation et de protection sont nuls. D'où le désastre de 1970.

La matière

Physique

Deux grands succès pour l'Europe

Le CERN, l'organisation européenne de recherche nucléaire, a remporté à quelques semaines de distance deux succès considérables : les anneaux de collision de protons, dont la construction avait été entreprise il y a cinq ans, sont entrés en fonctionnement ; la décision de construire un accélérateur de particules de 200-400 GeV (milliards d'électrons-volts), plusieurs fois ajournée et victime de tant de vicissitudes qu'on pouvait redouter l'abandon du projet, a enfin été adoptée. L'Europe est ainsi en passe de retrouver la première place dans les recherches sur la structure fondamentale de la matière.

Gargamelle en service

La chambre à bulles Gargamelle, construite à Saclay pour le CERN, a donné en décembre 1970 son premier cliché : une trace de rayons cosmiques. Gargamelle est une chambre remplie de 12 000 m3 d'un liquide lourd (comme le fréon) dans lequel la trajectoire des particules ionisées est marquée par un sillage de petites bulles automatiquement photographié.

Protons contre protons

Le principe des anneaux de collision (ou anneaux de stockage) consiste à injecter des particules, préalablement accélérées, dans deux anneaux où elles continuent à tourner en sens inverse, en conservant l'énergie acquise dans l'accélérateur. Les anneaux se recoupent en plusieurs endroits. Quand on a injecté suffisamment de particules, on dévie légèrement les flux (qui sont guidés par des aimants), de façon qu'ils se heurtent en collision frontale dans les zones d'intersection. Il existe à travers le monde plusieurs petits dispositifs de ce genre. Celui du CERN est de loin le plus important et le plus puissant.

Dans un accélérateur, l'énergie des particules projetées sur une cible n'est que partiellement utilisée dans les réactions qui donnent naissance à de nouvelles particules ; la plus grande partie donne seulement une certaine vitesse aux nouvelles particules issues de la réaction. Dans les collisions frontales, au contraire, toute l'énergie est absorbée par la réaction. Des protons accélérés à 28 GeV (puissance maximale de l'actuel synchrotron du CERN) et se heurtant frontalement dans les zones d'intersection réagiront comme ceux qui seraient lancés sur une cible fixe par un accélérateur de 1 700 GeV, irréalisable avec les moyens actuels. Sans doute, l'observation se limitera-t-elle aux interactions proton contre proton, à l'exclusion d'autres particules fondamentales. Mais la possibilité d'expérimenter avec des énergies aussi colossales fait espérer des phénomènes tout à fait nouveaux, qui permettraient de mettre de l'ordre dans le foisonnement actuel des particules subatomiques. Les théories en cours comportent une grande part d'hypothèse. La découverte de particules comme le quark ou le boson intermédiaire (qui serait échangé entre deux particules au cours d'interactions faibles) apporterait quelques certitudes.

La décision prise en 1965 de construire les anneaux de stockage constituait alors un pari, car la technologie était encore incapable de créer un vide assez poussé à l'intérieur des anneaux, et les effets de la collision des faisceaux étaient imparfaitement connus. Le premier essai, en janvier 1971, a dépassé les espérances : les protons emmagasinés dans les deux anneaux sont bien entrés en collision, à une cadence de 1 000 chocs par seconde.

Le grand accélérateur

Le projet d'un accélérateur européen de 300 GeV, élaboré en 1964, n'avait jamais pu être mis en chantier, certains États membres du CERN trouvant la dépense trop élevée, d'autres n'acceptant de participer que si la machine était installée sur leur territoire. Plusieurs années de discussions épuisantes, où la bonne foi des représentants de certains gouvernements n'apparaissait pas toujours évidente, semblèrent acculer la physique européenne à une impasse. L'obstination des scientifiques de Genève, parmi lesquels le directeur du CERN, le Britannique J. B. Adams, leur a permis de triompher de l'adversité. En cherchant à surmonter les obstacles auxquels ils se heurtaient, ils ont trouvé les solutions qui permettront de construire, à meilleur prix, une machine dont l'avenir est encore plus prometteur que celui du projet primitif.