La négociation, en deux étapes, aboutit aux accords de Téhéran (14 février 1971) pour les pays du golfe Persique, dont la production doit faire le tour par le Cap depuis la fermeture du canal de Suez, et de Tripoli (2 avril 1971) pour ceux qui exportent par la Méditerranée (Irak, Arabie Saoudite, Libye, Algérie). Après des péripéties à la hauteur des talents de négociateurs des Orientaux et de la ténacité et de la souplesse anglo-saxonnes, les dispositions de ces accords introduisent des innovations importantes :
– les prix affichés (c'est-à-dire la valeur plus ou moins théorique du pétrole brut sur laquelle sont calculées les redevances), qui non seulement n'avaient pas augmenté, mais avaient été réduits en 1959 et 1960, sont majorés sensiblement (en Libye, par exemple, ce prix passe de 2,21 dollars par baril en septembre 1970 à 3,45 dollars en mars 1971) ; ces majorations se poursuivront, par échelons successifs, jusqu'en 1975 ; en outre, les rabais que les compagnies obtenaient couramment, dans la pratique, sur ces prix affichés lorsque c'étaient elles qui dominaient le marché, sont supprimés ;
– de plus, une majoration supplémentaire de 2,5 %, dite « anti-inflation », sera appliquée chaque année. C'est en quelque sorte l'échelle mobile des prix du pétrole — et la reconnaissance de l'inéluctable dépréciation du dollar ;
– le taux de l'impôt sur les bénéfices est généralisé à 55 %, comme le Venezuela en avait donne l'exemple.

Les conséquences financières sont considérables. On estime, par exemple, que les revenus pétroliers de l'Iran vont augmenter de 45 % dès 1971 ; ou bien, que les revenus des pays du golfe Persique vont se trouver majorés de 55 milliards entre 1971 et 1975.

En contrepartie, les pétroliers peuvent se flatter d'avoir écarté certaines revendications maximalistes, portant par exemple sur un engagement minimal d'investissement, comme le voulaient les Libyens. Ils peuvent se féliciter d'avoir signé une paix pétrolière pour cinq ans. Trêve qui sera bien utile aux économies occidentales pour digérer les répercussions — au niveau des compagnies pétrolières, des consommateurs, de la concurrence des diverses formes d'énergie, des relations inter-États — d'un aussi brutal bouleversement.

Les compagnies pétrolières vont devoir réviser toutes leurs stratégies — de recherche, de prix, de production, d'investissement. Le Moyen-Orient disposait jusqu'à présent de deux avantages écrasants : des réserves immenses, des coûts de production très bas. Le premier subsiste, le second sera de moins en moins vrai. Les compagnies internationales vont donc développer beaucoup plus activement la recherche dans d'autres parties du monde, d'abord parce qu'elles auront plus de chances d'y découvrir un pétrole compétitif, et aussi pour forger un contrepoids à l'hégémonie arabe.

Les compagnies vont s'efforcer également de diversifier leurs activités dans des secteurs mieux abrités des tempêtes, comme la chimie ou les autres formes de l'énergie. Déjà, le tiers des mines de charbon américaines appartient à des compagnies pétrolières. Celles-ci s'intéressent aussi beaucoup à l'uranium. Enfin, leurs bénéfices, déjà en baisse depuis quelques années, risquent d'être encore sensiblement rognés, au moment même où les besoins énormes de pétrole à satisfaire exigent des investissements colossaux. Une seule issue à ce dilemme : la hausse des prix à la consommation des produits pétroliers.

À ce stade, la structure des prix est différente selon qu'il s'agit des fuels industriels, taxés assez légèrement, ou des carburants automobiles, qui supportent une fiscalité très lourde (environ les trois quarts du prix de vente en France). La hausse n'a donc pas les mêmes conséquences dans les deux cas.

Sur les carburants, l'État pourrait en atténuer les effets en réduisant d'autant sa part — mais il n'a guère de raisons de le faire, car les automobilistes consomment quel que soit le prix, ou presque. Les industriels, au contraire, vont supporter, et supportent déjà, une hausse sensible du poste énergie dans leurs prix de revient.