papillon de nuit
La plupart des milliers d'espèces de papillons de nuit actuelles étaient déjà présentes sur Terre il y a des millions d'années. Certaines sont mieux connues par leurs chenilles, ainsi le ver à soie ou les mites ; certaines ont une vie adulte si courte qu'elles ont juste le temps de se reproduire avant de disparaître.
Introduction
Présents sur presque tous les continents, où ils occupent des milieux très divers, les papillons se différencient des autres insectes. Ils constituent l'ordre des lépidoptères, du grec lepis, qui signifie écaille, pteron, aile. À quelques exceptions près, ils se reconnaissent ainsi par leurs deux paires d'ailes plus ou moins couvertes d'écailles et par leur longue trompe. Un peu partout, c'est la destruction de leur habitat qui menace ces animaux.
Les insectes existent déjà il y a 400 millions d'années. Ils connaissent une expansion très dynamique au carbonifère (il y a environ 300 millions d'années), quand prolifèrent les forêts de fougères exubérantes. Certains sont de grande taille, comme ces libellules géantes qui atteignent 65 ou 70 centimètres d'envergure. Il y a 250 millions d'années apparaissent les mouches-scorpions, ou mécoptères, qui sont peut-être à l'origine des papillons actuels. Il y a 190 millions d'années (au début du jurassique), Archaeolepis mane, dont on a trouvé un fossile dans le sud de l'Angleterre, présente des nervures caractéristiques sur les ailes, que l'on retrouve aujourd'hui uniquement chez les lépidoptères et chez les trichoptères.
Toutefois, les fossiles de papillons sont rares, car le corps fragile de ceux-ci se conserve mal ; aussi est-il difficile de dater leur apparition dans le règne animal. L'évolution des lépidoptères étant liée à celle des plantes à fleurs, il est probable que leur origine se situe entre 150 et 200 millions d'années. La grande ressemblance des fossiles datant de 30 millions d'années – retrouvés notamment dans l'ambre de la Baltique – avec les papillons actuels témoigne de la diversification fort ancienne des lépidoptères, qui s'est sans doute produite au cours du crétacé (il y a 135 à 65 millions d'années), en même temps que les plantes à fleurs se diversifiaient elles-mêmes de façon considérable.
De nos jours, il existe plus de 160 000 espèces de papillons. Sur la base de leur mode de vie, diurne ou nocturne, on peut les diviser en deux grands groupes : les papillons de jour et les papillons de nuit, ces derniers rassemblant l'immense majorité des espèces (environ 140 000 décrites). Cette division n'a en revanche plus de correspondance dans la classification scientifique des lépidoptères. On considère souvent que les papillons de nuit sont ternes, par rapport aux exubérants papillons de jour ; en réalité, certains sont très colorés, comme l'isabelle ou papillon vitrail (Actias isabellae). D'autres volent… de jour, comme le moro-sphinx (Macroglossum stellatarum), qui appartient à une famille (les sphingidés) de papillons essentiellement nocturnes.
La vie des papillons de nuit
La vie de la chenille
Le développement du papillon passe par quatre étapes, ou stades : l'œuf, la larve – appelée chenille –, la chrysalide et l'adulte, ou papillon, généralement ailé. C'est sous l'une de ces quatre formes que le papillon passera l'hiver.
La femelle papillon pond ses œufs par paquets, de quelques-uns à plusieurs centaines selon les espèces, disposés en couche, en ligne ou en anneau autour d'un rameau, sur la plante dont les chenilles se nourriront. Chez certaines espèces, la femelle disperse ses œufs en vol.
Le développement de l'embryon est très lié aux conditions climatiques ; il peut durer de quelques jours à plusieurs mois, en particulier quand l'insecte hiverne à l'état d'œuf.
À l'éclosion, la chenille est formée. Ses trois paires de pattes articulées, munies de griffes, et ses fausses pattes (jusqu'à 5 paires), terminées par une couronne de griffes, lui assurent une meilleure prise sur les supports.
Peu à peu, l'enveloppe externe de la larve, la cuticule, devient rapidement trop étroite, il faut alors en changer : c'est la mue, précédée d'une période de jeûne. Quand une nouvelle cuticule, plus large, s'est élaborée sous l'ancienne, celle-ci est abandonnée (c'est l'exuvie). La chenille reprend alors sa croissance, jusqu'à la mue suivante. La période qui s'étend entre deux mues constitue un stade larvaire ; la plupart des chenilles en connaissent cinq, voire plus lorsque c'est à l'état de larve que l'insecte hiverne. La vie larvaire peut ainsi durer de quelques semaines à plusieurs mois, voire même de deux à trois ans chez les cossidés (zeuzères, gâte-bois). Après la dernière mue, la larve devient chrysalide, puis papillon.
La plupart des chenilles vivent seules, mais certaines espèces se regroupent dans des tentes de soie tissées autour des rameaux élevés d'un arbre, accessibles aux rayons solaires. Ces nids les protègent des prédateurs et des rigueurs du climat. C'est par exemple le cas des chenilles de la processionnaire du pin (Thaumetopea pityocampa). Lorsqu'elles sortent pour prospecter les alentours, un fil de soie les relie au nid. Lorsqu'elles doivent migrer plus loin pour se nourrir, leur procession est menée par l'une d'elles, souvent une future femelle, et elles maintiennent une étroite relation entre elles grâce à des sécrétions soyeuses et des contacts tactiles. Certaines soies joueraient un rôle dans le maintien des distances. Ces chenilles tissent de nouveaux nids au fur et à mesure de leurs déplacements.
Les papillons hivernant au stade larvaire peuvent succomber à un hiver prolongé ou trop froid.
Cycle de vie de la chenille processionnaire
Cycle de vie de la chenille processionnaire
Les processionnaires du pin s'abritent en groupes dans des pré-nids, qu'elles tissent et qu'elles ne quittent que le soir pour s'alimenter. Le nid d'hiver accueille les chenilles en activité ralentie, jusqu'au printemps. Au terme de leur développement larvaire, celles-ci se rendent en file indienne jusqu'au sol pour s'y transformer en chrysalide à une profondeur de 5 à 20 cm sous terre, puis en papillon durant l'été. Le stade chrysalide peut se prolonger de 1 à 3 ans.
Survivre pour devenir papillon
Entre les périodes de mue, la chenille semble avoir un appétit féroce. Si l'adulte (papillon), sauf rares exceptions, se nourrit d'aliments liquides, suc ou nectar en général, qu'il aspire par la trompe, la chenille, au contraire, consomme des nourritures solides qu'elle broie au moyen de ses mandibules. En général, le régime alimentaire des chenilles est plus varié que celui des adultes, et diffère d'une espèce à l'autre. On distingue ainsi les spécialistes, qui n'exploitent qu'un petit nombre d'espèces végétales, souvent apparentées, et les généralistes, dont l'alimentation est plus diversifiée. Racines, tiges, bourgeons, feuilles et autres parties de la plante composent le régime de la plupart des chenilles. Certaines ont une prédilection pour les fruits, les fleurs, voire le pollen, et même la cire d'abeille, d'autres se nourrissent de poils, de plumes ou de coton, comme les mites.
Défense et camouflage
Les chenilles déploient plusieurs stratégies pour se défendre contre leurs prédateurs. Chez certaines espèces, la chenille fabrique pour s'abriter un fourreau, fait de débris divers et de fils de soie, dans lequel elle vit à demeure. D'autres projettent un liquide corrosif ou possèdent des épines urticantes qui se fixent sur l'attaquant. Enfin, leurs couleurs, leurs formes et leurs postures contribuent à les camoufler ou au contraire à intimider le prédateur.
De la chenille au papillon
À l'issue de sa vie larvaire, et si l'abondance de la nourriture le permet, la chenille peut accroître de 1 000 à 3 000 fois son poids initial. Elle cesse alors de s'alimenter et se prépare à la dernière mue, la mue nymphale, qui fera d'elle une chrysalide (nom donné à la nymphe chez les papillons), puis un adulte ailé (imago), le papillon. La plupart des papillons de nuit se métamorphosent enterrés à quelques centimètres dans le sol ; certains creusent une petite chambre qu'ils enduisent simplement de salive, ou tissent un cocon solide. D'autres s'installent dans la végétation au sol ; d'autres encore tissent un cocon suspendu ou le collent à l'écorce d'un arbre. Sous l'action d'hormones, de profondes modifications internes ont alors lieu ; le corps rapetisse, la cuticule se solidifie et se fend. La chrysalide, ou nymphe, apparaît. La plupart des papillons de nos régions hivernent à ce stade. À l'éclosion, l'insecte se fraie un chemin vers l'air libre. Encore mou, il attend que ses ailes se déploient, par pénétration d'air dans les trachées, et durcissent. Puis il prend son envol.
La vie éphémère du papillon
À l'issue de la métamorphose, la chrysalide s'est transformée en papillon adulte. Cet être fragile a souvent une vie de courte durée, de un ou deux jours à quelques semaines. Toutefois, certaines espèces hivernent sous cette forme et vivent ainsi plusieurs mois. D'autres se nourrissent peu, voire pas du tout, durant leur vie très brève, comme la livrée ou bombyx à bague (Malacosoma neustrium), le gâte-bois (Cossus cossus) ou l'isabelle (Actias isabellae).
Lorsqu'ils s'alimentent, les papillons couvrent leurs besoins énergétiques en aspirant le nectar des fleurs ou d'autres liquides, avec leur trompe. Les microptérigidés, famille de papillons assez primitive, se nourrissent de grains de pollen qu'ils broient dans leurs mandibules.
Les papillons de nuit, comme leurs chenilles, sont plus actifs dans l'obscurité ; le jour, ils se reposent. Certains papillons, dès le crépuscule, s'envolent à la recherche d'un partenaire, car la principale fonction de l'adulte est de se reproduire. Pour attirer un mâle de son espèce parmi de nombreux autres papillons, la femelle émet une « odeur » propre à son espèce, une phéromone attractive sécrétée par des glandes abdominales dorsales ou ventrales. Cette substance est mise en contact de l'air souvent par simple élongation du corps (position d'appel).
Très volatile, la phéromone se disperse rapidement dans l'air et le mâle la repère, parfois à plusieurs centaines de mètres de distance, grâce aux nombreuses structures olfactives qui couvrent ses antennes dont la forme spéciale offre une surface de détection importante. Le bombyx du mûrier, par exemple, porte environ 16 000 de ces sensilles olfactives sur chacune de ses antennes. Ces dernières permettent au papillon mâle de déceler une phéromone femelle de son espèce, même lorsque celle-ci est très diluée dans l'air, de repérer et de rejoindre une femelle, même très éloignée.
Chez certaines espèces, comme la pyrale de la canne à sucre, Eldana saccharina, c'est le mâle qui produit une phéromone, qui permet à la femelle de le repérer. Chez d'autres espèces enfin, la phéromone attractive est émise par les deux sexes.
Chez les mâles, la production de phéromones se fait par des écailles spécialisées appelées androconies, situées sur les ailes et/ou l'abdomen, parfois sur les pattes.
L'accouplement et la ponte
Les deux papillons exécutent d'abord une parade sexuelle qui diffère d'une espèce à l'autre ; elle passe par des contacts entre les antennes des deux partenaires.Les mâles de certaines espèces émettent alors une phéromone aphrodisiaque qui prépare la femelle à l'accouplement. L'accouplement, qui débute la nuit, peut durer plusieurs heures.
L'émission de la phéromone attractive, qui a lieu durant quelques heures, la nuit, cesse dès que l'accouplement a eu lieu.
La fécondation n'est, en général, pas immédiate. La femelle stocke les cellules sexuelles du mâle, qui féconderont les ovules lorsqu'ils arriveront à maturité.
Pondus par paquets, de quelques-uns à plusieurs centaines, les œufs sont recouverts d'une substance qui les fait adhérer au support où la femelle les dépose.
Pour tout savoir sur les papillons de nuit
Isabelle (Actias isabellae)
Appartenant à la famille des saturnidés, l'isabelle, appelée aussi isabelle de France ou papillon vitrail, vit dans les forêts de conifères de moyenne montagne et fait partie des trop rares papillons européens officiellement protégés. Sa beauté et la forme de ses ailes sont exceptionnelles pour un papillon nocturne non tropical.
La femelle dépose ses œufs sur les rameaux du pin sylvestre (Pinus sylvestris), du pin laricio (Pinus laricio) et du pin à crochets (Pinus uncinata), dont la chenille dévore les aiguilles en commençant par leur extrémité.
D'abord d'un brun-vert foncé avec des tubercules épineux noirs, la chenille devient, en grandissant, d'un beau vert vif s'ornant de protubérances rouges et blanches couvertes de longues soies. Les segments de son thorax sont alors soulignés de jaune.
Pour se transformer, elle s'enfouit dans la végétation du sol forestier, recouvert de mousses sèches, ou s'enterre. La chrysalide est protégée par un cocon de soie lâche mais résistant, tissé en un peu plus de 24 heures. Les nymphes de l'isabelle hivernent, parfois deux fois, avant de se métamorphoser. La tête, le thorax et l'abdomen de l'adulte sont protégés par une cuticule composée de segments articulés les uns aux autres au niveau de zones flexibles. Tout le corps est recouvert d'écailles colorées et de poils.
Les deux yeux comprennent des centaines d'unités visuelles, ou ommatidies, constituées d'un cône cristallin et de cellules visuelles. Les yeux des papillons de nuit sont adaptés à la vision nocturne : chez les papillons diurnes, chaque ommatidie donne une image distincte, comme un œil indépendant ; chez les nocturnes, l'image est formée des informations visuelles se chevauchant, transmises par plusieurs ommatidies simultanément. Si elle perd ainsi en netteté, l'image bénéficie d'un apport considérable de lumière (mille fois plus, environ, que chez le papillon diurne). Certaines espèces de papillons possèdent des yeux simples plus petits, les ocelles, cachés sous les poils de la tête.
Chez la majorité des papillons, la mâchoire, modifiée, forme un tube creux constitué d'anneaux cornés, la trompe, qui permet au papillon d'aspirer les aliments liquides. Chez l'isabelle, la trompe est atrophiée, les adultes ne se nourrissant pas.
La première des trois paires de pattes, pourvue des organes gustatifs et olfactifs, est atrophiée chez l'isabelle qui, de plus, ne possède aucun organe auditif ni même de tympans.
L'opalescence et l'ornementation de ses ailes (deux paires), à dominante bleu-vert pâle, avec des nervures et des marges brun-rose, ont donné au papillon isabelle l'autre nom de « papillon vitrail ». La base des ailes est couverte de poils jaunes et bruns, et chaque aile porte, à peu près en son centre, un ocelle transparent, cerclé de bleu, de rose, de jaune et de noir. Les ocelles des saturnidés auraient pour but d'effrayer un éventuel agresseur en évoquant un animal : carnivore, mammifère ou rapace dont le regard fixe la proie.
Chez les papillons de jour, le simple chevauchement des ailes assure leur cohésion lors du vol, tandis que chez les papillons de nuit un lobe de l'aile antérieure, le joug, ou, sur l'aile postérieure, le frein, renforcent leur solidarité.
La circulation de l'hémolymphe est assurée par le cœur, allongé en tube et situé sous le dos.
L'abdomen, assez mou, est composé de dix segments. Les organes génitaux s'y trouvent : chez le mâle, les deux testicules débouchent par deux spermiductes dans le canal éjaculateur, lui-même prolongé par l'organe copulateur. Ce dernier est entouré de deux valves génitales, dont le rôle est de maintenir la femelle au cours de l'accouplement. Les ovaires de celle-ci contiennent des ovules à différents stades de maturation. Les ovules mûrs sont fécondés dans le vestibule, puis recouverts d'une substance produite par les glandes accessoires.
Les papillons possèdent neuf paires d'orifices respiratoires, répartis sur le thorax et l'abdomen, s'ouvrant sur des trachées (tubes respiratoires) très ramifiées, qui assurent la pénétration directe de l'oxygène jusqu'aux cellules. Le système nerveux comprend le cerveau et se prolonge jusqu'à l'extrémité du corps par une chaîne nerveuse ventrale, formée de ganglions disposés par paires.
ISABELLE, ISABELLE DE FRANCE ou PAPILLON VITRAIL |
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Nom (genre, espèce) : |
Actias isabellae(syn. : Graellsia isabellae) |
Famille : |
Saturniidés |
Ordre : |
Lépidoptères |
Classe : |
Insectes |
Identification : |
Antennes brun-rouge quadripectinées (mâle) ou bipectinées (femelle) ; trompe courte ; thorax brun-violet ; 4 ailes bleu-vert translucides avec motifs se prolongeant en queue ; ocelle central transparent ; corps arrondi couvert de poils jaunes, bruns et roses |
Taille : |
De 8 à 10 cm d'envergure |
Répartition : |
Sierra de Guadarrama, en Espagne ; Hautes-Alpes et vallée de la Durance, en France ; Alpes suisses |
Habitat : |
Forêts de pins entre 1 000 et 1 800 m d'altitude |
Régime alimentaire : |
Aiguilles du pin sylvestre, du pin à crochets et du pin laricio pour les chenilles ; les adultes ne se nourrissent pas |
Structure sociale : |
Crépusculaires et nocturnes ; hivernage au stade de chrysalide |
Longévité : |
De 1 à 2 ans, la vie de l'adulte ne durant que 5 jours, au plus |
Maturité sexuelle : |
Stade adulte |
Saison de reproduction : |
De mars à juillet, en général |
Nombre d'œufs par ponte : |
De 100 à 200 œufs de 2 mm |
Statut : |
Espèce très localisée, totalement protégée en France depuis 1993 ; au niveau européen, inscrite à l'Annexe II de la Directive Habitats-faune-flore et à l'Annexe III de la Convention de Berne |
Signes particuliers
Ailes
Les papillons de nuit possèdent deux ailes antérieures, portées par le deuxième segment thoracique, et deux ailes postérieures, présentes sur le troisième segment thoracique. Celles-ci sont recouvertes d'écailles, imbriquées comme les tuiles d'un toit. Il s'agit de poils modifiés, élargis et aplatis. Ce sont les écailles qui sont responsables de la riche et subtile coloration des ailes.
Antennes
Les antennes sont en forme de peigne (pectinées). Chez le mâle, elles sont quadri-pectinées, chez la femelle, elles sont bipectinées.
Chenille
Le corps de la chenille, cylindrique et épineux, est divisé en treize parties, ou segments. Le thorax porte 3 paires de pattes articulées et l'abdomen ne porte que des fausses pattes plus larges, et aux extrémités aplaties. Au cours du développement apparaissent des protubérances qui se couvrent de soies.
Chrysalide
Sous la cuticule brun clair de la chrysalide apparaissent les structures du papillon adulte. Inerte en apparence, la nymphe est le siège de profondes restructurations internes : les organes et tissus de la chenille sont remplacés par ceux de l'adulte, élaborés à partir de régions particulières, les disques imaginaux.
Les autres papillons de nuit
Les papillons de nuit étaient autrefois classés dans un sous-ordre des lépidoptères : les hétérocères – les papillons de jour formant le sous-ordre des rhopalocères. Cette division était fondée sur des critères morphologiques, notamment des différences au niveau des antennes. Ainsi, les papillons de jour ont des antennes filiformes ou fusiformes, terminées en massue, ce qui leur avait valu leur nom de rhopalocères, du grec rhopalo, massue, et keras, corne. Les papillons de nuit ont des antennes en forme de peigne ou de plume ; la construction du terme hétérocères utilise le grec hetero, différent.
La division en hétérocères et rhopalocères est aujourd'hui abandonnée. La systématique des lépidoptères fait encore l'objet de débats, mais la classification la plus communément admise les divise en cinq sous-ordres. Les deux les plus importants sont les macrolépidoptères, littéralement les « grands papillons », et les microlépidoptères, les petits. Les macrolépidoptères comprennent des papillons de jour et de nuit, tandis que les microlépidoptères sont nocturnes.
Le groupe des « papillons de nuit » est donc une division pratique, fondée essentiellement sur le mode de vie des adultes. Ils sont représentés par environ 140 000 espèces. Les plus petites espèces de papillons, dont certains représentants mesurent à peine quelques millimètres, et certaines des espèces les plus grandes, qui peuvent atteindre 30 cm d'envergure, sont des papillons de nuit. Les distinctions entre espèces reposent surtout sur la forme des antennes, la nervation des ailes, leur couplage et les pièces génitales. Les familles présentées ici sont les plus connues.
Les hépialidés
300 espèces environ.
Identification : papillons de taille moyenne ; antennes très courtes, pectinées (mâle) ou filiformes (femelle) ; 4 ailes identiques, couplées par un joug.
Alimentation : racines et tubercules (chenilles).
Quelques espèces : l'hépiale du houblon, Hepialus humuli ; l'hépiale purpurine, Sthenopsis purpurascens.
Les cossidés
500 espèces environ.
Identification : papillons de taille moyenne à grande ; pas de trompe ; ailes couplées par un lobe (frein).
Alimentation : bois (chenilles).
Quelques espèces : le gâte-bois, Cossus cossus ; la zeuzère du poirier, Zeuzera pyrina.
Les zygénidés
800 espèces environ.
Identification : papillons de taille moyenne, vivement colorés avec reflets métalliques ; antennes en massue ; vols lourds et diurnes.
Une espèce : la zygène de la filipendule (appelée aussi zygène de la spirée), Zygaena filipendulae.
Les sésiidés
800 espèces, 14 en Europe.
Identification : corps rayé et ailes transparentes, mimant les hyménoptères ; vols plutôt diurnes.
Une espèce : la sésie apiforme, appelée aussi sésie du peuplier et sésie frelon, Sesia apiformis, qui présente un mimétisme la faisant étonnamment ressembler à un frelon.
Les tortricidés
Plus de 300 espèces. Chenilles nuisibles.
Identification : adultes souvent petits, ailes antérieures presque rectangulaires sans organes tympanaux ; frein.
Alimentation : végétaux (chenilles).
Quelques espèces : le carpocapse des pommes, Cydia pomonella, qui dévaste les pommiers ; la tordeuse de l'écorce, Enarmonia formosana.
Les ptérophoridés
600 espèces.
Identification : divisions des ailes en forme de plume ; pattes du papillon longues et épineuses.
Quelques espèces : le ptérophore blanc, Pterophorus pertadactylus ; Agdistis benneti.
Les pyralidés
10 000 espèces ; les chenilles sont souvent des ravageurs.
Identification : adultes de petite taille ; ailes à bords frangés ; organes tympanaux sur l'abdomen.
Alimentation : variée ; farine, cire d'abeille, graminées (chenilles).
Quelques espèces : la pyrale de la farine, Pyralis farinalis ; la fausse-teigne, Galleria mellonella, qui se nourrit de cire d'abeille ; la pyrale de la canne à sucre, Eldana saccharina.
Les crambinés
Considérés par certains auteurs comme une sous-famille des pyralidés (sous-famille des crambinés).
Alimentation : tiges des graminées et d'autres plantes (chenilles).
Quelques espèces : la pyrale du maïs, Ostrinia nubilalis ; Chilo partellus, qui fore également les tiges de maïs ; la pyrale de la menthe, Pyrausta aurata.
Les microptérygidés
80 espèces.
Identification : papillons de petite taille ; mandibules broyeuses au lieu de trompe.
Alimentation : grains de pollen (adultes).
Quelques espèces : Micropterix calthella, Micropterix rablensis.
Les tinéidés
1 800 espèces environ ; ce sont les mites et les teignes.
Identification : petits ; ailes aux reflets métallisés, or ou argent. Recherchent l'obscurité.
Alimentation : poils, plumes, laine (chenilles).
Quelques espèces : la mite des vêtements, Tineola bisselliella ; la mite des fourrures, Tinea pellionella.
Les yponomeutidés
16 espèces environ dans nos régions.
Identification : chenilles en colonie dans des tentes de soie : adultes petits ou moyens ; nuisibles quand en trop grand nombre.
Alimentation : feuilles d'arbres (arbres fruitiers, notamment) et de buissons (chenilles).
Quelques espèces : hyponomeutes Yponomeuta padella et Yponomeuta evonymella.
Les psychidés
800 espèces, 100 en Europe.
Identification : larves construisant des fourreaux. Mâles aux antennes plumeuses, femelles sans ailes.
Alimentation : végétaux.
Une espèce : Apterona helix (syn. : Apterona crenulella), qui se reproduit par parthénogenèse (les œufs ne sont pas fécondés).
Les notodontidés
2 500 espèces environ.
Identification : chenilles bossues ; fausses pattes postérieures filamenteuses redressées vers le ciel. Adultes robustes ; organes tympanaux sur le thorax.
Alimentation : végétaux.
Quelques espèces : la queue-fourchue, Cerura vinula ; le bois-veiné, Notodonta ziczac (syn. : Eligmodonta ziczac).
Les thaumétopoéinés
De 80 à 100 espèces. Ce sont les processionnaires.
Identification : chenilles très urticantes, vivant en groupe dans des nids ; se déplaçant en procession.
Alimentation : feuillage (chenilles).
Quelques espèces : la processionnaire du pin, Thaumetopoea pityocampa ; celle du chêne, Thaumetopoea processionea.
Les arctiidés
8 000 espèces environ ; ce sont les écailles.
Identification : chenilles couvertes de touffes de poils. Adultes robustes, vivement colorés ; ont des habitudes crépusculaires.
Alimentation : végétaux, lichens (chenilles).
Une espèce : l'écaille martre, Arctia caja.
Les noctuidés
30 000 espèces. Ce sont les noctuelles.
Identification : papillons ternes et nocturnes ; ailes postérieures parfois très colorées ; trompe bien développée.
Alimentation : végétaux (chenilles) ; nectar de fleurs (adultes).
Quelques espèces : la fiancée, Noctua pronuba ; l'aggrippine, Thysiana agrippina, peut atteindre 30 cm d'envergure (moyenne : 26,5 cm) ; c'est le papillon qui a la plus grande envergure du monde.
Les lymantriidés
2 000 espèces environ.
Identification : chenilles très colorées, couvertes de poils urticants (adultes aussi) ; trompe très atrophiée ; antennes pectinées (mâle) ou dentées (femelle).
Quelques espèces : la pudibonde (appelée aussi patte étendue), Dasychira pudibunda, dont les chenilles sont très belles ; l'étoilée, Orgyia antiqua, dont la femelle est dépourvue d'ailes.
Les géométridés
Plusieurs milliers d'espèces ; ce sont les phalènes.
Identification : chenilles, dites « arpenteuses » ; adultes : organes tympanaux sur l'abdomen.
Alimentation : végétaux.
Une espèce : la phalène du bouleau, Biston betularia.
Les sphingidés
1 000 espèces environ ; ce sont les sphinx.
Identification : corne fréquente à l'extrémité de l'abdomen des chenilles ; adultes de grande taille, au vol rapide, trompe très allongée. Certains sont diurnes.
Alimentation : végétaux (chenilles), nectar aspiré en vol stationnaire (adultes).
Quelques espèces : le sphinx du laurier-rose, Daphnis nerii, est très beau ; la chenille du sphinx tête-de-mort, Acherontia atropos, émet un sifflement strident. Le sphinx gazé, Hemaris fuciformis, possède des ailes transparentes qui le font ressembler à un bourdon ; il est diurne, tout comme le moro-sphinx, Macroglossum stellatarum.
Les lasiocampidés
1 200 espèces.
Identification : grand corps brun, épais et velu, sans trompe ni frein ; antennes pectinées plus grandes chez le mâle.
Quelques espèces : la feuille morte du chêne, Gastropacha quercifolia, qui, au repos, ressemble… à une feuille morte ; la livrée, Malacosoma neustria, dont les chenilles sont grégaires.
Les saturniidés
1 300 espèces, surtout tropicales. Inclut les bombyx.
Identification : ocelle presque au centre de chaque aile ; corps épais, couvert de poils duveteux, de grande taille ; antennes plumeuses (mâle) ; ni frein ni trompe.
Quelques espèces : le petit paon de nuit, Saturnia pavonia ; la hachette, Aglia tau ; Actias selene, qui vit en Asie méridionale ; Actias luna qui se rencontre en Amérique du Sud. L'atlas, Attacus atlas, qui habite l'Asie du Sud-Est, mesure en moyenne 23 cm d'envergure. Le bombyx du mûrier, Bombyx mori, est élevé pour la soie que produit sa chenille (le ver à soie).
Milieu naturel et écologie
Hormis en Antarctique, les papillons de nuit se rencontrent jusque dans les contrées les plus hostiles, y compris certaines régions polaires et de haute montagne, jusqu'à environ 3 000 m d'altitude. On y trouve cependant peu d'espèces, la plupart vivant dans les régions tempérées et, surtout, tropicales.
Les papillons, ne contrôlant pas la température de leur corps, dépendent de la température extérieure et sont très sensibles aux conditions climatiques, qui déterminent le moment de l'éclosion, la durée du développement larvaire, celle du repos avant la métamorphose (diapause nymphale) ainsi que le nombre des générations annuelles. Dans ce domaine, les exigences et les tolérances varient énormément d'une espèce à l'autre. Ce qui explique que certaines espèces aient une large répartition, comme la fiancée (Noctua pronuba), et que d'autres, comme les processionnaires ou le papillon isabelle (Actias isabellae), n'occupent que des surfaces très restreintes, ce dernier ne se rencontrant que dans le sud de la France et en Espagne.
Les milieux naturels peuplés par les papillons de nuit sont très divers, ceux-ci ayant colonisé presque tous les habitats terrestres, et même le milieu aquatique, comme les chenilles de nymphalidés qui vivent sous des feuilles flottantes et possèdent des organes respiratoires adaptés à la vie aquatique.
Les milieux les plus favorables aux papillons sont ceux qui offrent de bonnes conditions d'ensoleillement, de luminosité, d'humidité et de diversité végétale : forêts, haies, bocage, bords de rivière, zones humides, prairies, pelouses alpines. On rencontre cependant ces insectes jusque dans les villes, où, toutefois, la faible diversité des habitats limite le nombre des espèces présentes.
Enfin, suivant les variations climatiques certains papillons nocturnes effectuent de véritables migrations. Le sphinx tête-de-mort (Acherontia atropos) quitte l'Afrique et l'Asie méridionale pour l'Europe au début de l'été ; ses descendants survivent avec difficulté aux hivers européens, qu'ils endurent à l'état de chrysalide. Au début de l'été, le sphinx du laurier-rose (Daphnis nerii), qui vit en Afrique et en Asie tropicales ainsi qu'au sud de l'Europe, migre vers le centre et le nord des continents. Inversement, le gamma (Autographa gamma), une noctuelle, se dirige vers le sud de l'Europe à l'automne. Souvent, les migrateurs ne vivent pas assez longtemps pour entreprendre le vol de retour.
Papillons et fleurs évoluent ensemble
Comme les abeilles, les papillons assurent la pollinisation des fleurs qu'ils visitent. C'est le nectar dont ils se nourrissent qu'ils recherchent dans la fleur. Attirés par sa couleur et son parfum, ils se posent sur la corolle, ou bien, comme les sphinx, aspirent le nectar en vol. En partant, ils emportent avec eux des grains de pollen accrochés aux poils de leur corps ou sur leur trompe. Ils les déposeront lors de leur visite à une autre fleur, assurant ainsi la fécondation croisée.
Les corolles des fleurs présentent une morphologie différente selon les papillons qui les pollinisent : les fleurs que visitent les sphinx ont une corolle en tube, dans lequel le papillon plonge sa longue trompe tandis qu'il se maintient en vol stationnaire. De nombreuses autres fleurs, pollinisées par les papillons nocturnes, ne s'ouvrent et ne diffusent leur parfum que la nuit. Inversement, les papillons ont évolué au cours des temps vers une meilleure adaptation aux fleurs : le sphinx du liseron possède une trompe de plus de 10 cm de long, qui lui permet d'accéder au nectar. Ainsi, fleurs et papillons ont évolué de concert (on parle de coévolution), pour le bénéfice réciproque des deux partenaires.
Des virus aux mammifères, en passant par les bactéries, les champignons, les insectes, les reptiles et les oiseaux, les ennemis naturels des papillons de nuit sont nombreux. Si le papillon est menacé à tous les stades de sa vie, de l'œuf à l'adulte, ce sont surtout les chenilles et les chrysalides qui sont dévorées ou parasitées.
Des couleurs pour se défendre
La dissimulation est la seule protection de l'œuf : celui-ci est souvent de teinte verdâtre, déposé sous les feuilles, ou recouvert de poils. Les chenilles, très recherchées, ont des moyens de défense variés, parfois très complexes. Le plus souvent, les chrysalides, condamnées à l'immobilité, sont cachées ou enfouies dans le sol.
Le camouflage est la défense passive la plus répandue. Ainsi, au repos, les papillons de nuit adultes sont de la couleur de leur support habituel, écorce, rocher ou lichen, ou bien imitent la forme d'une feuille morte, par exemple. C'est le cas de Gastropacha quercifolia, dont la ressemblance avec une feuille tombée à terre est si convaincante qu'elle lui a valu son nom courant : la feuille morte du chêne.
La fuite, en vol ou en piqué, est la défense active la plus courante. L'attaque du sphinx tête-de-mort (Acherontia atropos), les couleurs vives des ailes de la fiancée (Noctua pronuba), brusquement déployées, les ocelles colorés des saturniidés imitant de grands yeux sont autant de façons d'intimider l'attaquant. La dissuasion est sans doute la plus élaborée des défenses : la sésie apiforme (Sesia apiformis) adulte imite à s'y méprendre le frelon (mimétisme batésien) – elle est d'ailleurs aussi appelée sésie frelon –, et les raies rouges et noires de la chenille du séneçon ou goutte de sang (Tyria jacobaea) signalent qu'elle n'est pas comestible (mimétisme mullérien).
Les papillons de nuit et l'homme
De fragiles insectes inoffensifs ou destructeurs
« Les papillons, ces mots doux pliés en deux qui recherchent l'adresse d'une fleur... », écrit Jules Renard. Si les papillons sont souvent le symbole de la frivolité, les papillons de nuit inquiètent parfois et peuvent se révéler des ravageurs redoutables. Objets de légendes, ils ont inspiré des proverbes et hantent encore notre langage, quand ils n'ornent pas nos pare-brise.
Un nom aux multiples significations
Dans toutes les civilisations et à toutes les époques, les papillons sont évoqués. Admirés et recherchés pour leur beauté, ces animaux gracieux et fragiles d'apparence sont le symbole quasi universel de la légèreté, de l'inconstance, voire de l'infidélité ; mais au Japon, ils sont le symbole de la femme, grâce et beauté, et de l'amour.
Les artistes ont depuis longtemps immortalisé ces créatures admirables, dont le mystère de la transformation n'a jamais cessé de fasciner : les murs antiques de Thèbes l'Égyptienne montrent des papillons peints voici 3 500 ans, et beaucoup de porcelaines et de soieries chinoises s'ornent de leurs silhouettes. Ces insectes remarquables ne pouvaient manquer, sinon d'inspirer, du moins de prendre place dans la mythologie. Les Grecs voyaient en la métamorphose du papillon la personnification de l'âme humaine : une légende dit que Prométhée ayant façonné le corps humain avec de l'argile, Pallas y enferma un papillon pour lui donner vie.
En Roumanie, la croyance populaire veut que les papillons soient nés des larmes de la Vierge Marie. Furtives apparitions de la nuit, les papillons nocturnes sont souvent considérés comme des fantômes, ou encore comme l'âme qui se détache du corps des défunts pour prendre son envol. De fait, on les considère parfois comme les annonciateurs de la mort : leur apparition est un mauvais présage. En Inde, on dit que le sphinx tête-de-mort, qui fréquente les champs de pommes de terre, est la réincarnation d'un moine auquel des cultivateurs auraient refusé pitance et qui, mort d'inanition, reviendrait les hanter : son masque lugubre leur rappelle que, bientôt, leur heure aussi viendra. Le nom scientifique du sphinx tête-de-mort est quant à lui inspiré des mythes associés à la mort dans la mythologie grecque : il doit son nom de genre, Acherontia, à l'Achéron, l'un des fleuves des Enfers grecs, et son nom d'espèce, atropos, à l'une des Moires, déesses dont la fonction est de décider de la vie et de la mort (ainsi Atropos coupe-t-elle le fil de la vie arrivée à son terme).
Les papillons continuent d'inspirer l'homme et son langage, à preuve les nombreuses expressions courantes, telles que volage comme un papillon, papillonner, papilloter des yeux... Autrefois, les papillotes, qui dérivent également de papillon, évoquaient les paillettes, puis elles ont bouclé les cheveux, et enfin, remplies de bonbons, ont été accrochées au sapin de Noël. Les botanistes ont appelé papilionacées les fleurs dont les pétales évoquent les ailes de l'insecte.
Certains objets usuels leur ont emprunté leur nom : le nœud papillon se pose au col, l'écrou papillon est bien utile aux bricoleurs, et les automobilistes, quant à eux, redoutent les « papillons »… Les sportifs aussi s'en sont emparés, avec la brasse papillon, curieux détour de l'imagination si l'on songe que les papillons ne nagent pas !
Un papillon à l'origine d'une industrie
Au-delà de l'admiration artistique, l'homme a su tisser des liens avec les papillons et exploiter certaines espèces. Plusieurs papillons de nuit sont producteurs de soie et élevés comme tels. Ils appartiennent au groupe des bombyx (famille des saturniidés). Le plus célèbre est le bombyx du mûrier, Bombyx mori, dont la chenille est connue sous le nom de ver à soie. Le corps trop lourd et les ailes trop petites de ce papillon lui interdisent de voler. Le ver à soie est élevé depuis 5 000 ans. À l'origine, les Chinois étaient les seuls à détenir le secret de son élevage et le gardaient jalousement : tout don, vol ou trafic des œufs du précieux papillon au bénéfice d'un étranger était sanctionné par une sentence de mort. En dépit de telles mesures dissuasives, plusieurs de ces œufs, accompagnés de graines de mûrier, parviennent clandestinement à Constantinople, en 555. L'industrie de la soie se répand lentement. En France, Louis XI l'établit à Lyon au xive siècle. Les vers à soie sont élevés intensivement jusqu'au xixe siècle, dans des fermes appelées magnaneries. Apparus en 1932, les textiles synthétiques comme le Nylon imposent une rude concurrence à l'industrie de la soie, qui connaît un ralentissement durable.Coûteuse, la sériciculture représente aujourd'hui une production très réduite en France, comme dans le reste de l'Europe.
La chenille du bombyx est glabre et atteint huit ou neuf centimètres de long. Elle se nourrit en abondance des feuilles du mûrier, sa seule source d'alimentation pendant les trente à quarante jours que dure sa vie larvaire. Au terme de son développement, elle tisse un cocon blanchâtre, plus ou moins épais, fait d'un fil d'une longueur de un à deux kilomètres et de plusieurs fils accessoires courts. Une des extrémités du cocon est moins épaisse : dans la nature, c'est par là que l'adulte sort à l'issue de la métamorphose, après avoir ramolli la fibre avec une sécrétion émolliente.
La qualité du fil de soie varie d'une race de bombyx à l'autre. Le cocon n'est pas utilisé en totalité. Pour débarrasser le fil continu des cours fils de soie accessoires qui entourent le cocon, celui-ci est ébouillanté, la chrysalide meurt et le fil de soie continu peut être déroulé. Le fil commercialisé est le plus souvent constitué de plusieurs fils torsadés ensemble.
D'autres papillons sont élevés pour la production de la soie, comme Antheraea yamamai et Antheraea pernyi, les bombyx japonais et chinois du chêne, dont l'élevage a été tenté en Europe. Antheraea pernyi produit un cocon trois fois plus lourd que le bombyx du mûrier, mais la fibre est moins longue et plus épaisse. Il est actuellement élevé en Chine et dans certains pays de l'Est.
Des insectes peu protégés
Les papillons de nuit, comme les autres animaux, sont menacés par les activités humaines. Excepté quelques espèces comme les mites et les ravageurs de cultures (les pyrales du maïs, du riz, de la canne à sucre, etc.), ils sont rarement visés par des destructions volontaires, et c'est avant tout la disparition de leur habitat qui est à l'origine de la raréfaction des papillons en de nombreuses régions. Le remembrement des terres cultivées se traduit souvent par l'arrachage des haies et des buissons et par l'abattage des arbres. Les végétaux dont les chenilles se nourrissent, jugés inutiles, sont éliminés au profit de cultures vivrières ou décoratives, ou de la sylviculture. Le défrichage, le drainage, l'assèchement des marais, la fauche des prairies et des talus, jusqu'au labourage, participent à la disparition des milieux favorables aux papillons et à la destruction directe des œufs, chenilles et chrysalides. Enfin, l'usage intensif d'engrais et de pesticides, par la destruction des œufs, chenilles et chrysalides, a provoqué la raréfaction des papillons, y compris en des régions encore peu touchées par la disparition des milieux naturels.
Des conventions internationales et nationales protègent de nombreux animaux dans la plupart des pays du monde. Mais les lépidoptères, et particulièrement les papillons de nuit, sont rarement pris en compte. Ainsi, seules 27 espèces de lépidoptères sont protégées, à l'échelle européenne, par la Convention de Berne : 26 sont strictement protégées (Annexe II), une est protégée (Annexe III) ; il s'agit de l'isabelle, ou papillon vitrail, Actias isabellae. Cette espèce est en revanche, en France, totalement protégée. Les captures, dont ce superbe papillon a longtemps pâti, sont interdites.
De redoutables ravageurs
Certaines espèces, dont les chenilles s'attaquent aux arbres, peuvent causer d'énormes dégâts et avoir un impact économique forestier important. Les lépidoptères défoliateurs sont les ravageurs les plus remarqués. Responsables de dégâts spectaculaires quand ils pullulent, ils provoquent une perte de croissance des arbres et ouvrent la voie à une cohorte de maladies (virus et champignons) et à d'autres animaux ravageurs qui exploitent les arbres déjà lésés. Qu'ils soient forestiers ou fruitiers, ceux-ci peuvent être complètement défoliés par des chenilles qui se nourrissent de leurs feuilles. Ainsi, le cul-brun, Euproctis chrysorrhoea, est responsable d'importantes défoliations dans le sud-ouest de la France. En outre, la dispersion par le vent des poils de ses chenilles ou de ses mues abandonnées, qui contiennent une substance urticante, est à l'origine de pénibles éruptions cutanées et d'irritations oculaires.
Plusieurs thaumétopoéidés, comme la processionnaire du pin (Thaumetopea pityocampa) et la processionnaire du chêne (Thaumetopoea processionea), ravagent les forêts et causent également des réactions urticantes. La livrée, Malacosoma neustria, s'attaque aux vergers, tandis que certaines tordeuses s'en prennent aux chênes, qui récupèrent difficilement après leurs atteintes. La tordeuse des fruits (Archips podana), qui attaque principalement le pommier, est un véritable fléau des vergers, et l'eudémis de la vigne, Lobesia botrana, endommage les récoltes dans les vignobles. Teignes, mites et pyrales sont autant de noms évocateurs de dégâts dans les cultures, les stocks de denrées alimentaires, ainsi que dans les tapis et les vêtements.
Il arrive que l'homme soit lui-même à l'origine de déséquilibres, qui se traduisent par la prolifération d'une espèce. Le bombyx disparate, Lymantria dispar, cause d'importants dégâts en Europe, où toutefois ses populations sont limitées par la présence de nombreux ennemis naturels. Introduit expérimentalement aux États-Unis en 1869, il s'y est d'autant mieux développé qu'il n'existait aucun prédateur à même de limiter son extension. Il a ainsi détruit des milliers d'hectares de forêts ; ses chenilles étaient si nombreuses qu'on a pu comparer le bruit de leurs déjections tombant au sol à une petite pluie...
Les phéromones sexuelles à l'aide des humains
Les zones infestées de chenilles ravageuses peuvent être traitées localement avec des pesticides appropriés, épandus parfois par avion ou par hélicoptère. Ainsi, le diflubenzuron, ingéré avec l'alimentation, bloque le processus de formation de la cuticule des chenilles, entraînant leur mort. En matière de lutte bactériologique, l'ensemencement des secteurs concernés par une bactérie, Bacillus thuringiensis, conduit à la destruction des chenilles. Les chenilles au premier et au deuxième stade larvaire sont en effet sensibles à cette bactérie, qui les paralyse. Ces méthodes ont pour inconvénient d'être polluantes et non sélectives, de nombreuses espèces inoffensives pouvant être atteintes par le traitement.
Des méthodes plus fines et plus élaborées sont basées sur une connaissance des ennemis des chenilles. Certains hyménoptères les parasitent en pondant dans leur corps. Mais leur utilisation dans la lutte biologique nécessite un élevage contrôlé de ces insectes. Des études sont en cours.
Des méthodes fondées sur l'utilisation des phéromones sexuelles ont été testées sur des ravageurs comme les noctuelles, les tordeuses, les pyrales et les processionnaires. Les phéromones des femelles, diffusées dans le milieu naturel, peuvent permettre de piéger les mâles, attirés par l'odeur. De cette façon, la capacité de reproduction et de prolifération de la population se trouve fortement diminuée.
Une autre technique, dite « de confusion », consiste à imprégner uniformément l'atmosphère de la phéromone, de façon à désorienter les mâles et à diminuer leurs chances de rencontrer une femelle.
Une variante, appliquée à la processionnaire du pin, est d'attirer les mâles hors de la forêt, avant de les désorienter.
La phéromone sexuelle n'attirant que les mâles de l'espèce concernée, ces méthodes sont très spécifiques et ne nuisent pas aux autres espèces, comparativement aux pesticides, elles ne sont pas polluantes. Elles sont toutefois coûteuses et utilisées davantage pour prévenir les proliférations que pour les enrayer. Elles s'appliquent à des actions ponctuelles en arboriculture fruitière, en viticulture, en culture céréalière et en contrôle des stocks plutôt qu'en traitement systématique. Elles nécessitent une bonne connaissance de l'espèce de papillon concernée et de sa biologie, et reposent sur la surveillance constante des conditions favorables au développement des chenilles, ce qui permet de déclencher le traitement au moment opportun.