Marie ou la Vierge Marie
Mère de Jésus.
Les écrits du Nouveau Testament n'en font mention que très épisodiquement. Ce sont les Évangiles de l'enfance qui sont les plus explicites sur le rôle et la personne de Marie, dont la conception virginale est nettement affirmée. L'Évangile de Matthieu donne à Marie un relief moindre qu'à Joseph, « époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qu'on appelle le Christ » (i, 16). Par contre, l'Évangile de Luc donne la première place à Marie : récits de l'Annonciation, de la visite à sa cousine Élisabeth, mère de Jean-Baptiste (Visitation), de la Nativité de Jésus à Bethléem. L'Évangile de Jean fait apparaître Marie dans deux épisodes significatifs : les noces de Cana (ii, 1-12) ; la scène du Calvaire (xix, 25-27), où Jean, symbole du peuple de Dieu, est confié à Marie, figure eschatologique de la nouvelle Ève, mère de la nouvelle Création.
D'abord très discrets, la dévotion et le culte rendus à Marie prirent un certain relief à partir du concile d'Éphèse (431) qui confirme le titre de mère de Dieu donné à la mère de Jésus. Entre le ve et le viiie s. se multiplièrent, en Orient comme en Occident, les fêtes en l'honneur de la Vierge : la Nativité, la Présentation au temple, l'Assomption… La piété mariale, au Moyen Âge, s'exprima en églises, cathédrales, sanctuaires, pèlerinages, confréries… innombrables. Elle s'amplifia au xviie s. et surtout au xixe s., l'histoire de Marie s'alimentant trop souvent aux Évangiles apocryphes et inspirant une dévotion parfois excessive.
Cependant, dans le même temps, se développait une théologie propre à Marie, la mariologie, qui permit à Rome de définir dogmatiquement et l'Immaculée Conception de la Vierge (1854) et son Assomption (1950). Le concile Vatican II s'est employé à rééquilibrer le culte marial, en réintroduisant le mystère de Marie dans celui de l'Église.
ICONOGRAPHIE
Les images de la Vierge forment un chapitre majeur de l'art chrétien. On croyait, au Moyen Âge, posséder des portraits de la Vierge peints par l'apôtre Luc (icône de bois de S. Maria in Aracoeli, à Rome). Plusieurs peintres ont représenté saint Luc faisant le portrait de la Vierge, surtout au xve s. (Van der Weyden, Boston). Dans l'art paléochrétien (catacombes de Rome, par ex.), le type de la Vierge orante, les bras étendus, est fréquent. Il a influencé l'image de la Panagia byzantine, portant sur la poitrine un médaillon à l'image du Christ, et les Vierges en mosaïque de Ravenne (ve s.), St-Marc de Venise, Murano, Torcello (xiie-xiiie s.).
L'Immaculée Conception de la Vierge a d'abord été évoquée sous la forme de la Rencontre d'Anne et Joachim à la porte Dorée (Giotto, Padoue), puis par l'image de la Vierge écrasant de son pied la tête du serpent, souvent debout sur un croissant de lune et couronnée d'étoiles, vision inspirée de l'Apocalypse. Ainsi l'ont représentée de nombreux peintres espagnolsdu xviie s., à une époque où la fête de l'Immaculée Conception était devenue « fête d'obligation » en Espagne. Parfois aussi, ce thème est évoqué par la réunion de sainte Anne, de la Vierge et de l'Enfant (Gerolamo dei Libri, National Gallery, Londres), ou encore par une banderole expliquant le sujet du tableau (Retable de sainte Anne, Francfort ; Crivelli, National Gallery).
La maternité virginale de Marie est représentée par des symboles bibliques tels que le Buisson ardent (N. Froment, triptyque d'Aix-en-Provence) ; sa grossesse, par les figures de Notre-Dame de l'Attente (Piero Della Francesca, cimetière de Monterchi), ou les statues de Vierges ouvrantes : l'ouverture des volets laisse voir le Christ en croix ou la Trinité (Notre-Dame de Maubuisson à Saint-Ouen-l'Aumône ; Vierge de Quelven, Morbihan).
La Vierge à l'Enfant a d'abord été représentée en majesté. À l'époque romane, elle est assise sur un trône, de face, le regard fixe, l'enfant ressemblant àun adulte en réduction (statues-reliquaires auvergnates ; linteau de Mozac [Puy-de-Dôme] ; retable de Carrières-Saint-Denis [Louvre] ; fresque de S. María de Tahull ; portail royal de Chartres ; portail Ste-Anne de Notre-Dame de Paris, xiie s.). À partir du xiiie s., on remarque plus de souplesse et d'humanité, ainsi dans les Maestà de Cimabue (Louvre et Offices) et de Duccio (Sienne, xive s.). Dans les sculptures de Giovanni Pisano (Pise), d'Arnolfo di Cambio (Florence), dans la Madone d'Ognissanti de Giotto (Offices), la monumentalité héritée de Rome n'exclut pas la douceur, tout comme dans la fresque de S. Martini au Palais public de Sienne, où la Vierge et l'Enfant, entourés de saints, sont placés sous un dais de procession.
Les innombrables Vierges à l'Enfant de la sculpture gothique française sont souvent souriantes, leur hanchement caractéristique leur donne une grâce parfois un peu maniérée, conforme à l'idéal courtois ; citons la Vierge du Pilier (Notre-Dame de Paris), celle de l'église St-Germain-des-Prés, celle de Champmol, la Vierge de vermeil de Jeanne d'Évreux (Louvre), la Vierge d'ivoire de la Sainte-Chapelle de Paris (Louvre).
La Vierge allaitant a été peinte par A. Lorenzetti (Sienne), Fra Angelico (Washington), Van Eyck (Francfort), Van der Weyden (Bruxelles), Fouquet (Anvers), Léonard de Vinci (Leningrad), et sculptée par Nino Pisano (Pise). Les Vierges à l'Enfant de Giovanni Bellini sont présentées en plein air, sans qu'un trône forme écran entre elles et le paysage; ce peintre, comme ses contemporains, consacre maintes toiles aux « conversations » entre la Vierge et les saints.
Les Vierges à l'Enfant sont d'ailleurs innombrables dans l'art italien des xve et xvie s. : peintures de Filippo Lippi, de Baldovinetti, du Pérugin, de Raphaël, Léonard de Vinci, Corrège, Andrea del Sarto, du Parmesan, pour ne citer qu'eux ; terres cuites vernissées des Della Robbia.
Les peintres allemands du xve s. affectionnent le thème de la Vierge au jardin ou au buisson de roses (le Maître du Jardin du Paradis, Francfort ; Lochner, Cologne ; Schongauer, Colmar).
La Vierge de miséricorde connaît une grande faveur dans l'art byzantin, mais aussi en Occident entre le xive et le xviie s. : la Vierge abrite ceux qui la prient sous son manteau ; sa taille est évidemment disproportionnée à celle des fidèles. Les peintures de L. Memmi (Orvieto), J. Mirailhet (Nice), P. Della Francesca (Sansepolcro), Quarton (Chantilly), Zurbarán, etc., illustrent cette forme de dévotion, reprise par de nombreuses sculptures populaires ornant les églises de campagne. Ces Vierges protègent parfois des ordres religieux : celle de Zurbarán, des chartreux (Séville).
La Vierge des sept douleurs (rappel de sept épisodes douloureux de la vie du Christ) est souvent représentée dans l'art flamand : Q. Metsys (Bruxelles), Isenbrant (Bruges), plus tard Van Dyck.
Les épisodes de la vie de la Vierge les plus souvent représentés sont : sa Nativité, peinte par Cavallini, Ghirlandaio, Altdorfer, Murillo, les Le Nain ; sa Présentation au Temple, son Éducation par sainte Anne (groupe de pierre de Chantelle ; peintures de Rubens, Murillo, Tiepolo) ; son Mariage ; l'Annonciation, la Visitation, la Nativité du Christ, l'Adoration des bergers ou des Mages, la Fuite en Égypte, la Sainte Famille.
Elle est associée à de nombreux épisodes de la vie et de la passion du Christ, qu'elle tient sur ses genoux, mort, dans la Pietà. Sa propre mort, ou Dormition, est généralement associée au Moyen Âge avec sa Résurrection, son Assomption et son Couronnement. Il faut aussi citer les thèmes relatifs à la généalogie de la Vierge, l'arbre de Jessé (généalogie paternelle du Christ) et la Sainte Parenté (généalogie maternelle), ainsi que les Miracles de Notre-Dame (de Théophile, notamment).
Enfin, il faut rappeler la dévotion qui entoure en France les statues de la Vierge noire (Chartres, Le Puy, Rocamadour, Orcival, Clermont-Ferrand), également vénérées en Espagne (Montserrat, Guadalupe) ou en Allemagne (Altötting). Taillées en bois de cèdre ou d'olivier, ellesse présentent comme la Vierge en majesté.