Limousin
Ancienne Région administrative de la France regroupant les départements de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne, appartenant depuis 2016 à la Région Nouvelle-Aquitaine.
- Superficie : 16 942 km2
- Population : 742 771 hab. (recensement de 2010)
- Nom des habitants : Limousins
- Chef-lieu : Limoges
GÉOGRAPHIE
La Région occupe le nord-ouest du Massif central. Elle présente une grande homogénéité d'ensemble : plateaux étagés coupés de gorges, climat océanique dégradé, élevage de boucherie prédominant, paysage à bocage et bosquets, habitat rural semi-dispersé, stagnation démographique, désindustrialisation préoccupante.
Les plateaux se divisent en quatre niveaux : « Montagne » aux confins des trois départements (au-dessus de 750 m), hauts plateaux (surtout dans l'est et le sud-est, 500 à 750 m), plateaux moyens (Marche, ouest du bas Limousin corrézien, 350 à 500 m), bas plateaux du pourtour (200 à 350 m).
Ces plateaux bocagers, dont l'élevage bovin constitue la ressource essentielle, sont entaillés par de profondes vallées (Vienne, Creuse, Vézère, Corrèze), où se sont établies les villes (Limoges, Tulle, Uzerche, Guéret).
La géographie physique
Le relief
Après avoir connu une histoire précambrienne et paléozoïque tourmentée, ces plateaux furent à peu près continuellement des boucliers émergés, subissant des retouches d'érosion à la pénéplanation posthercynienne au gré des oscillations tectoniques modestes du socle. Même les mouvements cénozoïques y furent modérés, d'où l'absence de dénivellations brutales. Le sous-sol est formé des roches du socle variées (granite, granulite, gneiss, micaschistes). Traditionnellement, la Montagne limousine est considérée comme provenant de l'aplanissement posthercynien. Les plateaux entre 650 et 750 m représenteraient un cycle infracrétacé (Xaintrie, région d'Égletons, Meymac, Eymoutiers, Haute-Marche, avec leurs prolongements vers l'ouest comme la forêt des Cars, les monts de Blond, d'Ambazac, ou vers le nord comme le Maupuy et la montagne de Toulx-Sainte-Croix). Entre 350 et 500 m, les plateaux de Tulle et du Haut-Limousin et la plus grande partie de la Marche seraient justiciables d'une phase d'érosion éogène, et une dernière surface, d'élaboration miocène, entre 220 et 350 m, correspondrait à l'essentiel du Confolentais et de la Basse-Marche. D'autres reprises d'érosion auraient limité leurs effets au rajeunissement des vallées (gorges, ruptures de pentes comme les cascades de Gimel). Les failles joueraient un rôle important dans le relief (abrupt de Meymac, blocs basculés des monts d'Ambazac et du Maupuy, relèvement du Nontronnais par rapport au Confolentais, etc.), ainsi que l'érosion différentielle (rôle de la charpente granulitique de la montagne limousine, des hauteurs du nord de la Marche, éperons et cuvettes du sud du Haut-Limousin, explication des tracés étonnants de certains cours d'eau, comme le Taurion, par les différences de résistance des roches selon la composition chimique) ; des processus n'ont rien à voir avec les schémas classiques d'érosion : inselbergs et glacis tertiaires de la bordure nord, engorgements en nappes qui masquent la limite du socle et qui sont particulièrement épaisses sur le passage des anciens cours torrentiels, empêchant l'apparition de dépressions périphériques. Seul le bassin de Brive, allongé sur leur marge méridionale, se distingue par son déblaiement dans les terrains plus tendres situés en contrebas des plateaux calcaires du Périgord et du Quercy.
Le climat
Le climat est caractérisé par des précipitations assez abondantes (800 à 900 mm), avec une répartition saisonnière de type océanique méridional (A. [automne], P. [printemps], H. [hiver], E. [été]), non sans nuances (plus de 1 200 mm dans la montagne limousine, 750 à 800 mm en Marche, où l'indicatif saisonnier devient plus continental : E. A. H. P.). La température annuelle, supérieure à 11 °C (janvier, entre 3 et 4 °C ; juillet, 19 °C ; 70 à 80 jours de gelée) dans l'ouest, tombe à 8 °C sur la Montagne limousine, avec 110 jours de gelées, près d'un mois d'enneigement, et un ensoleillement modeste (près de 200 jours de pluie et 30 à 40 de brouillard). Donc se juxtaposent trois nuances climatiques : océanique doux (sud-ouest), océanique frais à froid (Montagne), océanique dégradé (Marche).
Les sols et la végétation
De telles conditions entraînent le lessivage des sols acides du socle et ont facilité l'ancienne extension de la lande, qui était la marque même du paysage limousin. C'est largement une image du passé, du fait des bonifications agricoles du xixe s. dans les régions basses et des reboisements des dernières décennies sur la Montagne et les hauts plateaux : douglas et épicéas, s'ajoutant aux taillis de feuillus des régions basses, ont élevé le taux de boisement de 11 à 30 p. 100, et jusqu'à plus de 35 p. 100 du sol dans certains cantons. Par ailleurs, le climat est évidemment favorable à la pousse de l'herbe, à condition que les sols soient amendés et engraissés.
Les hommes et les activités
L'ancienne économie était extensive (seigle, mouton ; précoce importance de l'élevage bovin), avec une population peu nombreuse (22 habitants par km2 au xviiie s.), malgré des densités plus fortes sur les plateaux moyens marchois, dans la vallée de la Vienne, dans le sud-ouest (porcs, châtaignes). Une forte émigration temporaire était très diversifiée vers le Centre-Ouest, le Sud-Ouest, Paris. Au xixe s., le blé s'étend et l'élevage bovin progresse. Le maximum de population est tardif (Corrèze 1891, Haute-Vienne 1906), sauf en Creuse (1851). Depuis, on observe une baisse très forte, ininterrompue en Creuse, à peine stabilisée (grâce à Brive-la-Gaillarde) en Corrèze, une reprise, modeste (malgré Limoges), en Haute-Vienne. Aujourd'hui, le nombre d'habitants du Limousin est à peine supérieur à ce qu'il était en 1801 (706 800 habitants) et nettement inférieur à ce qu'il était à son maximum, en 1891 (985 700 habitants) : le Limousin est (après la Corse) la moins peuplée des Régions françaises et la Région compte plus de décès que de naissances. La population reste en majorité rurale, mais celle des campagnes vieillit très vite et les villes principales doivent puiser une partie de leur accroissement hors de la Région, qui continue, par ailleurs, à fournir des émigrants (surtout vers la fonction publique) : la croissance de la population est due aux migrations, avec l'arrivée notable de ressortissants britanniques.
L'agriculture reste essentielle : le poids de l'agriculture dans l'emploi régional est deux fois plus élevé en Limousin que la moyenne nationale. Avec l'agrandissement des exploitations, elle évolue vers l'extensification : élevage bovin naisseur ou peu prolongé, agneau de boucherie (basse Marche, une partie des hauts plateaux). Il y a plus de cultures (surtout fourragères) au N. (sauf en basse Marche) et au centre-ouest, plus d'herbages au S.-E. et en basse Marche. Les céréales sont notables seulement sur la bordure nord. Les vergers de pommiers apparaissent en bordure de l'Aquitaine. Le bassin de Brive a une agriculture spéciale, plus intensive : cultures maraîchères, tabac, noyers, fruitiers. Quelques secteurs laitiers s'individualisent (autour de Limoges et d'Ussel, ce dernier lié à l'Auvergne).
La ressource de base industrielle est l'hydroélectricité (bassin de la Dordogne), de nombreux gisements divers (houille, kaolin, non-ferreux, uranium) étant abandonnés. Deux secteurs industriels anciens (tapisserie à Aubusson, porcelaine à Limoges) sont plus ou moins renouvelés. En dehors d'Ussel (travail du bois), l'industrialisation récente se concentre à Brive-la-Gaillarde et surtout à Limoges (matériel électrique), tandis que certains petits centres industriels stagnent (Tulle) ou s'effondrent (Bort-les-Orgues). Dans le tertiaire, les laboratoires de recherche de l'université de Limoges sont dynamiques dans les secteurs des céramiques, de l'optique et du traitement de surface. Le tourisme familial, diffus, est développé en Corrèze : il y a partout de vastes réserves de campagnes calmes qui pourraient être un atout.
Coupé de l'Auvergne par l'écran de la Montagne, tourné vers l'ouest, mais en marge des Charentes, le Limousin, avant tout, fournit en bétail la région parisienne. Le seul grand itinéraire est Paris-Toulouse ; les voies est-ouest sont d'importance secondaire.
HISTOIRE
Le Limousin ne conserve que peu de vestiges de l’occupation humaine à l’époque préhistorique. Le seul témoignage de la présence de l’homme au Pléistocène supérieur fut découvert en 1908 par les abbés A. et J. Bouyssonie et L. Bardon, au S.-E. de Brive, à La Chapelle-aux-Saints. Ce fossile humain, que l’on regarde aujourd’hui comme l’un des plus beaux exemples de l’espèce de Neandertal, était inhumé avec des outils de quartz, typiques de l’industrie du Paléolithique moyen. Plus tard, la « grande fièvre mégalithique » qui caractérise, entre 5000 et 2500 av. J.-C., les civilisations du Néolithique parsème le Limousin de dolmens et de menhirs, comme l’atteste, à Cieux, la pierre levée de Ceinturat. Le passage des Ligures, des Ibères et des Celtes ne marque pas profondément la région. La tribu des Lemovices, que mentionne César dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules pour avoir envoyé en 52 av. J.-C. un contingent de dix mille hommes au secours de Vercingétorix à Alésia, était un peuple puissant et organisé. La défaite des Cadurci à Uxellodunum, ultime foyer de résistance à l’invasion étrangère, en 51 av. J.-C., livre le Limousin à l’occupation romaine. La province, rattachée à l’Aquitaine, reste essentiellement agricole. Les routes tracées par les légions romaines sont surtout destinées à un commerce de transit. Par ces voies, le christianisme atteint le Limousin vers le iiie s. : saint Martial, originaire de Lyon, évangélise le Limousin et l’Aquitaine avant de revenir mourir près de Limoges.
Lors des invasions barbares, seuls les Wisigoths se fixent en Limousin et se substituent aux Romains. Mais, convertis à l’arianisme, ils se heurtent à l’hostilité du clergé catholique et de la population. C’est alors que Clovis Ier, roi catholique soutenu par l’Église, écrase le roi wisigoth Alaric II à la bataille de Vouillé (507). Le Limousin et l’Aquitaine entrent dans le royaume franc. Clovis mort en 511, le Limousin est l’enjeu de la querelle fratricide des quatre fils du premier roi franc ; la sécurité est rétablie seulement sous les règnes de Clotaire II (584-629) et de Dagobert Ier (629-638), qui sauront s’entourer de conseillers efficaces. Le plus célèbre, l’orfèvre Eligiux (v. 588-660) [saint Éloi], fonde au début du viie s. le monastère de Solignac, placé sous la règle de saint Colomban, qui devient une école d’orfèvrerie réputée.
À l’appel des ducs d’Aquitaine, Charles Martel (v. 685-741) arrête l’invasion arabe à Poitiers en 732. Mais les ducs refusent alors de reconnaître la domination du royaume franc : le Limousin devient une marche frontière ravagée par les troupes carolingiennes et même par les pirates normands appelés par le roi d’Aquitaine Pépin II (838-856). Les rois carolingiens s’avèrent incapables d’imposer leur pouvoir. Les seigneurs locaux, aquitains et limousins, forment de multiples seigneuries, pour la plupart dépendantes du comté de Poitou, tenu par la puissante dynastie des Guillaume. Le Limousin perd son unité, la Marche, au xe s., devient comté indépendant au profit de Boson le Vieux, la vicomté de Limoges s’affaiblit alors que la vicomté de Turenne établit sa puissance. L’Église accroît son influence et parvient même à imposer sa volonté aux seigneurs : les conciles de Charroux (989) et de Limoges (1031) tentent de limiter les dommages subis par les paysans du fait des guerres locales. L’Église exploite la renommée des saints locaux, en particulier saint Martial, et construit de nombreuses abbayes, foyers de vie intellectuelle et artistique : des moines, tel Adémar de Chabannes (988-1034), rédigent les chroniques de la vie limousine ou contribuent à la diffusion des pièces émaillées destinées à orner les églises. Des paysans se regroupent autour des abbayes et défrichent les landes et les bois.
Aliénor d’Aquitaine (1122-1204), qui avait apporté en dot le Limousin au roi de France Louis VII, répudiée et remariée en 1152 avec Henri II Plantagenêt, le futur roi d’Angleterre, fait entrer le Limousin dans le domaine anglo-angevin. Mais Louis VII n’accepte pas la perte de la province et tente de reconquérir la dot d’Aliénor. Les seigneurs limousins, divisés depuis la fin de la domination carolingienne, entretiennent leur division : chaque seigneurie combat pour son propre compte aux côtés du roi de France ou aux côtés du roi d’Angleterre. Cette longue période de lutte s’achève par la victoire du roi de France Louis VIII (1187-1226) sur Jean sans Terre à La Roche-aux-Moines en 1214, qui restitue à la France un Limousin épuisé par la guerre. Pourtant, en 1259, le traité de Paris conclu par Saint Louis rend au roi d’Angleterre les domaines et les fiefs royaux : le traité de Paris laisse le Limousin divisé et prêt à combattre de nouveau. La seconde période de la guerre de Cent Ans remet en cause le sort du Limousin : une série de victoires anglaises laisse entrevoir une installation définitive, mais la lourdeur de l’administration anglaise suscite un revirement en faveur du roi de France. En 1370, Charles V réunit Limoges au domaine royal par négociation et, aidé de Du Guesclin, reconquiert la province. L’administration royale supplante peu à peu les pouvoirs locaux ; les bourgeois entrent dans l’administration royale, gèrent les villes et favorisent l’essor économique entraîné par la paix. L’émaillerie renaît ; elle abandonne les sujets religieux et s’oriente vers la fabrication de portraits et de vaisselles. La tapisserie prospère dans la Marche. Les guerres de religion semblent tout d’abord épargner le Limousin, mais les seigneurs pensent échapper à la tutelle royale sous couvert d’un conflit idéologique : Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, converti au protestantisme en 1576, multiplie les expéditions contre les villes et les seigneuries voisines. Henri IV, couronné en 1589, annexe la vicomte de Limoges en 1607 : le Limousin, dévasté, perd le bénéfice du redressement économique amorcé après la guerre de Cent Ans.
La monarchie instaure une nouvelle période dans l’histoire du Limousin : centralisatrice, elle restaure l’unité du Limousin et écarte la noblesse du pouvoir. Les bourgeois récupèrent les pouvoirs qui leur avaient été confiés par Charles V, alors que la noblesse perd les siens. La vicomté de Turenne, dernière seigneurie indépendante, est cédée au roi en 1738. Les intendants détenteurs de l’autorité royale administrent le Limousin avec efficacité. Turgot, de 1761 à 1774, sera le plus célèbre intendant du Limousin. Il fait rénover les villes de Limoges, de Brive et de Tulle ; sous son impulsion, une école vétérinaire est fondée, la culture de la pomme de terre est introduite et le mouton améliore les jachères. Enfin, l’industrie de la porcelaine à Limoges crée les bases d’une économie stable et rémunératrice.
Le 26 février 1790, l’Assemblée nationale constituante découpe le Limousin en trois départements, Haute-Vienne, Creuse et Corrèze, respectant les limites culturelles de la province. Le Limousin connaît alors une longue période de calme, sinon de marasme, économique. L’industrie progresse lentement, et l’agriculture reste figée en dépit d’efforts pour favoriser de nouvelles cultures ou une meilleure technique de l’élevage. Le Limousin est alors à l’origine d’un vaste mouvement d’émigration : en 1801, treize mille Creusois quittent le département ; en 1820, quinze mille.
ART
L’époque romane a laissé en Limousin des églises de grand caractère qui témoignent de l’importance des implantations monastiques du haut Moyen Âge. Tous les monastères limousins furent des centres artistiques constamment vivifiés par les échanges entre pays de langue d’oil et de langue d’oc, que favorisaient la route de pèlerinage menant de Vézelay à Compostelle et aussi celles qui reliaient les abbayes bénédictines réformées par Cluny. « Puissance des masses, précision châtiée des lignes, densité des supports, sobriété de l’ornement, ce sont là des valeurs communes aux monuments romans du Limousin. » (J. Maury.) Ainsi de Beaulieu, Solignac, Saint-Léonard-de-Noblat, Chambon-sur-Voueize, Saint-Junien, Le Dorat.
Située au bord de la Dordogne, l’abbaye de Beaulieu remonte au ixe s., mais, pour l’essentiel, l’église actuelle date du xiiie s. Elle émerge des vieux toits du village entouré d’arbres, d’eau et d’herbages. Son chevet n’est qu’harmonie de courbes, et son portail se place au premier rang des fortes œuvres de la sculpture romane. Le tympan (5,88 m sur 4,10 m) est dominé par le Christ glorieux de la parousie : les bras étendus à l’horizontale, les mains largement ouvertes, drapé dans une robe aux amples plis, le visage serein aux yeux immenses, il apparaît comme le vainqueur du mal. À l’appel de la trompette sonnée par un ange, les morts soulèvent les pierres sépulcrales et le regardent, ébahis ; saint Pierre le contemple, comprenant enfin que la croix permet l’accès à la gloire. Car, derrière le Seigneur, la croix nimbée, portée par des anges, se dresse pour rappeler quel fut le prix de la Rédemption. Les puissances mauvaises, incarnées en des animaux de cauchemar, sont représentées au registre intermédiaire et au linteau, terrassées par le Christ. Au trumeau, directement inspiré de Moissac, des personnages en atlantes supportent le tympan et, aux pieds-droits, saint Pierre et saint Paul, en des attitudes ondoyantes, gardent l’entrée de l’abbatiale. Enfin, sur la face interne des contreforts du portail, le maître de Beaulieu a représenté Daniel dans la fosse aux lions et le Christ au désert repoussant la triple tentation de Satan : deux annonces du triomphe de la Grâce qui éclate au tympan. L’église a la forme d’une croix latine. Sa nef de quatre travées, voûtée en berceau sur doubleaux comme le large transept, est flanquée de bas-côtés voûtés d’arêtes. À la croisée s’élève une coupole à huit pans sur pendentifs plats, que surmonte le clocher octogonal trapu. Le chœur, voûté en cul-de-four et éclairé par quatre fenêtres en plein cintre, repose sur cinq arcs brisés supportés par des colonnes cannelées. Un déambulatoire à voûtes d’arêtes l’entoure, sur lequel s’ouvrent trois chapelles en hémicycle pareilles à celles des bras du transept. L’église de Solignac s’inscrit dans le paysage d’eaux vives et de verdure de la vallée de la Briance. Là, dès le viie s., s’éleva une abbaye qui devait être à l’origine de tous les ateliers d’orfèvrerie du Limousin. Ne dit-on pas que saint Éloi y fit pratiquer l’ « opus inclusiorum », qui consistait à enchâsser des verres taillés et des pierres précieuses, à froid, dans des réseaux de lamelles d’or. Souvent pillée et incendiée du viiie au xie s., elle connut au xiie une grande prospérité dont témoigne son église à coupoles. Du narthex, on descend par quatorze marches dans un vaste espace (62 m sur 17,70 m), parfait dans ses proportions et tout baigné de paix. Deux travées carrées constituent la nef, couverte de coupoles hémisphériques reposant sur de grands arcs brisés que supportent des piliers carrés ; entre ceux-ci, le long des murs percés de fenêtres en plein cintre, des arceaux soutiennent une étroite coursière. La coupole de la croisée du transept a le même diamètre (10,55 m) que celles de la nef. Le chœur à sept arcades est aussi voûté d’une coupole, mais aplatie contre l’arc de l’entrée et reposant sur le mur du chevet, percé de cinq fenêtres.
Une nef unique à berceaux transversaux, un chevet admirable, un vaste chœur à déambulatoire, un clocher élégant où se combinent le carré et l’octogone caractérisent l’église de Saint-Léonard-de-Noblat (xiie s.). Un robuste clocher aux baies géminées, au toit fait de deux pyramides superposées surmontées d’un clocheton, qui domine la cascade des toits du chœur, du déambulatoire, de l’abside et des absidioles, donne à l’église de Chambon-sur-Voueize son attachante personnalité. Celle de Saint-Junien conserve un morceau de choix de la sculpture romane : le sarcophage de son saint patron. L’église en croix latine du Dorat (xiie s.) est d’une rigueur exemplaire : trois chapelles sur le déambulatoire, deux sur le transept, une tour-lanterne octogonale à la croisée du transept, une nef en berceau brisé sur doubleaux épaulée par d’étroits collatéraux voûtés d’arêtes, un portail à quatre voussures ondulées de sept lobes chacune, que surmonte un massif clocher carré aux arcs aveugles. La crypte, fortement maçonnée (xie s.), dépouillée à l’extrême, mystérieuse, ramène l’espace sacré à l’essentiel. Ces fortes œuvres n’épuisent pas les richesses romanes limousines. Il y a encore les églises de Collonges, en grès rouge, de Lesterps, au puissant clocher-porche, de La Souterraine, dont la crypte vénérable témoigne d’un culte très ancien, d’Uzerche, de Meymac, du Moutier-d’Ahun. Cistercienne par ses vitraux incolores dont les lames de plomb dessinent des figures géométriques, sa nef voûtée d’un berceau brisé, son abside polygonale, mais fortement marquée par les influences romanes locales, l’église d’Aubazines (fin du xiie s.) s’élève sur une colline entre Brive et Tulle, au centre du village qui lui doit la vie. La seule réalisation gothique d’envergure en Limousin est la cathédrale de Limoges. Mais il existe, sur des pitons ou des pentes abruptes, d’imposants châteaux construits ou remaniés aux xive et xve s. : Turenne, Crozant, Malval, Bonneval, Montbrun, Arnac-Pompadour... La « chambre des Chasses » du château de Rochechouart conserve des peintures murales pleines de mouvement (début du xvie s.). De la Renaissance datent l’hôtel Labenche de Brive et celui des Moneyroux de Guéret. Des temps classiques, les châteaux de Saint-Germain-Beaupré, de Cosnac ou le ravissant Saint-Priest.
Les émaux limousins
Les musées de Limoges et de Guéret ainsi que plusieurs églises de la province — Ambazac, Bellac, Gorre, Saint-Sulpice-les-Feuilles, Le Chalard, Nexon, Saint-Martin de Brive — conservent d’admirables exemples de la production des ateliers d’émaillerie et d’orfèvrerie du Limousin. Ces œuvres ont des rapports étroits avec les pièces des ateliers de Conques, de Santo Domingo de Silos en Castille et de Roda de Isábena en Aragon. Les émaux circulaires de la châsse reliquaire de Bellac, aux magnifiques tons vert, bleu, turquoise, se détachent de l’or des fonds et représentent le Christ tenant une croix-enseigne, l’agneau nimbé portant la croix triomphante, les symboles des évangélistes, l’arbre de Vie et la Vierge. Par ses traits vigoureux, la plénitude de ses volumes, la symphonie de ses ors et de ses tons rouge, turquoise, jaune, bleus, la châsse de Gimel, avec ses anges, ses apôtres en mouvement et Jésus en buste sur les nuages, est un chef-d’œuvre. Celle de Malval, au musée de Guéret, représente sur une face le martyre de saint Étienne et sur l’autre un merveilleux décor diapré de quatre-feuilles. Somptueuse aussi la châsse d’Ambazac, en cuivre repoussé, ornée d’émaux, de cabochons, de gemmes. L’église de Sainte-Fortunade garde le chef reliquaire en bronze étamé de la sainte (xve s.) : visage intemporel, d’une grâce exquise et cependant inquiète, celle de l’adolescente éternelle.
Les tapisseries de la Marche
Les ateliers de tapisseries de la Marche sont nés et se sont développés à Felletin, Aubusson et Bellegarde. Le comte de la Marche aurait, en 1331, confirmé ses privilèges à la ville d’Aubusson et appelé des artisans flamands d’Oudenaarde. Aux xve et xvie s., ces ateliers eurent une activité intense et un grand rayonnement. Les tentures murales qu’ils produisaient, destinées aux grandes demeures, représentaient des animaux et des feuillages, des « paisages et boccages avec de petites figures, des oiseaux ou bien de petites devises ». Encouragée par l’édit d’Henri IV interdisant l’importation des tapisseries (1601), la production se développa et mit à ses programmes des thèmes mythologiques. Elle s’effondra au xviiie s. : les œuvres de la Marche ne furent plus que des copies des Gobelins et de Beauvais ; par la suite, la décadence s’aggrava. Or, un renouveau spectaculaire s’est manifesté à partir de 1940, grâce à des artistes réfugiés dans la région, en particulier Jean Lurçat. Aujourd’hui plusieurs métiers à tisser témoignent de la vitalité de cet artisanat.