Limoges

Limoges
Limoges

Chef-lieu du département de la Haute-Vienne, à 374 km au S. de Paris.

  • Population : 133 742 hab. (recensement de 2018)
  • Nom des habitants : Limougeauds
  • Population pour l'agglomération : 185 867 hab. (recensement de 2009)

GÉOGRAPHIE

Située dans l'ouest du Massif central, c'est la plus grande ville entre Loire et Garonne. L'agglomération concentre 20 % de la population régionale, mais souffre des difficultés des branches industrielles traditionnelles (porcelaine [dont elle demeure cependant le grand centre français], travail du cuir). Celles-ci sont insuffisamment relayées par les constructions mécaniques (industrie automobile) et électriques. Ce rôle moteur de l'industrie est insuffisamment assuré aujourd'hui (les anciennes industries sont mal relayées par des activités nouvelles, comme l'automobile, l'aéronautique, malgré la réussite du matériel électrique, la chimie (pharmacie). L'essor actuel est davantage dû au commerce, à l'administration, aux services (université), qui font de Limoges le principal pôle de développement dans un Limousin dépeuplé, vieilli, sous-industrialisé et d'agriculture extensive. Tournée vers l'O., mais mordant peu sur les Charentes (Confolentais) et le Périgord (Nontronnais), la zone d'influence s'étale du N. au S., d'Argenton à Thiviers, mais, à l'E., laisse à Montluçon et à Clermont-Ferrand de vastes secteurs du Limousin toujours orientés vers l'Auvergne. La fonction tertiaire (administration, université, commerce) est aujourd'hui prépondérante. L'aéroport de Bellegarde, situé à 10 km au N.-O. de la ville, accueille 400 000 passagers par an, ce qui en fait le 23e aéroport français, et propose notamment des vols à bas coût vers la Grande-Bretagne.

La ville est née à l'époque romaine, grâce à un site favorable (gué, début d'élargissement de la vallée de la Vienne) plutôt qu'à sa situation (uniformité relative des plateaux limousins, éloignement des grands courants de circulation). Devenue artisanale (émaillerie, tissus, pelleterie) au Moyen Âge, puis animée par les manufactures du xviiie s. (filature, tissage, flanelles, porcelaine), elle connaît son expansion industrielle principale au xixe s. (porcelaine, chaussures; papeteries au voisinage).

L'HISTOIRE DE LIMOGES

Augustoritum, capitale des Lémovices, peuple gaulois de l'Aquitaine, doit à l'occupation romaine son entrée dans l'histoire. L'ordre romain, qui avait construit des temples et un amphithéâtre de vingt mille places, est troublé par les invasions barbares : les habitants érigent une enceinte fortifiée sur l'actuel emplacement de la cathédrale Saint-Étienne. Ce refuge est à l'origine de la Cité, qui, malgré ses défenses, est saccagée par les troupes du roi wisigoth Alaric II en 488 : convertis à l'arianisme, les Wisigoths avaient voulu imposer aux habitants de Limoges, évangélisés par saint Martial, un évêque arien ; l'Église avait refusé l'autorité d'un hérétique.

Parallèlement à la Cité s'édifie en 848, à l'emplacement du tombeau de saint Martial, une abbaye. Au xe s., les abbés font entourer de murailles les habitations autour de l'abbaye. Cette enceinte constitue la première ébauche du Château, qui, agrandi au xiiie s., forme une agglomération trois fois plus importante que la Cité : le vicomte de Limoges édifie son donjon dans l'enceinte de l'abbaye Saint-Martial. Ainsi, deux villes se trouvent face à face : la Cité de l'évêque et le Château. Le traité de Paris en 1259 consacre cette dichotomie : le Château relève du roi d'Angleterre, et la Cité de l'évêque.

Limoges cependant s'affirme comme capitale de province. En 1301, le concile de Limoges invite les princes à affranchir les serfs et surtout confirme que saint Martial était un compagnon du Christ. La ville devient alors prestigieuse : les comtes-ducs d'Aquitaine se font couronner à Saint-Étienne ; l'école et la bibliothèque de Saint-Martial attirent les clercs et les écoliers.

La reprise de la guerre entre le roi d'Angleterre et le roi de France en 1337 bouleverse une fois de plus le sort de Limoges : Charles V obtient par négociations en 1370 la Cité, que le Prince Noir rase en guise de représailles (septembre). Pourtant, avant la fin de l'année, les bourgeois du Château se joignent à Charles V. La fin de la deuxième guerre de Cent Ans impose la paix : l'industrie de l'émaillerie renaît dans la région de Limoges ; la construction de la cathédrale Saint-Étienne, commencée en 1273, se poursuit aux xve et xvie s. Les guerres de religion épargnent Limoges, et, en 1607, Henri IV annexe définitivement la vicomté de Limoges à la couronne.

LA PORCELAINE DE LIMOGES

Turgot, intendant du Limousin de 1761 à 1774, entreprend la rénovation de Limoges : il fait abattre les remparts de la ville, améliore le réseau routier, mais surtout cherche à donner à la ville une vocation industrielle en développant l'industrie de la porcelaine. La découverte du kaolin à Saint-Yrieix en 1768 et l'abondance des autres composants de la pâte à porcelaine, feldspath et quartz, justifient cette entreprise. À la suite des efforts de Turgot et des recherches du chimiste Nicolas Fournerat, la porcelaine de Limoges est la première des porcelaines dures à être fabriquée en France, comparable à la porcelaine chinoise dont le secret était exploité en Saxe depuis 1713 grâce au kaolin d'Aue. En 1771, Massié, Grellet et Fournerat fondent à Limoges la première porcelainerie limousine, qui est ensuite jumelée avec celle de Sèvres (1784). En 1807, Limoges compte cinq manufactures avec sept fours en activité, et en 1826 vingt-six entreprises. Cependant en dépit de sa vitalité, l'industrie porcelainière séduit peu les pays étrangers. Mais un commissaire en poterie de New York, David Haviland, fait transformer en 1842 le style de décoration des porcelaines dans le goût américain. Les États-Unis importaient 753 colis de porcelaine en 1842, alors qu'en 1853 ils en importent 8 594. L'industrie de la porcelaine progresse régulièrement et atteint son apogée en 1898 : Limoges compte alors 10 500 salariés. Lorsque les industriels mécanisent les procédés de fabrication, les ouvriers porcelainiers s'insurgent : les grèves violentes de 1905 donnent à Limoges la réputation d'une ville « rouge ». Bien que Limoges réalise encore 90 % des exportations de la porcelaine française, l'industrie de la porcelaine est supplantée par l'industrie de la chaussure après la Première Guerre mondiale.

L'ART À LIMOGES

L'enluminure

L'abbaye Saint-Martial, fondée en 848, rattachée à Cluny en 1062 et détruite au début du xixe s., mais près de laquelle on a dégagé, de 1960 à 1962, les parties souterraines de sanctuaires plus anciens, fut un foyer rayonnant de création artistique à l'époque romane, avec ses ateliers d'orfèvrerie, d'enluminure et de sculpture. Sur le chemin de Compostelle venant de Vézelay, son église de vastes dimensions constituait une étape majeure. Sa bibliothèque, l'une des plus importantes de la chrétienté, a été vendue au xviiie s., par les chanoines successeurs des moines, à la Bibliothèque du roi. Aussi la Bibliothèque nationale de France conserve-t-elle une bible de Saint-Martial de la fin du xie s., formée d'incomparables enluminures où les sculpteurs romans languedociens puisèrent l'inspiration de leur bestiaire. Dans ses pages éclatantes de tons vermillon, pourpre, turquoise se poursuivent et s'affrontent lions, taureaux, ours, daims, singes, chiens, lièvres et paons. La Vie de saint Martial par Adémar de Chabannes (988-1034, B.N.F.) foisonne d'une végétation luxuriante. Des pages entières de la bible de Saint-Martial et du sacramentaire de la cathédrale de Limoges (vers 1100, B.N.F.) sont couvertes de véritables peintures apparentées aux fresques romanes poitevines.

Les émaux

Limoges fut aussi, à partir des ateliers monastiques de Saint-Martial, une ville d'émailleurs dont la production se répandit jusqu'à Jérusalem, à Kiev et en Irlande. On appelait les émaux opus Lemovicum (œuvre de Limoges). Ils servaient à orner les autels et les objets du culte, puis, quand la liturgie du saint sacrement se développa, les réserves eucharistiques. Les ateliers de Limoges produisirent d'abord des émaux cloisonnés, puis inventèrent le procédé dit « champlevé », qui consiste à sculpter sur du cuivre, au marteau et au burin, les cavités qui recevront l'émail. Les lingots de cuivre arrivaient de l'étranger, et le sous-sol limousin produisait l'or, l'antimoine, le manganèse, l'oxyde d'étain, à l'exception de l'oxyde de cobalt, que l'on importait. Au moyen de matrices, les émailleurs de Limoges transformaient les têtes de rivets en visages humains.

Cet art a connu deux grandes périodes : aux xiie et xiiie s., puis aux xve et xvie s. On peut admirer au musée municipal de Limoges (musée de l'Évêché) une collection de 300 émaux qui comprend notamment une douille de crosse du xiie s. en cuivre émaillé de vert, turquoise, bleu et blanc, où deux oiseaux s'inscrivent dans un cercle, et un coffret eucharistique (vers 1200) orné d'émaux représentant le Pantocrator, les bras ouverts, siégeant sur les nuées, encadré par la Vierge, saint Pierre et les apôtres dans des mandorles, pièce remarquable d'un artiste parvenu à une maîtrise exceptionnelle. Les influences de l'art byzantin et de l'islam sont manifestes dans les œuvres des émailleurs limousins, comme dans celles des orfèvres de Conques.

À la fin du xiiie s., les artistes limousins, qui possédaient à fond les techniques du repoussé, forgèrent de grandes feuilles de cuivre et en recouvrirent des statues de bois. Leur renommée était telle qu'ils recevaient des commandes princières de Champagne, d'Angleterre et d'Espagne.

Au xve s., Limoges lança la mode des émaux peints. Le musée municipal conserve de l'atelier de Monvaerni (auteur supposé des premiers émaux peints) l'Adoration des Mages et la Mise au tombeau du Christ, et le Louvre quant à lui conserve douze plaques représentant les scènes de la Passion. On peut voir au musée de Cluny, à Paris, le Calvaire, émail peint de Nardon Pénicaud (vers 1470- vers 1542), encore d'inspiration gothique ; à Londres, au Victoria and Albert Museum, l'Annonciation de l'atelier du Triptyque de Louis XII. Peu à peu, les émailleurs cessèrent de créer et se contentèrent de reproduire des œuvres célèbres, dont celles de Dürer.

L'architecture

Limoges, centre d'une province particulièrement riche en art roman, ne possède aucun monument de ce style, Saint-Martial ayant été détruit à la Révolution. L'art gothique y a laissé la cathédrale Saint-Etienne, commencée en 1273 et attribuée à l'architecte Jean Deschamps, à qui l'on doit les cathédrales de Clermont et de Narbonne. Sa construction dura longtemps puisque la partie occidentale du transept et les deux dernières travées du chœur datent de la fin du xve s. Une extrême pureté de lignes caractérise l'intérieur sévère de l'édifice, aux voûtes hardies, que le jubé, réalisé sous l'épiscopat de Jean de Langeac, pare des grâces de la Renaissance. Le portail Saint-Jean du transept nord (début du xvie s.), étroit et élancé, à trois étages avec une grande rose losangée, est une réussite achevée du style flamboyant. Deux autres églises gothiques s'élèvent à Limoges : Saint-Michel-des-Lions (xive-xvie) s., sans transept ni abside, à trois nefs de même hauteur éclairées de larges verrières, et Saint-Pierre-du-Queyroix (xiiie-xvie) s., qui a la forme d'un rectangle irrégulier.

L'architecture classique est représentée par l'ancien palais épiscopal (1766-1787), œuvre des frères Joseph (1731-1797) et Mathurin (1732-1793) Brousseau, qui abrite le musée municipal.

LES MUSÉES DE LIMOGES

Le musée national Adrien-Dubouché, rattaché au musée national de Céramique de Sèvres en 1951, est principalement riche des collections qui lui ont été données en 1870 et 1880 par le mécène limousin André Dubouché. Ce sont les plus importantes de France : porcelaines de la Chine, du Japon, de Perse, de la Compagnie des Indes, des principales fabriques d'Europe et de Limoges ; faïences de Rouen, Moustiers, Nevers, Lunéville, etc.

Le musée de l'Évêché possède, outre les collections d'émaux limousins, des antiquités égyptiennes, des sculptures gallo-romaines et médiévales, des dessins de maîtres modernes.