Alsace
Ancienne Région administrative de l'est de la France, regroupant les deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, appartenant depuis 2016 à la Région Grand-Est.
- Superficie : 8 280 km2
- Population : 1 845 687 hab. (recensement de 2010)
- Nom des habitants : Alsaciens
- Chef-lieu : Strasbourg
GÉOGRAPHIE
Géographie physique
Le cadre physique et les paysages humanisés concourent à la diversité de l'identité alsacienne. Bordé à l'est par le Rhin et à l'ouest par le massif boisé des Vosges, le fossé d'effondrement rhénan constitue l'ossature de la région.
Le versant oriental des hautes Vosges, qui délimitent nettement l'Alsace de la France de l'Est, surplombe le fossé rhénan face à la Forêt-Noire, en territoire allemand. Le ballon de Guebwiller couronne, à 1 424 m d'altitude, le massif vosgien. Sur ce dernier s'étagent herbages et cultures, vastes forêts de feuillus et de conifères, hautes chaumes, où perce abondamment la roche dégarnie. Du sud au nord, les Vosges se rétrécissent et s'abaissent progressivement pour ne former qu'un bourrelet montagneux au niveau du col de Saverne, juste au sud du parc régional des Vosges.
Situées à l'interface plaine-montagne, les collines sous-vosgiennes portent des sols calcaires et marneux, enrichis de lœss (dépôts limoneux d'origine éolienne). C'est le domaine de la vigne alsacienne, qui se confond avec les vallées entaillant le massif oriental des Vosges. Une dénivellation de plus de 1 000 m transforme la plaine rhénane en un vaste couloir où convergent les rivières vosgiennes et l'Ill, qui prend sa source dans le Jura septentrional. Rives gauche et droite du Rhin ont été modelées par le fleuve, dont les flots furent à l'origine des multiples bras qui ont donné naissance au Ried (« terrain marécageux », en allemand) verdoyant et giboyeux, mais dont les effets s'atténuèrent lorsque, au xixe s., des travaux d'endiguement furent réalisés. Les rieds sont des sols humides, souvent caillouteux, parfois boisés, par endroits fertiles grâce aux dépôts de lœss. La plaine alluvionnaire s'étend jusqu'au piémont vosgien par une lente transition conduisant d'un milieu de graviers à des terrasses limoneuses étagées. Autour de Strasbourg, trois lobes lœssiques – l'un au nord, l'autre à l'ouest, le troisième au sud – ont contribué à la réputation d'une agriculture riche et diversifiée.
Le climat
La structure du relief confère à l'Alsace un climat semi-continental, les Vosges faisant obstacle aux vents d'ouest. Des printemps tardifs et des automnes précoces, des étés chauds et des hivers parfois rudes, en particulier dans les hauteurs, contrastent avec le climat du Bassin parisien. Les étés connaissent d'abondantes précipitations – les orages sont fréquents –, qui apportent suffisamment d'humidité pour permettre la culture du maïs en plaine. Néanmoins, celle-ci est nettement moins arrosée que le massif vosgien. L'ensoleillement, qui se prolonge en automne, est favorable à la vigne et aux arbres fruitiers.
L'exposition du piémont oriental des Vosges est telle que la vigne y trouve sa terre d'élection, le long de la fameuse « route du vin », dont les crus les plus prestigieux sont localisés près de Colmar.
La population
L'Alsace est la plus petite région métropolitaine française mais l'une des plus denses. Si la densité moyenne est de 224 habitants par km2, en plaine elle est de l'ordre de 400 habitants par km2. La zone de contact entre la plaine d'Alsace et les Vosges fut le siège d'une industrialisation précoce et les entrées des vallées des emplacements privilégiés pour les petites villes. Leurs maisons à colombage, contribuent à donner son cachet particulier à l'architecture alsacienne. Elles sont encore des relais conduisant du Rhin et des grandes et moyennes villes qui se sont développées à proximité (Strasbourg, Colmar, Mulhouse d'une part, Saint-Louis, Sélestat et Haguenau d'autre part) à la Lorraine, par des cols dont le plus pittoresque est celui de la Schlucht.
L'Alsace est aussi l'une des régions les plus urbanisées de France, 87 % des habitants vivent dans une aire urbaine . L'agglomération de Strasbourg qui regroupe environ le tiers de la population urbaine, devance de loin Mulhouse, capitale économique du sud de l'Alsace, Colmar centre administratif et commercial et un réseau serré de petites agglomérations.
La population continue à croître à un rythme soutenu (0,4 % par an en moyenne, entre 2006 et 2012) grâce à l'immigration étrangère et à un solde naturel excédentaire. Plus de la moitié des étrangers qui s'installent en Alsace sont européens, allemands et suisses surtout. Par ailleurs, contrairement à la décennie quatre-vingt-dix, le solde migratoire global avec les autres régions françaises est devenu négatif. Il n'est positif que pour la seule tranche des 20-29 ans, étudiants ou jeunes actifs. L'Alsace est maintenant l'une des régions qui échange le moins de population avec le reste de la France métropolitaine. Le taux d'activité reste élevé, dû en grande partie à la relative jeunesse de la population, les 25-59 ans représentent un peu moins de la moitié de la population. Un actif sur dix résidant en Alsace travaille en Allemagne ou en Suisse.
Les activités
L'Alsace est une région riche dont la richesse est répartie de façon relativement équilibrée entre ses habitants. Le PIB alsacien par habitant est de l'ordre de 28 000 euros. Le taux de chômage largement inférieur à celui de la moyenne nationale jusqu'en 2002, s'est sensiblement élevé depuis, et continue son ascension. La hausse concerne davantage les hommes que les femmes et le chômage de longue durée continue de s'accroître. La construction et le commerce sont les secteurs les plus touchés. Si la viticulture est la première activité agricole régionale, c'est le secteur tertiaire qui domine maintenant dans cette région aux traditions commerciales affirmées.
La forêt occupe environ un tiers du territoire (342 000 ha). Dans le secteur agricole, on observe qu' un agriculteur sur quatre est un « double actif », et que prédoninent les petites exploitations, la surface agricole utile moyenne par exploitation étant de 28 ha environ. Les céréales, le lait, la viande, mais aussi des productions intensives à haute valeur ajoutée (houblon, tabac, fourrages, légumes, maïs doux, choux à choucroute et betterave à sucre) complètent la viticulture,qui représente 30 % des exploitations, 16 200 ha et environ 1,1 million d'hectolitres de vin.
L'Alsace est également une région fortement industrialisée (troisième région française la plus industrialisée). De forte tradition manufacturière, l'industrialisation s'est engagée au xixe s. autour du textile, de la construction mécanique et de la chimie (Strasbourg, Mulhouse, Colmar, Haguenau et Molsheim). Cette industrie est aujourd'hui plus fortement diversifiée. Parallèlement à la métallurgie, aux constructions mécaniques, aux équipements électriques et à la construction automobile (PSA à Mulhouse est le premier employeur régional), se sont déployés de nouveaux secteurs, parfois de pointe : électronique et biotechnologies (Alsace BioValley emploie plus de 10 000 personnes, ce qui représente entre 10 et 15 % de l'activité nationale dans le domaine) ; l'Alsace est un grand centre de la recherche scientifique dans ce domaine). Les autres secteurs industriels importants sont l'agroalimentaire (première région brassicole, l'Alsace produit 60 % de la bière française en 2012), la fabrication de matériel de transport terrestre et les industries chimiques sur le Rhin. La potasse a été la dernière ressource exploitée du sous-sol (jusqu'en 2002). La présence importante de capitaux étrangers dans l'industrie fragilise l'emploi régional. L'approvisionnement énergétique est partiellement assuré sur place par le pétrole, raffiné dans la banlieue de Strasbourg, et l'électricité des centrales hydrauliques du grand canal d'Alsace, complétées par la centrale nucléaire de Fessenheim.
L'Alsace est la cinquième région exportatrice française en valeur, mais la première en valeur par habitant, plus du double de la moyenne française. L'Allemagne reste son premier partenaire commercial.
Les infrastructures de transport se mettent en accord avec l'importance des échanges. La région est maintenant atteinte par le TGV. Outre Paris, Lille, Bordeaux, Nantes et Rennes bénéficient de liaisons directes avec l'Alsace. L'offre concernant les trains express régionaux a doublé en 10 ans et leur fréquentation progresse de façon très sensible. L'aéroport de Bâle-Mulhouse, connaît une forte croissance pour les passagers (plus de 5,3 millions) et un trafic important pour le fret (39 000 tonnes). Le trafic des trois ports alsaciens dépasse 15 millions de tonnes, dont 60 % pour Strasbourg, deuxième port fluvial français.
Le secteur tertiaire est devenu le premier fournisseur d'emplois, prépondérance partiellement liée au traditionnel développement du commerce. Les principaux atouts de l'Alsace sont la banque, l'éducation et la recherche, la diplomatie (Strasbourg est la deuxième ville diplomatique de France). Dans le domaine de l'enseignement supérieur, qui compte près de 70 000 étudiants, l'Alsace mise sur le rapprochement des établissements, avec, notamment, la fusion des trois universités de Strasbourg, et sur le développement de la coopération universitaire transfrontalière, initiée depuis 1989. L'Alsace est aujourd'hui le troisième pôle scientifique français et se classe au neuvième rang mondial pour les publications scientifiques et deuxième région en termes d'attractivité pour les chercheurs étrangers (hors région parisienne). Le tourisme est aussi localement actif, notamment dans les Vosges, le vignoble et les deux préfectures.
L'Alsace, longtemps frontière, retrouve une vocation de carrefour, de pays rhénan (comme en témoigne l'activité du port fluvial de Strasbourg), valorisant une situation géographique remarquable au cœur de l'Europe de l'Ouest, qui contribue à en faire sans doute la plus « européenne » des 21 Régions françaises.
HISTOIRE
1. Des origines au xiie s.
À partir de 352 après J.-C., les invasions barbares éprouvent l'Alsace celtique – prospère sous les Romains –, qui voit s'installer dans la plaine rhénane les Alamans ; ceux-ci, avec les Francs, leurs vainqueurs, constitueront le fond de la population germanique.
Sous les Mérovingiens, par l'action du christianisme, l'Alsace dégage sa personnalité au sein de l'Alamannie. Strasbourg apparaît comme un carrefour international : en 842, les rois Charles le Chauve, à qui échoue le futur royaume de France (Francia occidentalis), et Louis le Germanique, à qui est confié le noyau du royaume de Germanie (Francia orientalis), y scellent leur alliance. D'abord sous l'autorité de la Lotharingie (→ traité de Verdun [843]), l'Alsace est intégrée au royaume de Germanie en 870.
2. L'Alsace dans le Saint-Empire romain germanique
Sous la dynastie des Hohenstaufen qui règnent sur le Saint-Empire romain germanique (xiie-xiiie s.), l'Alsace voit prospérer ses villes, Strasbourg notamment, dont c'est l'« âge d'or ».
En 1353, dix villes alsaciennes constituent la Décapole, pratiquement indépendante.
L'Alsace devient, aux xve et xvie s., un grand foyer d'humanisme (naissance de l'imprimerie à Strasbourg, 1434) ; le luthéranisme et le calvinisme y trouvent un terrain propice.
3. L'Alsace sous influence française (xviie-xixe s.)
La guerre de Trente Ans (1618-1648) qui ravage l'Europe du Saint-Empire à l'Espagne, dévaste la région et la fait passer peu à peu sous l'influence française. En 1648, les traités de Westphalie transfèrent au roi de France les droits des Habsbourg en Alsace, qui reste cependant terre impériale.
À partir de 1657, Mazarin puis Louis XIV entreprennent l'investissement politique du pays, qui devient officiellement français en 1678 (→ traité de Nimègue).
Louis XIV renforce son acquisition en faisant appliquer par la cour souveraine de Brisach la politique des réunions aboutissant, en 1681, à l'annexion de la ville libre de Strasbourg qui devient le siège de l'intendance d'Alsace puis du Conseil souverain de la province.
La Révolution française, en créant les deux départements du Haut-Rhin (Colmar) et du Bas-Rhin (Strasbourg), achève l'intégration à la France de l'Alsace, à laquelle s'incorpore la République de Mulhouse (1798).
Jusqu'en 1870 se poursuit l'essor économique, démographique et politique de la province, désormais soumise au même régime administratif que le reste de la France.
4. L'Alsace « Terre d'Empire » (1870-1919)
Quand éclate la guerre franco-allemande de 1870, l'Alsace redevient un champ de bataille. Strasbourg résiste six semaines aux Allemands ; Belfort ne se rend pas, ce qui lui vaudra de rester français. Les Allemands exigent l'annexion au Reich du Bas-Rhin et du Haut-Rhin (sauf le Territoire de Belfort), en même temps que celle de la partie de la Lorraine qui est de langue germanique.
Le 10 mai 1871, l'Alsace-Lorraine devient officiellement allemande ; le 9 juin, elle est proclamée « Terre d'Empire » (Reichsland) ; elle est dotée d'un statut d'exception et d'un régime d'assimilation qui exclut la langue française au profit de l'allemand.
Une partie importante de la population, encadrée par le clergé catholique, résiste à cette politique. En 1874, les dix députés alsaciens au Reichstag (la chambre législative allemande) sont des « protestataires ».
Puis, avec le temps, l'antagonisme germanophobe est contrebalancé par un esprit autonomiste qui amène le gouvernement allemand à doter le Reichsland d'une Constitution (1879) : un lieutenant impérial (Statthalter) est placé à sa tête. Avec l'arrivée de nouvelles générations prenant la relève de celles qui ont connu le régime français, le calme se fait.
Cependant, l'idée de « revanche » en France et la politique malhabile de Guillaume II en Alsace réveillent, après 1906, l'esprit d'opposition, favorable à la France.
5. L'Alsace française (1919-1940)
La Première Guerre mondiale rend d'ailleurs l'Alsace à celle-ci. Mais les défauts de l'Administration française, la crise économique, l'instabilité ministérielle, le sectarisme de certains gouvernants créent un malaise qui réveille en Alsace l'esprit autonomiste. Néanmoins, la menace de l'hitlérisme, à partir de 1933, contribue à faire reculer cet esprit.
Pour en savoir plus, voir l'article Première Guerre mondiale.
6. L'Alsace annexée (1940-1944)
Évacuée en partie dès septembre 1939, l'Alsace est annexée en juin 1940 par les Allemands, qui se proposent dès lors de germaniser le pays en dix ans. Mais, pendant l'hiver 1944-1945, la province est libérée grâce à l'action conjuguée de la VIIe armée américaine de la 2e division blindée (→ Leclerc) et de la Ire armée française (→ de Lattre de Tassigny).
Pour en savoir plus, voir les articles Alsace-Lorraine, Seconde Guerre mondiale.