microcosme, macrocosme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec mikros, « petit », macros, « grand », et kosmos, « monde ». Les termes latins microcosmus et macrocosmus apparaissent vers le début du xive s.

Philosophie Générale

Les deux termes sont liés et traduisent l'unité harmonique entre l'homme (microcosme) et l'ensemble du cosmos (macrocosme), les deux étant considérés comme des vivants. Ils désignent par extension deux « mondes » isomorphes.

Le couple conceptuel formé par le micro- et le macrocosme ne laisse pas apparaître deux notions strictement définies, et elles doivent être envisagées comme des modes généraux permettant de penser les relations entre la partie et le tout. Du point de vue cosmocentrique, qui prévaut dans l'astrologie, le microcosme humain est le modèle réduit du macrocosme, dépendant d'un ensemble de lois qui le dépassent, peuvent forger son destin, mais auxquelles il peut aussi s'opposer en développant une magie ou une science. Du point de vue anthropocentrique, le macrocosme est une extension du microcosme, et l'homme peut comprendre le tout en se connaissant lui-même. La correspondance entre les deux termes peut être considérée au niveau symbolique, le microcosme livrant les secrets du macrocosme dans un langage ésotérique qu'il faut décoder pour mettre au jour l'harmonie.

L'idée selon laquelle l'homme est un « petit monde » se trouve déjà chez Démocrite, et Héraclite le pense comme étant composé des mêmes éléments que ceux qui structurent le cosmos, obéissant aux mêmes lois. Si les pythagoriciens n'ont pas véritablement développé de théorie du microcosme, leur conception des nombres et de l'harmonie a pu être utilisée en ce sens. Parce que l'homme contient dans son être des éléments minéraux, mais également des fonctions qu'il a en commun avec les végétaux, les animaux et les êtres divins, il apparaît comme le modèle réduit, le miroir, de l'ensemble des choses qui composent l'univers. Une telle conception ne se restreint pas à une composition d'éléments identiques arrangés de manière similaire (saint Grégoire, Albert le Grand), et il peut s'agir d'une analogie de rapport entre les forces cosmiques et les pouvoirs humains (Robert Grosseteste, Hildegarde de Bingen). L'homme est alors considéré comme le moyen terme entre le monde sensible et le monde intelligible, en harmonie avec le tout, et le christianisme strictement néoplatonicien a assimilé les théories micro- et macrocosmiques en pensant l'univers à l'image de Dieu, et l'homme comme image seconde, manifestant ainsi une dégradation progressive dans l'émanation de l'Un. La fin du Moyen Âge a vu décliner la conception microcosmique, qui portait en elle la possibilité de nombre d'hérésies panthéistes ou fatalistes, et entrait en contradiction avec le dogme en ouvrant la possibilité de penser un cosmos doté d'une âme. Des traces peuvent néanmoins en être retrouvées chez des auteurs de la Renaissance (Marsile Ficin, Campanella, et tout particulièrement Paracelse), qui insistent sur la place centrale de l'homme dans l'univers, dont il est le nœud et le lien (nodus et vinculum universi).

Ce couple conceptuel, même s'il n'est pas toujours explicitement formulé, peut s'étendre à l'organisation des hommes entre eux, soit pour établir une analogie entre le monarque et le centre de l'univers, ses sujets gravitant autour de lui comme autant de planètes, soit pour développer une théorie organique de l'État, macrocosme, dont l'homme, microcosme, est le modèle. En un sens plus large, souvent critique, l'expression « microcosme politique » est employée pour désigner les représentants, qui forment un « monde » restreint censé représenter le macrocosme citoyen.

La postérité la plus significative des ces notions est cependant à chercher dans une interprétation esthétique, qui voit le jour avec le romantisme (Novalis, Schelling, Hölderlin, Goethe, Baudelaire), au travers de la conception d'une relation d'harmonie existant entre l'homme et la nature, qui s'exprime dans l'art. Ce mouvement reprend en effet l'idée d'un cosmos vivant, organique, dans lequel l'œuvre d'art est indépendante de toute finalité externe, considérée en elle-même comme un « monde » qui n'a pas pour vocation de représenter la réalité empirique, mais de rendre présent l'Absolu et de le manifester de façon symbolique.

Didier Ottaviani

Notes bibliographiques

  • Allers, R., « Microcosmus from Anaximandros to Paracelsus », in Traditio, 2, 1944, pp. 319-407.

→ cosmos, monde, univers