contrainte

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin constringere, de cum, « avec », et stringere, « serrer ». En allemand, Zwang, du verbe zwingen, « comprimer », puis « forcer », « contraindre ».

Politique

Violence employée contre un sujet libre pour lui faire faire quelque chose contre son gré.

Dans sa théorie du Contrat social, Rousseau met en place une opposition forte entre l'obligation, qui est l'adhésion sincère du citoyen à la loi de l'État, et la contrainte, qui n'est que l'exercice autoritaire d'une force extérieure destinée à lui imposer les décisions du gouvernement. Le citoyen vertueux agit par obligation et reconnaît dans la volonté générale l'élément généralisable de sa propre volonté, au lieu que le simple sujet (celui qui, par exemple, survit dans les pays modernes) n'obéit qu'autant qu'on peut l'y contraindre. Aussi bien le risque de la contrainte dégage-t-il l'aspect moral des théories du contrat – l'adhésion au pacte social ne réclame pas seulement que se prononce le sujet juridique, mais bien que l'état des mœurs, des dispositions affectives du peuple rende inutile le recours à la contrainte. Sans le secours des mœurs, les lois ne peuvent probablement s'imposer que du dehors : « La loi n'agit qu'en dehors et ne règle que les actions ; les mœurs seules pénètrent intérieurement et dirigent les volontés. »(1). Mais ces indications permettent aussi bien de penser, en dehors du cadre des doctrines contractualistes, qu'il existe une forme de contrainte qui ne passe pas par l'exercice d'une violence effective, mais qui mobilise des techniques disciplinaires susceptibles d'obtenir l'intériorisation des normes, et l'expression publique de cette intériorisation : « Le pouvoir disciplinaire s'exerce en se rendant invisible ; en revanche il impose à ceux qu'il soumet un principe de visibilité obligatoire. »(2).

André Charrak

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Rousseau, J.J., Fragments politiques, XIV, [Des mœurs], 6, in Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, t. III, Paris, 1961, p. 555.
  • 2 ↑ Foucault, M., Surveiller et punir, Gallimard, Paris, 1975, p. 189.

→ autorité, violence

Psychanalyse

Manifestation essentielle de l'efficience des processus psychiques inconscients et de leur déterminisme, qui forcent à penser, à agir, à créer des symptômes et à répéter, sans égard pour la volonté ni l'intelligibilité conscientes. Névrose de contrainte (Zwangsneurose, « névrose obsessionnelle ») et contrainte de répétition (Wiederholungszwang, « compulsion de répétition ») en sont deux figures exemplaires.

De la suggestion posthypnotique à la névrose de destinée, en passant par les rites et rituels des névrosés de contrainte et des religions, la psychanalyse met au jour les figures de la contrainte psychique, individuelles et collectives. Elle en rend compte par les processus défensifs, qui stabilisent des compromis psychiques entre la dynamique pulsionnelle, visant continûment à réaliser des souhaits déterminés, et la dynamique du Je, tentant de se conformer aux réalités.

Le raffinement dans l'internalisation de contraintes externes – adaptation de l'espèce, éducation des individus –, qui crée la richesse du psychisme humain et de ses cultures, se paie par une exquise sensibilité à l'excès de contraintes, énergétique ou formel, pendant l'enfance : névroses, psychoses et perversions le démontrent.

Michèle Porte

→ ça, destin, éros et thanatos, inconscient, « névrose, psychose et perversion », répétition