Éros et Thanatos
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
En grec : Éros, « amour », dieu de l'amour et Thanatos, génie personnifiant la mort.
Psychanalyse
En dernière théorie freudienne, éros, ou pulsions de vie, regroupant pulsions sexuelles et pulsions d'autoconservation, s'oppose aux pulsions de mort, ou thanatos : ce sont les deux entités fondamentales du conflit pulsionnel. L'éros crée des unités organiques toujours plus grandes, tandis que les pulsions de mort tendent à réduire et à annihiler les excitations et les formes, pour un retour à l'inorganique.
La théorisation du narcissisme (Pour introduire le narcissisme, 1914), rendant caduque l'opposition entre pulsions sexuelles et pulsions d'autoconservation, conduisit à un monisme pulsionnel inapte à rendre compte des dynamiques conflictuelles. Le caractère conservateur des pulsions et l'existence de phénomènes irréductibles au principe de plaisir, révélés par la contrainte de répétition, imposèrent alors la pulsion de mort : « Le but de la vie est la mort et, en remontant en arrière, le sans-vie était là antérieurement au vivant. »(1). À l'inverse, les pulsions sexuelles, « pulsions de vie proprement dites », « conservent la vie elle-même pendant des périodes plus longues »(2).
S'il est difficile d'isoler les manifestations d'éros et thanatos du fait de la mixtion pulsionnelle – comme dans le masochisme, qui allie satisfaction libidinale et pulsion de destruction –, ces notions, par leur extension, rendent intelligibles des phénomènes de vaste dimension, des conflits entre les instances psychiques aux fonctionnements collectifs. Ainsi, la cohésion des groupes s'appuie sur l'éros et conduit les individus à réintrojecter les pulsions d'agressivité : « Ce développement ne peut que montrer le combat entre éros et mort, pulsion de vie et pulsion de destruction, tel qu'il se déroule au niveau de l'espèce humaine. »(3)
Avec éros et thanatos, la pensée freudienne dessine un « étrange chiasma »(4) dans le rôle dévolu à la sexualité : d'abord située du côté de la déliaison, du processus primaire et du pathogène, elle apparaît finalement porteuse de vie, tandis qu'une stabilité durable s'avère mortifère.
Benoît Auclerc
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Freud, S., Jenseits des Lustfrinzips, 1920, G.W. XIII, « Au-delà du principe de plaisir », O.C.F.P. XV, PUF, Paris, p. 310.
- 2 ↑ Ibid., p. 312.
- 3 ↑ Freud, S., Das Unbehagen in der Kultur, 1930, G.W. XIV, « Le malaise dans la culture », O.C.F.P. XVIII, PUF, Paris, p. 481.
- 4 ↑ Laplanche, J., Vie et Mort en psychanalyse, Flammarion, Paris, 1970, p. 188.