ça

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


En allemand : es, pronom neutre substantivé. Notion reprise de G. Groddeck, Das Buch vom Es (le Livre du ça, 1923).

Psychanalyse

Concept dynamique et énergétique, le ça est une notion équivoque et ambiguë – le choix du mot l'indique. Réservoir de l'énergie pulsionnelle – « chaudron plein d'excitations qui bouillonnent »(1) –, le ça est une des trois instances de la seconde conception topique de la personnalité psychique.

L'introduction de la notion de ça est un enjeu théorique. Après le second « pas »(2) dans la théorie des pulsions qui a montré que la libido pouvait investir le moi (narcissisme), Freud promeut le ça, qui en est le répondant topique et dynamique. La psychanalyse ne risque plus dès lors de se réduire à une psychologie du moi – qui n'est que « le disque germinatif », quand le ça est « l'œuf »(3).

Moi et surmoi étant des différenciations ontogénétiques du ça, les frontières qui délimitent les instances sont incertaines. Le moi, « partie du ça qui a été modifiée sous l'influence directe du monde extérieur », n'en est pas séparé et « fusionne avec lui dans sa partie inférieure »(4). Le moi tente de mettre le principe de réalité à la place du principe de plaisir (Wo Es war soll Ich werden(5)), mais, tel un cavalier, il va là où sa monture l'entraîne. Le sur-moi « plonge profondément dans le ça »(6) lui aussi : il est l'héritier des premiers objets d'investissement du ça, les figures parentales. Tout le ça est inconscient, et si « le refoulé [...] se fond avec le ça, il n'est qu'une partie de celui-ci »(7), puisqu'il se compose pour partie d'empreintes phylogénétiques héréditaires.

Le ça est soumis à la dynamique des pulsions de vie et de mort. « Grand réservoir de la libido »(8), il est pourtant en lutte contre Éros : dominé par le principe de plaisir, il s'efforce d'atteindre à la réduction complète des tensions induites par la libido.

Freud crédite Nietzsche, par-delà G. Groddeck, de l'invention de la notion de ça. Bien qu'inexacte à la lettre, cette révérence inscrit la réflexion freudienne dans la continuité des philosophies de la critique du sujet et du primat de la conscience.

Christian Michel

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Freud, S., Neue Folge der Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse (1932), G.W. XV, Nouvelles Conférences sur la psychanalyse, PUF, Paris, p. 99.
  • 2 ↑ Freud, S., Jenseits des Lustprinzips (1920), G.W. XIII, Au-delà du principe de plaisir, in Essais de psychanalyse, Payot, Paris, 2001, p. 99.
  • 3 ↑ Freud, S., Das Ich und das Es (1923), G.W. XIII, le Moi et le ça, in Essais de psychanalyse, Payot, Paris, 2001, p. 236.
  • 4 ↑ Ibid., pp. 236 et 237.
  • 5 ↑ Freud, S., « Là où ça était, je dois advenir », in Nouvelles Conférences sur la psychanalyse, op. cit., p. 107.
  • 6 ↑ Le Moi et le ça, op. cit., p. 263.
  • 7 ↑ Ibid., p. 236.
  • 8 ↑ Ibid., p. 242.

→ décharge, inconscient, libido, moi, narcissisme, principe, processus, refoulement, topique, vie