violence
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin violentia, « caractère emporté, farouche, force dangereuse ».
Philosophie du Droit, Politique, Morale, Psychologie
Atteinte imposée, intentionnellement ou non, à l'intégrité physique ou psychique d'un individu ou d'un groupe, atteinte le plus souvent perpétrée par un autre individu ou par un autre groupe. Mais elle peut aussi être imposée à soi-même. Ce phénomène concerne donc indifféremment la personne ou la collectivité. Il est lié à la condition de l'homme, et, bien qu'il ne soit pas nécessairement mauvais – car il peut témoigner d'une agressivité créatrice –, il est le plus souvent l'objet d'une condamnation morale ou d'une sanction juridique.
La violence habite les sociétés humaines, et elle est d'abord appréhendée socialement comme une tentative de destruction de l'ordre institué, que l'agression concerne un individu – elle est alors très localisée – ou l'ensemble du corps social(1). La violence est ainsi un problème pour la société qui est constituée en vue, sinon de la surmonter, tout au moins de la maîtriser. Cependant, le pouvoir qui préside, directement ou indirectement, aux destinées du corps social, ne répugne pas à en faire lui-même un usage calculé en vue d'arriver à des fins diversement interprétées(2). On peut considérer, en effet, que le pouvoir lutte par la violence contre la violence, et cet usage est alors qualifié de légitime ; on peut également estimer que le pouvoir n'a en vue que sa reproduction et la préservation de ses intérêts par la violence, au détriment de ceux qu'il exploite. Il faut noter, à cet égard, que la violence, dans les sociétés modernes, s'exprime avec moins de brutalité que dans les sociétés traditionnelles. En revanche, elle a pris des modalités sournoises et sophistiquées, qui vont de la propagande à certaines formes de traitement médical de la contestation ou de la déviance. Aujourd'hui, les médias jouent un rôle indéniable et important dans l'appréhension de la violence et dans sa diffusion(3).
La violence est également un phénomène qui hante constamment les relations entre les sociétés. Ce phénomène n'est pas seulement caractérisé par la guerre. Lorsqu'une société contraint une autre société, matériellement inférieure ou dépendante, à certaines conditions de commerce, elle exerce une violence.
La notion est difficile à définir et à apprécier. L'homme contemporain dispose de moyens de violence à la puissance inégalée dans toute l'histoire humaine. Simultanément, il redoute la violence, et, à la différence de ses ancêtres, il tend à la considérer comme un phénomène à la fois anormal et surmontable. Les idéologies de l'histoire ont le plus souvent tendu à justifier la violence libératrice, dans la mesure où elle accomplissait l'abolition définitive de la violence(4). Enfin, il est difficile de s'accorder sur le moment à partir duquel on peut parler de violence : la détermination d'un acte comme « violent » dépend souvent – pas toujours, naturellement – d'appréciations subjectives très variables. Ce qui est vécu comme une violence intolérable par certains est parfaitement supporté par d'autres, exposés à la même situation. Jusqu'à un certain point, la violence est relative.
Ghislain Waterlot
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Lorenz, K., l'Agression. Une histoire naturelle du mal, Flammarion, Paris, 1969.
- 2 ↑ Arendt, H., Du mensonge à la violence, trad. G. Durand, Calmann-Lévy, Paris, 1989.
- 3 ↑ Michaud, Y., la Violence, PUF, Paris, 1993.
- 4 ↑ Sorel, G., Réflexions sur la violence, Rivière, Paris, 1946.
- Voir aussi : Girard, R., la Violence et le Sacré, Grasset, Paris, 1972.