cause

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin causa, « cause, motif, raison, affaire judiciaire », en grec aitia, aition : « cause, raison, responsabilité, culpabilité, accusation ».


L'origine juridique du concept de cause met en avant l'idée d'une enquête qui pose une relation entre deux événements : la cause et son effet. C'est dans le cadre de la science classique puis contemporaine qu'est apparue une véritable crise de la notion de cause. Le sens en est fixé par Aristote dans les Seconds Analytiques, lorsque se trouve promue l'idée que toute connaissance enracinée dans la phusis ou « nature » procède par la formation d'un double syllogisme « scientifique ». D'une part celui qui part du fait observable pour aller vers la formulation d'une hypothèse, d'autre part celui qui part du principe ou de la cause et se dirige vers le fait. La question n'est alors plus celle du « fait » (oti) mais du « pourquoi » (dioti). Ce double mouvement opère un partage général entre les méthodologies idéalistes et empiristes, sans qu'il soit toutefois possible de séparer complètement les deux voies, ainsi que Galilée l'a bien vu en empruntant à la tradition scolastique de Zabarella un mouvement de double regressus démonstratif qui seul peut donner à la philosophie naturelle le contenu d'une science qui dispose de preuves et non de simples discours. Patente dans le conflit entre cartésiens et newtoniens, la crise de la notion de cause trouve chez Kant une forme de résolution : la physique ne saurait, sans outrepasser ses droits, prétendre au titre de science des causes. Il ne lui reste que les phénomènes, les effets, en partage, sans qu'il lui soit possible de prouver la vérité de la causalité elle-même par la mention d'une cause inconditionnée. Les causes en ce sens ne sont rien d'autre, pour une connaissance finie, que des effets antérieurs d'où surgissent d'autres effets. C'est ici qu'apparaît la nature proprement métaphysique de la notion de cause puisqu'il n'est pas possible d'achever une science des causes sans faire intervenir une cause primitive, originaire, dont toute réalité serait l'effet dérivé. La microphysique contemporaine accentue encore cette dichotomie méthodologique, du moins jusqu'à l'intervention décisive de Heisenberg, connexe de celle de Russell, qui pose l'impossibilité radicale de toute interprétation réaliste des objets manipulés ou créés par la physique. Ainsi s'ouvre, pour la notion de causalité, une ère peu favorable qui ne pourrait prendre fin qu'avec l'invention d'une représentation cohérente et unifiée des différentes parties de la science contemporaine. Plus qu'une réalité, la cause est de l'ordre du besoin d'achèvement et de complétude – sans doute impensable et impossible – du savoir humain.

Philosophie Antique et Médiévale

La distinction classique entre causalité et responsabilité – voire culpabilité – ne présente pas, dans l'Antiquité, un caractère évident. En témoigne ce débat entre Périclès et Protagoras, suscité par la mort accidentelle d'un jeune homme au pentathlon : qui, du lanceur de javelot, des organisateurs du jeu ou du javelot lui-même, devait être considéré comme aitios (« coupable, responsable, cause » de l'accident) ?(1)

C'est pourtant déjà en un sens strictement mécanique que certains présocratiques entendent le terme de « cause ». Ainsi, chez Démocrite, l'aitiologia(2), la « recherche ou exposition des causes », a-t-elle essentiellement pour but l'explication des phénomènes par les premiers principes que sont les atomes et le vide. Les causes des phénomènes sont les différences entre les atomes (forme, position, ordre) qui président à leur agrégation(3).

Cette conception de la cause, qui préfigure, en partie au moins, l'acception moderne du terme, n'a cependant pas prévalu dans l'Antiquité, précisément parce qu'elle n'accorde aucune place à une explication de type téléologique. Dans le Phédon, le Socrate de Platon décrit son enthousiasme de jeunesse pour les sciences de la nature ; l'espoir que suscite en lui la théorie d'Anaxagore qui considère que le Nous, l'« Intellect », est cause ordonnatrice de toutes choses(4) ; sa déception enfin lorsqu'il découvre qu'Anaxagore ne confère au Nous « pas la moindre responsabilité quant à l'arrangement des choses »(5) et se contente, à l'instar des autres physiologues, de ne retenir pour causes que les conditions mécaniques et matérielles. Moins radical dans le Timée(6), Platon reconnaîtra l'existence de causes mécaniques, mais ne verra en elles que des « causes auxiliaires » (sunaitiai), les « causes véritables » (aitiai) étant celles qui sont mises en œuvre intentionnellement par le démiurge en vue du meilleur : la cause véritable, c'est la fin.

Tout en affirmant que savoir consiste à connaître la cause, c'est-à-dire le « pourquoi » (dioti)(7), Aristote, comme Platon, critique la conception purement mécaniste de la cause. Il refuse néanmoins la thèse platonicienne selon laquelle les Formes ou Idées sont causes des autres êtres(8). Il définit la cause selon quatre acceptions(9), qui complètent et systématisent ce que ses prédécesseurs n'avaient qu'obscurément entrevu(10) : 1) ce à partir de quoi une chose est faite : la « matière » (hule) ou le « substrat » (hupokeimenon) du changement ; en ce sens, le bronze est la cause de la statue. Ce type de cause deviendra la cause matérielle des scolastiques. 2) La « forme » (eidos) ou le « modèle » (paradeigma), l'ousia ou la « quiddité » (to ti en einai) qui correspond à la raison d'être d'une chose : la cause formelle des scolastiques. 3) Le premier principe du changement ou du repos, qu'il soit délibéré – le sculpteur est la cause de la statue – ou non – il s'agit alors d'une cause mécanique : les scolastiques l'appelleront la cause efficiente. 4) Enfin – et surtout – la « fin » (telos), et qui, précisément, répond à la question « pourquoi ? », par exemple la santé comme cause de la promenade : cette cause recevra des scolastiques le nom de cause finale. Les trois dernières causes (formelle, efficiente et finale) « convergent souvent en une » et s'opposent par conséquent à la matière(11). Ce rôle central de la relation causale en physique se retrouve identiquement dans la logique d'Aristote. Dans le syllogisme démonstratif, les prémisses sont les causes de la conclusion(12). Enfin la conception aristotélicienne du Premier moteur immobile, cause première du mouvement aux Livres vii et viii de la Physique et cause finale qui meut comme objet d'amour au Livre λ de la Métaphysique(13), contribue à rendre effectif, par le biais de la notion de cause, le passage entre physique et théologie.

D'autre part, la physique est définie comme la science des êtres dont la nature est la cause, i.e. de ceux qui ont en eux-mêmes le principe de leurs mouvements : « Parmi les êtres, en effet, les uns sont par nature, les autres par d'autres causes ; par nature, les animaux et leurs parties, les plantes et les corps simples, comme terre, feu, eau, air ; de ces choses, en effet, et des autres de même sorte, on dit qu'elles sont par nature. Or, toutes les choses dont nous venons de parler diffèrent manifestement de celles qui n'existent pas par nature ; chaque être naturel, en effet, a en soi-même un principe de mouvement et de fixité, les uns quant au lieu, les autres quant à l'accroissement et au décroissement, d'autres quant à l'altération »(14). Posant sur cette base la question de savoir si la nature existe, Aristote considère que la réponse va de soi : « On vient de dire ce qu'est la nature, ce que c'est que d'être par nature et conformément à la nature. Quant à essayer de démontrer que la nature existe, ce serait ridicule ; il est manifeste, en effet, qu'il y a beaucoup d'êtres naturels(15). Cette affirmation motivera les critiques de tous les auteurs (en particulier Malebranche) qui reprocheront au Stagirite de définir la nature à partir de l'expérience sensible. Il est donc évident que la nature est, pour les choses qui en relèvent, un principe de mouvement et de repos immanent (c'est par là qu'elle se distingue de l'art). Selon la fameuse définition du 1er livre de la Métaphysique, « l'art est principe en une autre chose, la nature est principe dans la chose même »(16). Il faut ajouter que l'évidence que revendique Aristote ne relève pas seulement de l'expérience sensible. Il est évident que la nature existe, qu'il y a dans les corps naturels un principe immanent de changement car, si tel n'était pas le cas, on se trouverait dans une doctrine mécaniste (Démocrite) où tous les mouvements sont reçus du dehors – et il s'agirait alors de mouvements sans cause(17). Tout autre principe du mouvement que naturel est, du point de vue de la recherche de la cause, inintelligible.

Partisans du déterminisme et de la téléologie, les stoïciens s'attachent aussi à élaborer une classification des causes, y compris, et peut-être surtout, dans une perspective morale. La cause sustentatrice(18) correspond au souffle : principe actif d'existence, d'organisation, d'unification des choses. Elle est parfois aussi appelée « cause complète » (autoteles), « puisqu'elle est par elle-même, d'une façon qui se suffit à elle-même, productrice de l'effet »(19). La cause auxiliaire, en revanche, ne produit d'effet qu'en tant qu'elle se trouve associée à la cause complète. Cause auxiliaire et cause préliminaire ont des sens similaires, mais alors que la première intensifie l'effet de la cause complète, la seconde en constitue le facteur déclenchant. Chrysippe s'appuie, semble-t-il, sur la distinction entre cause complète et cause auxiliaire pour apporter une solution au problème éthique posé par le rapport entre destin et responsabilité humaine. Le destin, qui agit sur nous par le biais des impressions, est enchaînement de causes auxiliaires, préliminaires, qui vont déclencher notre action. Mais c'est notre caractère, cause complète et véritable de nos actes, qui en assume, en définitive, la responsabilité(20).

Annie Hourcade

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Protagoras, A 10 in J.-P. Dumont (éd.), Les Présocratiques, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1988.
  • 2 ↑ Démocrite, B 118, ibid.
  • 3 ↑ Démocrite, A 38, ibid.
  • 4 ↑ Anaxagore, B 12, ibid.
  • 5 ↑ Platon, Phédon, 96a-99d.
  • 6 ↑ Platon, Timée, 46c-47a ; voir aussi Lois, X, 897a-b.
  • 7 ↑ Aristote, Métaphysique, I, 1, 981a29.
  • 8 ↑ Ibid., I, 6, 987b17.
  • 9 ↑ Aristote, Métaphysique, I, 7, 983a25 sq ; V, 2, 1013a22 sq. ; Physique, II, 3, 194b23sq.
  • 10 ↑ Aristote, Métaphysique, I, 7, 988a23.
  • 11 ↑ Aristote, Physique, II, 7, 198a25.
  • 12 ↑ Aristote, Seconds analytiques, I, 2, 71b97 sq.
  • 13 ↑ Aristote, Métaphysique, XII, 7, 1072b3.
  • 14 ↑ Aristote, Physique, II, 1, 192 b.
  • 15 ↑ Aristote, Ibid., 193 a.
  • 16 ↑ Aristote, Métaphysique, 3, 1070 a 7.
  • 17 ↑ Aristote, Physique, VIII, 1, fin.
  • 18 ↑ Cicéron, Du destin, 28-30 (= Long, A.A. & Sedley, D.N., Les Philosophes hellénistiques, Paris, 2001, 55 S).
  • 19 ↑ Clément d'Alexandrie, Mélanges VIII, 9, 33, 1-9 (= Long, A.A. & Sedley, D.N., op. cit., 55 I).
  • 20 ↑ Cicéron, Du destin, 39-43 (= Long, A.A. & Sedley, D.N., 62 C).
  • Voir aussi : Duhot, J.-J., La Conception stoïcienne de la causalité, Vrin, Paris, 1988.
  • Frede, M., « Les origines de la notion de cause », in Revue de Métaphysique et de Morale, 94, 1989, Recherches sur les stoïciens, pp. 483-511.
  • Hankinson, R.J., Cause and Explanation in ancient Greek Thought, Oxford, 1998.
  • Ioppolo, A.-M., « Le cause antecedenti in Cic. De Fato », in Barnes, J. & Mignucci, M. (edd.), Matter and Metaphysics, Napoli, 1988.
  • Morel, P.-M., Démocrite et la recherche des causes, Klincksieck, Paris, 1996.
  • Robin, L., « Sur la conception aristotélicienne de la causalité », in Archiv für Geschichte der Philosophie, 23, 1910, I, pp. 1-28 ; II, pp. 184-210.
  • Sorabji, R., Necessity, Cause and Blame, Perspectives on Aristotle's Theory, Ithaca, New York, 1980.

→ acte, causalité, fin et moyen, mouvement, nécessité, principe, puissance, responsabilité

Philosophie Moderne

La cause, à l'âge classique, est le croisement, dans la nature, de l'efficience et de la loi.

L'évolution du statut de la cause à l'âge classique passe d'abord par une réduction directement liée au développement du mécanisme : la seule causalité efficiente suffit à produire tous les phénomènes de la nature. Dans les deuxième et troisième parties des Principes de la philosophie, Descartes exclut respectivement les causes formelles (la cohésion même des corps est suffisamment expliquée par le mouvement commun de leurs parties) et finales (dont nous ne pouvons rien connaître et qui sont inutiles à l'explication des changements survenant dans le monde matériel).

Toutefois, cette réduction s'accompagne d'une profonde interrogation sur la nature de la relation causale. La théorie classique de la causalité se construit contre l'héritage péripatéticien et elle récuse l'évidence alléguée par Aristote : « Aristote parlant de ce qu'on appelle nature, dit qu'il est ridicule de vouloir prouver que les corps naturels ont un principe intérieur de leur mouvement et de leur repos ; parce que, dit-il, c'est une chose connue d'elle-même. Il ne doute point aussi qu'une boule qui en choque une autre, n'ait la force de la mettre en mouvement. Cela paraît tel aux yeux, et c'en est assez pour ce philosophe, car il suit presque toujours le témoignage des sens, et rarement celui de la raison ; que cela soit intelligible ou non, il ne s'en met pas fort en peine »(1). La mise en question de la définition aristotélicienne des corps naturels est solidaire du mécanisme universel (ce que montre déjà le texte de la Physique du Stagirite, en réalité). L'hypothèse d'une efficace immanente des causes secondes (d'une interaction réelle des substances) n'est pas immédiatement intelligible, même si les relations particulières qu'entretiennent les corps matériels constituent le lieu d'application des lois générales qui sont l'autre nom de la nature. Se trouvent ainsi distingués, sur la base d'une réduction de l'enquête à la seule efficience, les deux aspects de la relation causale, à savoir son fondement ontologique dans une véritable puissance et ses déterminations relationnelles, qui s'énoncent dans des lois. La doctrine occasionnaliste incarne, sous une forme exacerbée, la difficulté qui est ainsi visée. Elle l'exprime en un chiasme remarquable, où les rapports selon lesquels s'effectuent les changements naturels sont parfaitement intelligibles (ce sont les lois du mouvement), mais où ils ne nous instruisent nullement sur la cause première de ces phénomènes (Dieu) qui, si elle enveloppe toute efficience, demeure strictement inintelligible.

Leibniz mobilise le principe de raison suffisante contre la disjonction assumée par Malebranche entre cause et raison. En effet, cette séparation radicale, caractéristique du système des causes occasionnelles, rend particulièrement problématique l'existence même des êtres naturels – dire que les choses ne comportent aucune puissance propre revient à affirmer qu'elles n'ont pas en elles-mêmes la raison suffisante de leur persistance et qu'à ce titre, elles ne sauraient être considérées comme de véritables substances : « Loin d'augmenter la gloire de Dieu en supprimant l'idole de la nature, [la doctrine des causes occasionnelles] fait plutôt s'évanouir les choses créées en de simples modifications de l'unique substance divine, et elle paraît faire de Dieu, en accord avec Spinoza, la nature même des choses : car ce qui n'agit pas, ce qui est dépourvu de puissance active, de toute marque distinctive, en un mot ce qui est privé de toute raison de subsister, cela ne peut en aucune façon être une substance »(2). En outre, pour rendre raison des propriétés qui ne sont lisibles et mesurables que dans des états futurs du corps matériel (ainsi la force), Leibniz procède au « rétablissement des formes substantielles ». Le recours au principe de raison et la reprise du concept de forme expriment ainsi la fondation de la physique dans une métaphysique de la cause.

Mais il est essentiel de saisir dans l'occasionnalisme le moment crucial où, avant Hume, se met en place l'idée essentielle selon laquelle la source de la relation causale n'est pas assignable au terme de l'analyse des termes qu'elle met en rapport : « Quelque effort que je fasse pour la comprendre, je ne puis trouver en moi d'idée qui me représente ce que peut être la force ou la puissance qu'on attribue aux créatures »(3). La causalité, en somme, n'est pas un rapport analytique. C'est le point que Kant dégage explicitement à la fin de la période pré-critique, en soulignant qu'il n'est pas possible de déduire analytiquement l'effet de la cause : « Analysez maintenant, autant qu'il vous plaira, le concept de volonté divine, vous n'y rencontrerez jamais un monde existant, comme s'il y était maintenu et posé par l'identité : il en est de même dans les autres cas. [...] comment par le mouvement d'un corps se trouve détruit le mouvement d'un autre corps, et sans que ce dernier soit en contradiction avec le premier, voilà qui est une autre question [que simplement analytique] »(4). Ainsi le rapport de la cause à l'effet est-il irréductible au rapport de principe à conséquence, au motif d'une distinction fondamentale entre raison logique et raison réelle.

André Charrak

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Descartes, R., XVe Éclaircissement à la Recherche de la vérité, éd. G. Rodis-Lewis, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1979, t. I, p. 973.
  • 2 ↑ Leibniz, G. W., De Ipsa natura, § 15, trad. Schrecker, in Opuscules philosophiques choisis, Vrin, Paris, 1978, p. 110.
  • 3 ↑ Malebranche, N., XVe Éclaircissement, éd. citée, p. 970.
  • 4 ↑ Kant, E., Essai sur les grandeurs négatives, Remarque générale, Vrin, Paris, 1980, pp. 60-62.

→ causalité, criticisme, loi

Philosophie des Sciences

Dans la science classique, ensemble des forces qui agissent sur les objets.

En physique newtonienne, une cause est ce qui fait qu'un objet subit un changement dans sa vitesse, c'est-à-dire ce qui perturbe son état d'inertie. Cette cause est quantifiée par une « force », proportionnelle au changement du mouvement (seconde loi de Newton(1)). Mais la cause elle-même peut demeurer obscure quant à sa nature propre, comme dans le cas de l'attraction universelle chez Newton. D'Alembert accentue cette focalisation de la physique sur les effets sensibles, aux dépens des causes cachées(2). Il remarque que le mot « force » n'a de sens précis que s'il se borne à désigner des effets sur le mouvement des corps, et non des « causes motrices » inhérentes. Cela lui permet de régler la vieille querelle, selon lui, purement verbale, des « forces vives » comprises comme causes de la « force du mouvement ». Cette querelle se résout immédiatement, pourvu que l'on ne considère que les effets de cette « force de mouvement », sur lesquels, dit-il, tout le monde s'accorde à la différence des causes.

La physique, au long du xixe s., abandonne le vocabulaire de la cause productrice pour celui de la loi de succession. C'est ce qui permet à la physique statistique de formuler de nouvelles lois sans devoir recourir à des causes individuelles. Les causes de l'évolution des phénomènes statistiques sont alors référées plutôt aux grands principes thermodynamiques qu'aux principes strictement mécanistes(3).

Einstein renouvelle la signification de la pensée causale. D'une part, la relativité restreinte fait de la simultanéité, donc aussi de la succession, une convention dépendant du repère de l'observateur(4). Or, puisque la cause implique la succession, son application est aussi touchée par ce caractère conventionnel. Et, d'autre part, la relativité générale ne fait plus appel aux « forces » newtoniennes, donc aux « causes » traditionnelles, pour expliquer la gravitation.

Enfin, la mécanique quantique n'utilise plus les causes d'une manière classique : elle fournit seulement des probabilités d'obtenir un certain résultat dans des circonstances données, mais, lors de la mesure, la « cause » de l'actualisation d'un de ces résultats plutôt que d'un autre n'est pas donnée(5) (du moins dans la version standard, à la différence des théories « à variables cachées »(6)).

Alexis Bienvenu

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Blay, M., les « Principia » de Newton, PUF, Paris, 1995.
  • 2 ↑ Alembert, J. (d'), Traité de dynamique, J. Gabay, Sceaux, 1990.
  • 3 ↑ Barberousse, A., la Physique face à la probabilité, Vrin, Paris, 2000.
  • 4 ↑ Einstein, A., la Relativité (1917), trad. M. Solovine, Payot, Paris, 1964.
  • 5 ↑ Bitbol, M., Mécanique quantique, une introduction philosophique, Flammarion, Paris, 1996.
  • 6 ↑ Bohm, D., Causality and Chance in Modern Physics (1957), Routledge, Londres, 1997.
  • Voir aussi : Fetzer, J. (dir.), Probability and Causality : Essays in Honor of W. C. Salmon, Dordrecht, Reidel, 1988.

→ causalité, conventionnalisme, déterminisme, force, probabilité, quantique (mécanique), relativité




causes prochaines, causes ultimes

Biologie

→ biologie