mouvement

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin movere.


L'interrogation sur le mouvement est constitutive de l'histoire de la philosophie, de l'interrogation des Éléates aux questions contemporaines. Conscient des difficultés introduites par les sophistes, Aristote cherche à constituer dans sa Physique une théorie du mouvement qui puisse permettre de surmonter le relativisme, remontant à la cause première de tous les mouvements, le Premier Moteur immobile, qui meut sans être mû. En inscrivant la question du mouvement au sein des catégories, il s'efforce de constituer une permanence au sein du mouvement, fondée sur l'ousia. Quatre types de mouvements se dégagent alors : le mouvement local, selon la catégorie du lieu, celui d'altération, selon la qualité, d'accroissement, mouvement selon la quantité, et la génération / corruption, qui est le mouvement dans la catégorie de la « substance ». Ce dernier pose cependant problème, car, passant de l'être au non-être, il ne s'effectue pas au sein d'un genre unique, et ne peut pas de ce fait être considéré comme un mouvement véritable. Reprenant cette question, Thomas d'Aquin déplace le problème : la génération et la corruption sont bien des mouvements ; c'est la « création » qui n'en est pas un, puisqu'elle passe du rien à l'existence. La nature se caractérise donc par le mouvement, tandis que l'activité créatrice, réservée à Dieu, s'en extrait, car Il est Immobile et séparé.

Physique

Déplacement dans l'espace en fonction du temps par rapport à un référentiel donné. Le mouvement d'un système est, en général, décrit par des équations différentielles et déterminé par la connaissance de la position et de la vitesse initiales.

Deux textes marquent, dans la première moitié du xviie s., la naissance de la science du mouvement, c'est-à-dire l'inscription du mouvement dans l'ordre des raisons mathématiques et de leur organisation déductive. Il s'agit des Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles, de Galilée, publiés à Leyde en 1638, et du Monde ou Traité de la lumière, rédigé par Descartes entre 1629 et 1633, mais publié seulement de façon posthume en 1664, puis en 1667, après ses Principia philosophiae de 1644.

Ces travaux portant à la fois sur le mouvement de chute des graves et sur l'élaboration des lois du mouvement connaissent une première organisation systématique avec Huygens (1629-1695), qui publie à Paris, en 1673, son Horologium oscillatorium. Cependant, la première grande synthèse de la science du mouvement est donnée par Newton dans ses Philosophiae Naturalis Principia Mathematica, publiés à Londres en 1687. Ce livre, présenté en forme géométrique, apparaît aujourd'hui comme le point de départ, au sens le plus fort, de la mécanique rationnelle pour deux raisons. D'abord, la science du mouvement est unifiée par une notion précise de la force ; ensuite, c'est dans l'étude des mouvements célestes qu'est énoncée la loi de la gravitation universelle. Par-delà ce travail conceptuel extrêmement novateur, l'ouvrage de Newton est, en outre, traversé par un souci d'organisation déductive qui reprend en l'approfondissant celui précédemment exprimé par Huygens. Newton s'efforce d'énoncer en pleine clarté des principes qui gouvernent les développements théoriques, et, simultanément, met en place les mathématiques susceptibles de rendre possibles ces développements théoriques. À travers les Principia, Newton apparaît comme le premier véritable fondateur dans toute son extension de ce qu'on appelle aujourd'hui la mécanique rationnelle.

Toutefois, l'introduction du calcul différentiel et intégral par Leibniz en 1684 et 1686, dans deux articles des Acta Eruditorum, va conduire à un renouvellement profond de la science du mouvement. En effet, au tournant des xviie et xviiie s., Varignon (1654-1722) s'attache à reprendre, dans le cadre des méthodes leibniziennes, l'étude du mouvement. Il construit ainsi l'algorithme de la cinématique, le premier algorithme appartenant au champ spécifique de la physique mathématique. Cette transformation de la science du mouvement constitue une première étape dans la refonte de la mécanique newtonienne, en ce sens qu'elle ouvre la voie aux travaux de Lagrange dans sa Mécanique analytique de 1788, centrée sur le principe des vitesses virtuelles généralisées, ainsi qu'aux formalisations variationnelles de la mécanique données par W. R. Hamilton (1805-1865) et par C. Jacobi (1804-1851).

Michel Blay

Notes bibliographiques

  • Blay, M., la Naissance de la mécanique analytique. La science du mouvement au tournant des xviie et xviiie s., PUF, Paris, 1992.
  • Clavelin, M., la Philosophie naturelle de Galilée, Colin, Paris, 1968, rééd. Albin Michel, Paris, 1996.
  • Dugas, R., Histoire de la mécanique, Éditions du Griffon, Neuchâtel, 1950.
  • Dugas, R., La mécanique du xviie s., Éditions du Griffon, Neuchâtel, 1954.
  • Koyré, A., Études galiléennes, Hermann, Paris, 1966 et 1980.
  • Koyré, A., Études newtoniennes, Gallimard, Paris, 1968.
  • Vilain, C., La mécanique de Christiaan Huygens. La relativité du mouvement au xviie s., Blanchard, Paris, 1996.

→ cinématique, dynamique, mécanique, mécanisme, relativité